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"Terre d'Entente"
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"Terre d'Entente"
  • Accordeur de piano nomade France/Afrique de l'Ouest. Pianistes et musiciens du Maroc, du Sénégal, du Mali, du Burkina-Faso, de Côte d'Ivoire, du Togo... Tendez l'oreille ! Il est temps de mettre votre instrument au diapason...
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26 juin 2010

Bamako... Boubakar en tête !

Si votre tête est connue quelque-part et que vous y revenez, mieux vaut avoir laissé une bonne impression. Mais alors, quel accueil ! Mohamed, dit Momo, gèrant de l'auberge, comme tous les autres partout ailleurs, reconnaît d'abord la voiture qui décidément n'est passée nulle part inaperçue.

Je pose mes pneus au millimètre près comme cet hiver, la place de choix pour les clients de Jatiguiya, juste à côté de la porte qui ouvre sur le jardin. Il faut dire que la saison n'est pas à la bousculade, et qu'un billet de 10000 est toujours aussi bienvenu que vous pouvez l'être vous même... et vice et versa !

Nous sommes dans une courte impasse d'une cinquantaine de mètres, pourtant très fréquentée, au cœur du quartier de Badalabougou situé au nord -est de la ville, un peu en hauteur, ce qui est génial pour respirer un air tout simplement respirable. Un vrai luxe à Bamako. Il y a en face de l'auberge une grande « cour », lieu clos environné de logements d'une à deux pièces, avec ou sans wc/douche, l'un et l'autre faisant la plupart du temps chambre commune, de façon à minimiser le nombre d'évacuations, portes d'entrée toutes désignées pour d'inopportuns visiteurs du soir. Je dois témoigner d'ailleurs à ce titre, qu'hormis l'énorme cacaraca rencontré en rentrant tard de chez Corneille, à Kpalimé, sur la terre battue qui fait office de trottoir, aucun congénère de quelconque dimension n'a eu la mauvaise idée de croiser mon chemin. Ce dernier était d'une taille tellement... respectable, que l'idée de le tuer ne m'a alors même pas traversé l'esprit. J'avais déjà du mal a accepter la réalité visible qui me dépassait et le dégoût habituellement associé à l'insecte en question, accusateur de crasse, lui non plus, ne s'est pas manifesté. Après quelque minute d'une observation éberluée (a-t'elle été réciproque ?),, François a brutalement mis fin à l'entrevue en précipitant toute la largeur de la semelle de sa vieille tong lestée d'un bon élan du genou sur l'énorme animal dont j'ai craint un instant de voir dépasser les articulations de part et d'autre du pied fraternel, comme dans un Tex-Avery ! Quelques mètres plus tard, alors que nous avions repris notre modeste retour dans le silence rythmé par les « claquettes », mon frère évoqua la résistance de ce qui était donc bien un cafard, persuadé qu'ils nous survivraient tant elle est légendaire, et je fus certain alors, que bien qu'un peu étourdie d'avoir croisé deux mecs un peu lourdinguess, la créature avait déjà repris, certes plus timidement, sa frénétique quête coprophage. Une de mes projections avait en tout cas pris corps, à la faveur d'une tiède hébriété quasi tropicale.

Sinon tout bien. Pas de haletants sautillement entre des nuées de blattes dans les salles d'eau des auberges, hôtels, ou dans les familles, pas de haut-le-coeur à réprimer. En Afrique, la saleté est une couleur, elle fait partie du paysage, la merde retourne à la terre dare-dare. L'homme entretient d'ailleurs avec elle un commerce tout ce qu'il y a de plus équitable.  Il y a de la lyophilisation minute dans l'air. Que ce soit une bête crevée au bord de la route, un  résidu organique de quelque nature que ce soit, il sera soit, s'il est comestible, consommé dans le ¼ d'heure par une poule, une cane, une chèvre ou un porc, soit, dans le cas contraire, déshydraté dans la journée, puis piétiné et réamalgamé sous forme de matière sèche, par le sol. Même une chiure de porc ne passe pas la journée. Vous avez à peine le temps de ne pas marcher dedans   une fois! »que poussière elle est redevenue.

