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"Terre d'Entente"
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"Terre d'Entente"
  • Accordeur de piano nomade France/Afrique de l'Ouest. Pianistes et musiciens du Maroc, du Sénégal, du Mali, du Burkina-Faso, de Côte d'Ivoire, du Togo... Tendez l'oreille ! Il est temps de mettre votre instrument au diapason...
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18 janvier 2010

PK-25

Point kilométrique 25. C'est ainsi que l'on nomme cet endroit au bord de l'immense lagon qui pénètre dans le désert depuis Dakhla. Une petite trentaine de kilomètres de mer intérieure, peu profonde et poissonneuse, abritée des assauts de l'océan, et où de nombreux pêcheurs à pied se pressent dès le matin. C'est aussi un spot idéal pour le kite-surf, comme nous l'apprenons bien vite. Une jeune femme se tient là debout au petit matin, devant la balustrade rose, seule construction humaine un peu incongrue au milieu de ce sable et de cette mer tranquille.

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C'est elle que j'ai entendu faire des commentaires à voix haute sur les rapports canins depuis la tente. Les chiens aboyaient, Eko attaché à l'arrière se tenait tranquille. Mais en tant que mâle systématiquement dominant, il énerve correctement les chiens locaux qui se sentent menacés dans leur souveraineté. "Il ne devrait pas le laisser attaché, avec 5 mâles autour..." Je m'étire donc un peu et me retrouve en bas, pieds nus dans un sable doux et profond, entre une grande dune de sable, la plage, et cette lagune paisible, à discuter avec une française d'une quarantaine d'année qui boit son petit café, les cheveux en bataille et la mine à peine réveillée.

Je comprends vite qu'il s'agit d'un lieu prisé des surfers, qui viennent profiter de conditions de vent en principe exceptionnelles, et donc de cette lagune peu profonde, idéale pour pratiquer le kite dont la voile (une sorte de parapente) tombe parfois à l'eau. Malgré un boudin gonflable qui lui permet de ne pas s'affaisser, mais d'être toujours susceptible de reprendre le vent, les surfers préfèrent pratiquer avec peu de fond, ce qui leur permet de mettre un pied à terre pour retrouver plus facilement l'appui et la traction, avant de sauter sur leur planche et de reprendre (beaucoup) de vitesse. Las ! Voilà trois jours que le vent dédaigne les lieux, et que la fine équipe se morfond quelque peu.