Bon c'est vrai, quand la saison des pluies s'installe, la soupe n'est pas top top, et il y en a un peu partout. Mais aujourd'hui, fin juin nous n'en sommes vraiment qu'au début. Beaucoup de régions attendent encore leurs premières vraies pluies. Le sol boit, la nature se désaltère, les herbivores sont ravis, tout va pour le mieux ! Mais lorsque des trombes d'eau s'abattent plus régulièrement, le ravinement est fulgurant. Chaque point bas reprend ses droits et collecte. Vous repérez les rues aux flaques d'eau : dimension, profondeur, nombre, espacement, Ah oui c'est là !

L'évaporation ne suit pas, et quand ça commence à macérer, il faut admettre ça devient franchement dégueulasse dans certains quartiers vraiment défavorisés. En passant, c'est rigolo, mais lorsqu'en sortant de chez vous, faute d'avoir de vraies bonnes chaussures, vous vous mouillez les pieds systématiquement dans ce qui surnage d'un marigot nauséabond, ça devient plus glauque évidemment. Bon, revenons à Bamako.

Accueil chaleureux donc. Je retrouve aussitôt mes marques, quelques visages, quelques noms. Je ne verrai pas Mickaël, il a trouvé un boulot dans un restau chic, hors de Bamako, pas bien loin, et ne déambule plus aussi assidûment dans le quartier. Manu trouve l'endroit sympa, manquerait plus que ça. Détail qui a son importance, pas de bière, nous sommes chez les musulmans. Ils ne sont pas saoulants avec ça -si j'ose dire- mais ne vendent pas d'alcool. Ils sont près toutefois à aller au dehors nous en acheter. Non, j'ai mon idée : Une bonne raison d'aller faire un tour chez Raphaël.

Nous avions dormi avec les enfants dans le dortoir, cette fois, il y a des chambres, c'est parti ! Bof ! Peinture décrépie, petite, ventilateur cliquettant, un seul lit, moustiquaire trouée à la fenêtre, poignée absente, serrure récalcitrante, bof bof... excusez du Peul (c'est son nom) ! Je peux en voir une autre? Elle sera deux fois plus grande, deux lits, lumière bien plus abréable, salle de bain correcte et clean, ventilo silencieux, il y a même la clim... mais je ne préfère pas l'utiliser, et tout ça au même prix. Allez ouste, on s'installe!

Chez Raphaël, c'est joli, il y a une piscine avec une petite balustrade en béton peint, un joli jardin avec de beaux arbustes, un palmier, un bananier, tout est propre, le frigo marche bien, la bière est vraiment fraîche, il y a le choix, la musique est bonne, les tables sur la pelouse autour de la paillotte bar sont éclairées doucement, il y a des chaises confortables, de vrais tabourets de bar design, un gardien à l'entrée, un super bel endroit. Du coup, ce sera gin-to' une fois, gin-to' deux fois, dodo une fois !

Rouler comme on l'a fait, ça cane ! Demain c'est vendredi, et j'aimerais bien qu'on m'aime... non, vendredi, dernier jour de la semaine, ensuite, ambassade de Mauritanie fermée. J'espère qu'ils délivrent le visa dans la journée. Il ne faut pas se louper. En général, le dépôt des passeports, c'est entre 9 et 11.

Je me réveille à 6h30, mais le calme ambiant ne m'incite pas à sonner le clairon, je rempile un peu pour émerger à 9h30 !!! Van de Diou ! Zut ! Faut speeder ! J'ai super faim ! Pas le temps ! Manu ! J'y vais ! Tu viens ? Si ! Un café quand-même ! Crotte ! Faut y aller en moto ! On gagnera du temps ! Il est là Momo ? Il revient de suite ! Cool ! Alors ce Nes ?! Sont en train d'en acheter, une dose par une, ces cons, et l'eau elle est chaude? Putain ! Font chier des fois ! Comment veulent-ils ne serait-ce qu'inventer l'eau tiède s'ils n'ont même pas d'eau chaude. Non je vous le dis, l'Afrique, ça veut pas ! Ne leur demandez pas « C'est comment qu'on freine ? » Ils pédalent avec les talons ! C'est dire l'envie de tracer qu'ils ont ! S'arrêter n'est jamais un problème. C'est spontané pour les gens, les machines, les voitures. Au moindre truc, ça s'arrête ! Vous voulez que je vous dise, contrairement à ce qu'on croit, il n'y a que les ânes qui avancent toujours, chargés comme des mules/baudets qu'ils sont, à croire qu'ils gagneront quelque chose à traîner partout ces tonnes de bois, d'eau, à faire un pas après l'autre dans le cagnard, avec derrière par dessus le marché, des gars vautrés qui ne veulent pas marcher ! Que dalle ! Un petit jour de repos par ci par là, le temps d'aller folâtrer un peu de part et d'autre de la nationale, de jour comme de nuit, ou bien, quand votre triste condition vous saute au muffle et que vous ne pouvez plus refouler l'évidence de votre naturel suicidaire, de s'immobiliser entre chien et loup sur la voie de droite, celle par où les camions chargés remontent du sud. Paf ! C'est instantané, sans douleur, les tripes à l'air, poussé sur le côté, abandonné aux vautours, aux chacals, aux buses, et lyophilisé sous 4 jours. Radical stairway to heaven !

Je n'ai vu qu'un âne bâté! Pas d'échappatoire ! Il s'était arrêté lui aussi, malgré les coups il n'avançait plus. Il n'a pas duré. Un âne qui s'arrête est un âne mort. Il habitait trop loin de la route. Franchement! Les enfants leurs mettent de tels coups de bâton, même lorsqu'ils avancent déjà bien, qu'on a envie de s'arrêter dans un crissement de pneus, de serrer énergiquement le frein à main pour armer une bonne droite, de descendre de voiture et d'aller leur arracher leur cravache de la main gauche avant de leur lâcher tout ce qu'on peut d'une grosse droite en pleine poire... de l'autre, forcément !

On croirait des français moyens, les ânes en Afrique. Ils font ce qu'on leur demande, opiniâtres, jamais de carotte, que du bâton, et ils ne mouftent pas! Pire ! Ils ont l'air content ! Ils en redemandent ! Et on leur en donne ! C'est pas la charge qui manque !

Dure condition, les ânes, moi je leur tire mon chapeau! Je ne me vois pas à leur place.

Pour être âne, forcément, il faut avoir été très injuste avant !

Ah ! Un bon café, enfin ! Pas trop tôt ! Au fait ! Et Momo... toujours pas ? Ca va être chaud ! Si on doit prendre un taxi, c'est maintenant ! C'est loin d'ailleurs, l'ambassade de Mauritanie ? Musée truc, entrepôts frigorifiques, hippodrome, par ici ou par la route de ..., hmm ! Je la sens mal cette affaire !

A moto c'est tellement rapide ! Mais pas de taxi moto à Bamako. Seulement location à l'heure. Et Momo qui n'est pas là ! Mais !!! C'est pas dix heures moins dix, c'est neuf heures moins dix... aaahhhh ! On a même le temps d'une tartine, mais côté appétit, pas grand-chose. Enfin ! Faim mais le cœur à pas grand-chose d'ici. Y'a de l'organique mais y'a du somatique. Envie d'un petit truc standard, genre un canapé, y'a pas ! Un expresso ? Y'a pas ! On est mal assis, qu'est-ce qu'on est toujours mal assis, il n'y a que les chaises en plastique chinoises de jardin qui soient à peu près confortables quand elles ne vous pêtent pas aux fesses ou au bras, vous précipitant illico sur le sol. Leurs chaises en fer avec la corde à linge dans un seul sens, qui finit toujours par s'écarter et vous mouler le derrière en friteuse « grand-mère »! Ou ces trucs en bois, raides, ces bancs instables... Y'en a marre ! Ouahhh ! Il va faire chaud ! Que dis-je? Il FAIT chaud ! Et puis les mauritaniens, il faut que je vous dise, ils commencent à me courir avec leur visa à 30000 ! Le premier, pris à Rabat, disparu avec les passeports à Saint-Louis, le second, pris à Dakar, c'était dur, périmé, et maintenant, rebelote, et je n'y suis pas ! Pourvu qu'ils me le délivrent dans la journée, sinon, c'est lundi, et deux jours de perdu, sans compter les deux nuitées supplémentaires. Bon ! Maintenant c'est 10h, toujours pas de Momo ! Allez ! Taxi ! Go ! Il ne sait pas où c'est ! On lui dit musée, frigos, blabla, hippodrome... ça commence bien, bouchon, arrêtés 5 minutes au premier feu. Ca pue ! Et il fait si chaud !