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Ils ont pour cela un endroit très chic : Une Khaïma, à savoir une tente maure traditionnelle et de grande taille en l'occurrence (environ 7 m sur 7). C'est leur lieu collectif, et ils dorment chacun dans une petite tente igloo à quelques mètres. Ils y préparent les repas, règlent leur matos, et surtout, y font face aux longues et redoutées "pétoles", à savoir absence totale de vent. Celle-ci aura duré 10 jours, autant dire un cauchemar pour ceux qui étaient venus y passer une semaine et qui n'auront pas pris une seule fois la mer. L'équipe est sympa, une dizaine de beaux gosses qui ne se prennent pas la tête et deux trois nanas ! Il y a aussi Stefano, un italien bavarissime dans un français minimaliste avec l'accent à couper à la machette, qui te parle et te parle en ouvrant grand les yeux. Tout ce qu'il dit est de la première importance, et même si tu ne comprends rien, ou pas grand chose, il faut attendre qu'il ait terminé en acquiesçant ! C'est un type sympa comme tout, qui prévoit toujours large quand il va faire les courses en ville (Dakhla est donc à 25 km) et peut te dépanner en cigarettes où autres produits de première nécessité. L'ambiance est cool et leur Khaïma sera vite un lieu d'échange sympa, où l'on peut facilement s'asseoir au frais, sous six épaisseurs de tissu épais soutenues au centre par un unique pilier de bois. Les côtés, constitués de toile, pendent jusqu'au sol, et le toit est tendu tous les deux mètres par de bonnes cordes fixées à des pieux plantés dans le sable. Le sol est traditionnellement recouvert de beaux tapis de laine assez épais, mais ici, quelques nattes  au milieu, et le sable partout ailleurs. On s'assoit en tailleur, ou sur un coussin, on s'allonge sur une natte que l'on apporte avec soi, et on partage de tranquilles soirées à discuter ou faire de la musique. Bonne ambiance! Je passerai plus d'une heure à remettre en état une guimbarde thaïe, que je connais bien puisqu'ayant la même. Celle de Simon ne fonctionne plus et il en conçoit un vrai dépit. Il faut dire que c'est un instrument magique, simplement constitué d'un long et fin triangle de métal au milieu duquel est pratiquée une mince découpe. On appuie les grands côtés sur les lèvres en faisant vibrer le petit triangle central à l'aide de l'autre main. Elle permet d'infinies variations de ton, suivant que l'on inspire ou qu'on expire doucement, en faisant varier la forme de la cavité buccale comme si l'on voulait articuler des voyelles, par exemple. Avec un peu d'expérience, et pour peu qu'on garde le rythme, cela produit un son très mystérieux et mélodique. La sienne est faussée car le petit triangle heurte le bord de la découpe, ce qui l'empêche de vibrer librement, et donc de produire le moindre son. Avec juste une petite pince et beaucoup de patience, je parviens à la faire vibrer à nouveau comme au premier jour, et Simon exprime sa joie en nous interprétant un chant complètement mystique au rythme endiablé, suscitant l'admiration de toutes et tous. Il y a aussi une ou deux guitares que j'accorde avec soin, ce qui me vaut la reconnaissance immédiate des musiciens, et la soirée est extra.
Ces conditions très agréables m'incitent à envisager de rester ici quelques jours pour récupérer de la fatigue de la route. Nous y passerons trois jours très chouettes. Léon ira pêcher du poisson avec l'un, des couteaux avec l'autre et nous laisserons Hamidou préparer traditionnellement les couteaux et nous concocter un plat mauritanien typique et sensationnel. Saveur et consistance uniques, à volonté tant il y en a. Le lendemain, ce sera poisson grillé au feu de bois. Les pêcheurs sahraouis vont et viennent sur la plage toute la journée avec leur sempiternel land rover. La campagne de pêche aux couteaux est lancée, et c'est un va et vient perpétuel. Ils en ramasseront 200 tonnes en trois semaines, et cela horrifie Stefano qui plaide ici et là pendant toute une journée son amour de la "laguna", "dé la natoure", et son dépit d'assister à une telle surexploitation des ressources. Les filets sont remplis de poissons également, et cela le désole tout autant.