Le pont des Martyrs est à double sens, trois voies en une, ça dure, ça lutte, ça traîne, ça n'en finit pas, le pont est passé, on sort, paf, bouché arrêté encore 10 minutes, 10h20 je stresse ! On le lâche ? Non ! Confiance !  Il passe par la cour d'un bâtiment officiel pour ressortir dans l'autre rue, ça avance un peu mieux mais c'est vraiment pas ça. Le marché bat son plein, les charrettes à bras traversent par vingtaines, les feux s'y mettent, le flic bouffe du gasoil, On y arrivera pas !

Si, onze heures moins 12. C'est super limite! J'entre, beau bâtiment dans quartier paumé. Clim, diplomates vautrés derrière une vitre sur des grands canapés de skaï noir. Mettent au moins deux minutes à bouger. Gros, lent, obséquieux, le pas traînant dans des babouches qu'il met 5 pas à enfiler entre ma main et son « parlez dans l'hygiaphone à genoux ».

Aujourd'hui ça ne va pas être possible... je crains ! Vous seriez venu il y a 20 30 minutes, le conseiller général vient de partir. Photos? Oui ! Voilà ! J'explique qu'il faut juste proroger mon visa périmé. Il est périmé Monsieur, il faut le refaire, en plus, il a été fait à Dakar... Je ne suis pas déçu! 26000 ! Ah ! Bonne surprise ! Je reviens, attendez ! Oui Monsieur ! 10  minutes... Bon ! Vous tenez vraiment à l'avoir aujourd'hui ? Qu'êtes vous prêt à faire pour cela ? Gardez la monnaie sur 30000 ! Tssss ! Long regard inquisiteur ! Silence ! Je pense qu'en dessous de 15000 ça va être difficile ! C'est le week-end ! Vous comprenez ? Je pense que 15000 conviendraient ! Je rajoute 10000, c'est tout ! Ca fait 14000 ! Les français sont durs en affaire, Picart ! Très durs ! Revenez à 14h ! Non ! Appellez-moi à 13h30 ! Et entre nous... il n'y a que les 26000... hein ?! Ben voyons ! Naturellement ! Je reviens pour 14h ! A tout-à-l'heure !

Connard !

Le taxi attend encore ! Merci vous pouvez y aller ! On doit rester dans le quartier !

Quartier nul ! On marche dans la poussière, la chaleur, des carrefours un peu zone. Restau sénégalais, Théranga, tiens ! Nan ngen def ? Ca va bien ! Bonjour! Il y a quelque-chose de prêt? 20 minutes... à midi quoi ! On s'installe sous le ventilo, on boit un coup, on attend, on mange, on cherche à prendre un café pendant presque ½ heure, on marche beaucoup, on trouve, ça pue la merde, c'est au bord de la grand-route, tout est moche, ça traîne, c'est cher, on se casse. Journée de ----- !

Retour case Mauritanie, 13h30, clim, ouf ! Non Monsieur ! Attendez dans la salle d'attente! Je cherche, ne trouve pas, trouve, pas de clim, pas de ventilo, ombre, canapé, mais 35° au moins. J'attends, il vient. Le conseiller va arriver d'ici peu ! Quand ! Avant 15h30 c'est certain ! Sérieux le conseiller, lorsqu'il mange dans son restau de blancs bien cher, avec nos devises extorquées, il reprend trois fois du thé et fume deux cigares, mais le vendredi, au pire à 15h30, il est de retour de pause ! J'ai trop de bol !