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Le second matin, un nouveau véhicule a fait son apparition : un petit citroën C15 immatriculé dans l'Hérault. Petit couple très sympa, Simon et Vanessa, avec leur chien Banjo, genre de labrador un peu bâtard, et "tête de con" -comme le dit son maître- qui ne se fera jamais à la proximité d'Eko, qui pourtant ne cherche qu'à jouer...
J'ai déployé l'auvent et installé à mon tour un campement digne de ce nom qui fait l'admiration de tous par sa fonctionnalité et ses dimensions. La puissance des batteries permettra de recharger les appareils de nos voyageurs un peu démunis, loin de toute prise de courant, et mon allume cigare n'aura pas le temps de refroidir pendant les 72 h de notre séjour ici.
Lorsqu'une voiture s'apprête à partir en ville pour les courses, elle demande à tous s'il y a besoin de quelque chose. Comme je ne peux utiliser la voiture lorsque tout le campement est installé, nous aurons recours à chacune de ces propositions, et rendrons le même service à notre tour, la veille du départ, lorsque j'irai en ville ravitailler en gasoil, en eau, et en légumes pour la suite du voyage.
Nous décidons d'attendre le lendemain pour partir en même temps que Simon et Vanessa, contents les uns et les autres d'affronter le désert et les douanes marocaines et mauritaniennes ensemble, avec le no man's land entre les deux, endroit critique s'il en est ! C'est là qu'il reste des mines, entre autres.
C'est au tour de Jonathan d'arriver parmi nous, sac au dos, auto stoppeur depuis la France qu'il a quitté dans le cadre du projet Rainbow : un groupe de jeunes d'origines aussi diverses qu'improbables (Slovènes, Irlandais, Allemands, Pakistanais, etc...) qui font la route sans quasiment le moindre sou en poche, pour se retrouver chaque année dans un pays différent et faire un grand raout. Ils viennent de partout, seuls ou en groupes, se rejoignant au gré des affinités, se séparant au gré des prises de tête, mais avançant vaille que vaille. Jonathan s'est un peu désolidarisé du groupe, trop "crève la faim" à son goût, et continue seul son chemin, avec l'idée de rallier Dakar, de passer quelques temps à Gorée, et surtout, de trouver ensuite un bateau pour rallier le Brésil. Nous le prendrons avec nous pour la suite du voyage.
La veille du départ donc, alors que nous souhaitons aller en ville et que j'ai tout replié, je vais pour démarrer et rien ne se passe. Nos batteries ont tout donné, et il ne reste rien pour lancer le moteur. Les surfers qui disposent d'un 4x4 sont partis à la dune blanche pour la journée, alors justement que le vent s'est enfin mis à souffler et que les autres sortent leurs voiles. J'installe les pinces et demande à des sahraouis qui passent, mais ils me promettent qu'au retour... Donc je poireaute, avant de me décider à solliciter l'aide des camping caristes nombreux présents sur le terrain... mais je suis à une vingtaine de mètres du goudron, dans le sable, et il faut absolument un 4x4. En outre, les camping car une fois installés, pour les faire bouger !...
J'attends donc, et voilà le 4x4 pajero des amis de retour... Joie ! Il s'approche, je branche les pinces mais... toujours rien, pas même un frémissement du démarreur. Bon sang mais c'est bien sûr ! Je suis en 24 V et lui en 12. Je laisse les câbles branchés une vingtaine de minutes avec le moteur qui ronronne, mais rien n'y fera.
Mon seul espoir : un gros camion 4x4 impressionnant qui est arrivé le matin même et n'a déployé qu'un modeste auvent. C'est sûr que s'il voulait bien bouger, je serais sorti d'affaire. Il va falloir se montrer convaincant. Je mobilise toutes mes ressources en allemand et répète dans ma tête les quelques phrases qui pourront à la fois lui expliquer mon problème avec mon maigre vocabulaire, et le convaincre que je suis un ami de toujours de son pays. J'ai quelques arguments familiaux, l'une de mes sœurs habitant Göttingen. Et ça marche ! Non pas que mon allemand soit impeccable, mais le gars est sympa et après avoir réfléchi une demi minute, accepte de déplacer son monstre d'engin. Je suis impressionné de la facilité avec laquelle ce mastodonte se meut dans le sable mou. il manœuvre à la perfection et vient se caler le long de mon capot, à moins d'un mètre. C'est que les batteries sont sous son plancher, bien au milieu de la cabine, et que mes câbles ne sont ni très longs, ni élastiques... Il enlève la table, soulève la moquette, actionne quelques taquets, bascule son plancher et dévoile une armada de batteries. Nous connectons le tout, c'est bon, à deux cm près. C'est déjà ça. Contact... Suspense... Vroum ! Instantanément. Grand soulagement. Remerciements chaleureux. Il regagne sa place en première lente, imperturbable, impressionnant !
Je devrai donc me méfier des assauts répétés sur la batterie, de l'usage intensif du spot, du frigo qu'il faut éteindre la nuit, et des recharges des appareils multiples, ordinateurs, téléphones, appareils photos, piles en tout genre, lecteurs mp3 et autres; J'avais bien vérifié la veille, et le voltmètre du tableau de bord indiquait toujours 24 V. Mais dès que cela commence à fléchir, le phénomène va s'accélérant, et ce n'est pas parce-que vous avez toujours de la lumière, que le démarreur aura son compte d'ampères pour lancer ce gros moteur de 4l. Sachant que les véhicules 24 V ne sont pas si courants, j'ai vraiment intérêt à me méfier et à suivre ma charge au plus près si je ne veux pas me retrouver en carafe dans le désert ou dans la brousse, car alors, il me faudrait sortir les batteries, trouver une charrette ou un transport quelconque, me rendre en ville, trouver une station pour charger tout ça, patienter une demi journée, et retourner à mon véhicule laissé seul avec tous les risques que cela suppose dans un pays pauvre. J'aime autant éviter. On ne m'y reprendra plus.
Nous pouvons donc aller à Dakhla, mais il est déjà tard. Nous expédions les courses, commandons un tagine pour cinq, que je mets dans ma boîte sous vide, et déambulons un peu dans la ville. Léon me parle d'aller chez le coiffeur depuis un jour ou deux, et nous entrons dans un salon bien tenu. Mais l'exotisme des lieux, le claquement des ciseaux l'inquiètent, et il préfère renoncer. J'insiste malgré tout. Le shampoing s'impose, mais point de siège adapté. Ce sera penché au dessus d'un lavabo. Le coiffeur envoie un enfant acheter une dose de shampoing à la boutique, nous offre le thé. Il n'y a même pas l'eau courante, et le coiffeur verse avec une cruche. Léon n'est pas rassuré et se plie de mauvaise grâce à la manœuvre dégoulinante. Vient ensuite le moment de la coupe, et nous redoutons le résultat, tant les cheveux blonds et fins ne font pas partie du répertoire des toisons locales. C'est plutôt le genre barbu fondamentaliste, poils et cheveux bien noirs, bien épais, bien touffus, et l'option tondeuse en général; Hazielle aussi me fait part de son inquiétude. Nous aurons donc une bien belle nuque dégradée, mais pour le reste, c'est un peu "au bol", bien droit tout autour. Heureusement que ses petites bouclettes permettent d'ébouriffer avantageusement le devant. C'est nickel au final, mais il aura fallu le temps. Je soupçonne le garçon coiffeur d'avoir délibérément pris tout son temps pour profiter de cette rareté blonde et bouclée. Il n'en finit pas de le coiffer, à la fin, et de lisser avec la paume. Regards suppliants de Léon dont la tête dodeline sous la main de l'homme concentré ! Et libération enfin, dans de larges sourires de part et d'autre, mais pas pour les mêmes raisons.
Nous nous mettons ensuite en quête d'une station pour faire le plein de gasoil et d'eau avant d'affronter la grande tirée jusqu'à la Mauritanie. Les stations de la ville sont en rupture de stock. Nous ressortons donc vers le nord, à 20 km/h, c'est interminable. La quatrième station a du gasoil... mais pas d'eau. Il n'y en a pas au campement, et il nous faut retourner en ville, toujours à 20 km/h. Je trouve une autre station, vraiment cachée, demande de l'eau. Le type m'indique les toilettes et semble ne pas voir d'inconvénient à ce que je remplisse mes 80 litres. Je descends mon tuyau de la galerie, raccorde au réservoir, puis au robinet, j'ouvre en grand, m'allume une cigarette pour passer le temps... mais aucun glou glou ne flatte mes oreilles; Je m'approche du réservoir, ouvre le robinet pour vérifier que de l'air s'échappe bien alors que l'eau prend sa place à l'intérieur... Rien ! Je débranche le tuyau du robinet et il se vide d'un ou deux litres d'eau ! Tiens, mais que se passe t'il ?
La pression est tout simplement ridicule, et insuffisante pour que l'eau daigne monter à 1 m 20 au dessus du sol, hauteur à laquelle est disposé mon réservoir. Je débranche de ce côté là et descend l'extrémité jusqu'à ce que l'eau coule : à peine 60 cm, soit 0,6 bars de pression maximum. Le gars me dit qu'il y aura de la pression demain matin... Ben voyons ! Comme je ne me vois ni revenir encore, ni transvaser 8 fois mon jerrycan de 10 litres dans le petit tuyau de remplissage, je décide d'abandonner, et nous repartons juste avec quelques bouteilles d'eau potable, et un jerrycan plein.
Nous arrivons tardivement au campement, je m'installe cette fois-ci à côté du C15 des amis,  redéploie la tente pendant que le tagine réchauffe et couche aussitôt après le diner les enfants pour notre dernière nuit au PK-25.
Demain c'est le grand jour : douanes marocaine et mauritanienne.