Je m'endors ! Suis réveillé à 14h45 ! Alors on dort !! Oui, voilà, merci ! Hmmm ! Chose promise... chose due, oui, voilà ! Un billet de 10000 ! Pour ta pomme ! Trouduc ! Merci Monsieur ! Au revoir Monsieur ! Vous avez gagné deux jours, il faut sourire ! Mirci Missieur ! Au rivoir Missieu ! On part ! Il me rappelle dans la rue, nous sommes à cinquante mètres. Il doit faire une photocopie du visa. Mi avic plisir Missieur ! Tinez ! 3 minutes dans le cagnard. Mirci Missieur ! Au rivoir Missieu ! Va t'faire...


Moi je veux rentrer en moto. On doit trouver deux motos, Manu ! Tu m'écoutes ! Tiens regarde !

Deux motos sont garées sous un arbre, deux gars vautrés à côté. C'est à vous la moto? Non Monsieur ! Demandez Ibou en face ! Match ! Télé ! Quelques hommes ! Ibou ! Ibou est là ? C'est moi qui bout ! Oui, bonjour ! On aimerait louer votre moto pour rentrer à Badalabougou, c'est possible ? On est deux ! 1000 1000 !  Il se lève, laisse une bonne place devant la télé qui fait un heureux . Appelle son pote ! Où est l'autre ! Manu ! C'est bon ! Vroum vroum, montez ! C'est parti. On croise ces fours ambulants que sont les taxis agglutinés, on double ces voitures, ces camions qui zigzaguent entre les trous, je sirote un jus de grenade glacé payé 200, fume une cigarette, nous nous attendons un peu, il y a un feu un peu long, le pont des Martyrs, Badalabougou, à droite au Croco, deuxième à gauche, ici, là, hop, on y est ! 15H15 ! Cool ! Merci. Ce soir la France va se prendre une raclée face au Metsique ! La cucaracha, la cucaracha ! 2/0 ! Match de merde, équipe de merde, entraîneur de merde, gouvernement de merde, pays de merde ! La totale ! Domenech aux fraises ! Ribéry peut continuer à marquer des putes contre son camp! Allez Lisez ! A l'Elysée ! Ils vont l'avoir leur baffe ! Cette bande de j'me la pête ! Ca se la joue, ça descend dans l'hôtel le plus cher, que tout le monde se fout de nous, et ça joue comme des pelles à tarte, on s'ennuie, il ne se passe rien, le football peut vraiment être un sport désespérant ! Même les Coréens sont meilleurs ! On voit qu'ils y croient, qu'ils essayent, ils sont drôles, il font plein de petits pas, quelques grands pas qui manquent de les faire tomber. Ils courent partout, on rit ! Mais la France n'a plus rien que de consternant ! N'en déplaise aux bobos à bicyclette, qui peuvent toujours jurer par Janie Longo... Soir de honte à Bamako. Demain samedi ! Musique à Bamako ? Pas la force de ressortir là dedans ! Demain peut-être...

Samedi tout doux, sieste, quelques pas, un peu de bricolage auto. Je montre à Manu comment fabriquer des vortex valve (voir site pour ceux que ça intéresse). En démontant l'arrivée d'air, elle se fend dans la partie accordéon, le caoutchouc Toyota accuse ses vingt deux ans. Dans l'instant, un type posté là en face depuis notre arrivée à l'auberge, jaillit, heureux de m'annoncer qu'il est spécialiste de ce genre de réparation. Quel bol ! Mais n'est-ce pas lui qui aurait promptement coudé le tube alors que j'avais le dos tourné, pour pouvoir laisser s'exprimer l'évidence de son talent. Il me demande 3500 pour recouvrir toute la partie accordéon d'une peau de chèvre qu'il coudra après l'avoir collée. Je lui confie la pièce. Il revient 10 minutes plus tard, la peau est formée, collée en place, accordéonnée, il ne reste plus qu'à la coudre. Je lui avance 500 pour se procurer le fil gros et l'aiguille. ¼ d'heure après, la pièce est réparée, je la remets en place. 3500 = 5 euros et quelques...

On mange peu, on est tous les deux patraques. En réalité, dès qu'on ne fait rien, on a mal au ventre. Si on est concentré sur un truc, on y pense pas du tout ! C'est curieux ! Je suis rassuré que mon Burkinabé fasse sa petite tourista au Mali, je me sens moins seul avec mes grimaces et mes élans aqueux.

Samedi soir à Bamako ! Ca va être chaud ! Combien rêveraient d'être à notre place, d'aller à l'Exodus écouter le meilleur reggae live du continent ? Hein, combien ? Et bien non ! Rien à cirer ! Pas besoin. Chuis bien ! Il fait plus frais. Un bon petit sandwich, le meilleur du continent, lui aussi, et au lit ! Douche, longue, c'est doux ! Et à plat ! Demain départ ! Manu est décidé à poursuivre sa route vers l'ouest avec moi. Chic !

Pour rallier Kayes, il faut déjà quitter cette ville tentaculaire, trouver son chemin, franchir le premier col, vers Kita, pas bien haut, mais les camions n'en demandent pas plus pour se mettre les tripes à l'air à leur tour. Ils adorent manquer un virage, casser un essieu, se renverser sur le côté. S'arrêter est dans leur nature. Je les vois mal dans les Alpes !!! Un dénivelé de 100 m, et c'est de l'animation garantie tous les jours. Pour corser le tout, ils ont parsemé cette descente de gendarmes couchés totalement obscènes qu'il  faut passer en seconde quasi au ralenti, sous peine de voir son chargement se mélanger comme un jeu de boggle. Et il y en a comme ça une tripotée, jusqu'à Kita. Nous y sommes vers 13h seulement. La route n'est pas mal dès lors. On peut rouler à 100. Peu de bestioles. Peu de véhicules. Musique à fond. A nous Kayes.

Nous prenons par le nord, j'ai déjà pris l'itinéraire sud, par Manantali et Bafoulabé, lorsque nous sommes passés aux chutes de Gouina... il y a une partie de 70 km qui vous prend la journée, si ce n'est votre différentiel ou vos nerfs, si ce n'est les trois en même temps. Merci, j'ai déjà donné.

Par le nord, ça se passe bien, via Diema. On se dit qu'on dormira là, car nous y serons vers 20 h. Nous nous y arrêtons manger, mais ce n'est qu'un carrefour, avec commerces pour les routiers, sur 100 m dans les 4 directions. La viande est hors de prix. Pour 500, vous tenez ça dans une main. On commence par ça, malgré tout, ça sent bon, mais la vache est vieille, ça passe !

Maintenant, légumes... on entre dans le restau, chez l'ami Diallo, qui n'a d'ami que le nom et vous sers pour 500  12 frites froides, je remets 500, il me rajoute 5 frites ½, je ne vois pas la tête de l'ami Diallo, il se cache derrière un passe plat. Manu est littéralement mort de rire en comparant la tête que j'ai fait quand on m'a dit qu'il y avait des frites, et celle que je fais en mangeant ces patates tièdes !

Pour me narguer, il va chercher une assiette. J'ai vu passer la même, me disant que ça avait l'air plus copieux, pour le même prix. On aurait presque cru, dans la pénombre, un bœuf bourguignon... slurp, mais avec du riz. En fait, du riz, c'en est bien, mais en matière de sauce sombre, c'est un truc in-bouf-fable, qu'on croirait à base de sable. Ça noie une queue de poisson hyper grillée amère. Je goûte... la sensation est intéressante dès lors qu'elle ne dure pas. Je ne reprends donc pas de seconde cuiller. Manu fait le brave mais abdique après trois bouchées. C'est vraiment dégueulasse ! C'est une spécialité malienne, du genre de celles dont il faut absolument avoir la recette, afin d'éviter scrupuleusement tout ce qui désormais, s'avèrera contenir un ingrédient similaire au moins.


Vraoum ! On se casse ! 500 m plus loin, je me dis que je ferais quand-même bien de faire le plein. Demi tour. Et route de nuit donc, jusqu'à Kayes, encore 240 km. Musique à fond. On est bien. Petites pauses dans la nuit, en pleine brousse, coca bien frais, eau glacée, cigarettes, 12h00 le pont sur le fleuve Sénégal, un peu en aval de Lontou, où je me rends chez Boubakar. Je fais un détour pour trouver mes repères, l'hôtel en fait, est 100 m à droite à la sortie du pont. Nous y avions mangé avec les enfants, ça risque d'être un peu cher, mais l'endroit m'avait fait parfaite impression.