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Commentaires
E
Salut Norbert et les enfants.... et Francois et toute sa famille. J'espère que vous êtes bien ensemble loin des moyens de communication modernes. Mais quand même... on se languit. Répond nous vite!<br /> Elisabeth
N
plus de nouvelles depuis plus d'un mois... j'espère que c'est bon signe...??? j'espère que c'est parce-qu'il y a des choses vraiment plus passionnantes dans ton entourage que de s'asseoir devant un écran... <br /> bonheur à vous 3!<br /> nat
C
Où es-tu mon gros No ?<br /> <br /> Je vous embrasse
X
j'avais envie de me changer les idées après le boulot et avant le repas à préparer pour les zouaves alors je t'écris. Je comprend que tu ais eu envie de changer tout ça, tout ce quotidien qui se répète semaines après semaines avec juste une ptites interruption pendant les vacances scolaires ; Un petit ouf pendant une semaine. Je ne me plaint pas mais la vie doit être tellement différente où tu es. Je n'ai jamais mis les pieds en Afrique et je m'imagine débarquer la-bas; Quel choc ça doit être et inversement pour les familles qui arrivent en France et se retrouvent dans les cités hLm de banlieue ... Hard ! A ce propos je t'envoie le lien d'un court métrage super bien fait sur un jeune malien qui arrive en france... A suivre<br /> Bisous , Bisous à tous les trois Christine
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