Plus de chambres ! Ça alors ! Essayez le Khasso... On trouve rapidement... 27500 Ouch ! Trop cher ! Dans la même rue, en retrait de la route, l'hôtel Logo, il en est question dans Lonely Planet, surréaliste. Le type ne me répond pas, il fait super noir là dedans, je ne distingue même pas les traits d'un type qui ne peut être que le réceptionniste, et s'obstine à me répéter sur tous les tons qu'il fait chaud, qu'il fait si chaud, mon ami, il fait tellement chaud, sans daigner répondre à ma question : avez-vous une chambre ventilée ? Il me dit à mots couverts sa honte de tenir un hôtel où il fait si chaud dans les chambres... me fait entrer dans l'une d'elles... un bon 38°7, bien moite ! En effet, je comprends ses mots. Je partage son émotion. Je ressens son quotidien nocturne. Je compatis. J'ai visité une chambre, est elle libre, en dépit de la paire de tongs dépareillée qui orne le carrelage ? Ce qu'il tente, par son obstination langagière à la limite du lourdingue, du genre qui rajoute à la chaleur, à l'étouffement, vous voyez, c'est que je serais fort bien avisé de prendre avec clim ' Avant même que je n'achève de comprendre sa manœuvre alambiquée, et me voyant probablement désemparé par la tournure du dialogue, il consent d'emblée à me faire la clim' au prix du ventilateur, soit 15000. Banco, c'est tout bon ! Ouf de ouf ! Nous attendons que la clim opère en sirotant une bière mi fraîche dans un patio sans lumière autre que la lune et la télé, apprenons qu'il faudra rétribuer 1000 f le gardien de voitures, « Je tenais à vous en aviser! », et allons nous coucher après avoir testé la douche.


Nuit ok. Le matin, pas de kf à l'hôtel, tant pis, nous faisons un petit marché, en quête d'une cafetière italienne. J'achète des colas pour la grand-mère de Boubakar, quelques gâteaux en cas d'absence de pain le matin. Un sac de sachets d'eau. Quelques boissons à mettre dans le frigo. Sucre. Menthe pour le thé. Vache qui Rit, lait en poudre. Nous voilà partis pour Lontou. Je connais la route, elle quitte Kayes au niveau de l'hôpital, après la gare. La piste est de 15 km, horriblement poussièreuse, au grand dam de ceux que l'on croise ou dépasse, le nuage est terrible. Tôle ondulée, la grille de la galerie ne cesse pas de vibrer, les instruments dans le coffre jouent presque seuls. Puis c'est l'ascension, rapide, en troisième, presque à fond. Nous traversons un premier village où la chaleur est particulièrement écrasante. Encore quelques kilomètres, c'est sinueux, en contrehaut du fleuve, très beau. Il faut s'arrêter pour croiser les camions. Il y a beaucoup de bennes, des camions assez récents, que se passe t'il là haut ? Nous arrivons à la centrale hydroélectrique, construite par les français il y a environ un siècle. A cet endroit, plus de route, nous roulons à même le rocher. Il est assez lisse, mais beaucoup de lèvres font tressauter la voiture en tous sens. Nous sommes en seconde, au ralenti presque. Il est 11h30, le soleil écrase tout alentour. L'endroit est tout ce qu'il y a de plus hostile. D'énormes bulls s'activent. Un panneau danger, travaux, 30km/h (ça serait le Pérou de rouler à 30 ici !). Danger de Mort, tir de mines, passage interdit après la première sirène. Tous les jours entre 12h00 et 12h30, et entre 18h et 18h30. Le chantier est colossal. Ils ont pratiqué une saignée insondable dans le roc blanc. Des camions charrient des tonnes de rocher pulvérisé. Vers où ? Il faut trouver son chemin, parvenir au petit pont cassant, une simple dalle de béton posée entre deux rives d'un marigot. Et nous sommes à Lontou. Je reconnais sur la gauche le petit carrefour pour accéder à l'endroit près du fleuve où nous avions établi notre campement.

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Commentaires
V
Excellent ce dernier récit!!! je vois vos têtes!!!! devant les routes, les plats, le rien......bonne chance pour la suite de la route sans Manu..sniff....
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