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"Terre d'Entente"

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"Terre d'Entente"
  • Accordeur de piano nomade France/Afrique de l'Ouest. Pianistes et musiciens du Maroc, du Sénégal, du Mali, du Burkina-Faso, de Côte d'Ivoire, du Togo... Tendez l'oreille ! Il est temps de mettre votre instrument au diapason...
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13 juillet 2010

Laayoune - Bon allez on rentre !

C'est donc à Laayoune que nous arrivons en soirée, et je reconnais les abords de la ville qui nous avait accueillis cet hiver, quelques kilomètres avant le centre, sur ma gauche maintenant, la route qui mène à la plage et au camping sécurisé. Je le retrouve sans peine, il fait encore jour. L'ambiance est radicalement différente. De nombreux sahraouis ont installé ici leur Khaïma, ou leur guitoune, comme ils disent, ils ont reconstitué un village de tentes traditionnelles sur ce grand terrain plat. Une aire leur est réservée, il y a beaucoup d'animation. Nous retrouvons peu ou prou la même place que la dernière fois, et je me demande ce qui motive cette disposition qui consiste à retrouver des repères pour se sentir bien. Il faut encore une fois organiser un pare-vent et installer notre petit campement, mais Cyril et surtout Philippe se montrent pleins d'initiatives et cela est rondement mené, de telle sorte que je me mets au fourneau et que nous pouvons vite nous régaler d'un plat déjà expérimenté dans le no man's land. La deuxième fois, c'est toujours meilleur, car on sait d'emblée ce qu'il faut faire pour améliorer. Les gars de l'équipe du camping nous rendent visite et nous gratifient d'un petit cadeau fumigène qui aura des effets jusqu'à tard dans la nuit. Nous jouerons beaucoup de bonne musique, aurons de nombreux spectateurs enthousiastes, et serons nous-mêmes très joyeux, nous couchant bien après tout le monde.

Du coup inutile de rêver, nous ne serons pas debout à l'aurore...

Un vrai petit dèj avec pain, beurre, confiture, café au lait, ça n'a l'air de rien, mais c'est vraiment du luxe et nous savourons. Ces instants de paix et de complétude sont rares et bienfaisants.

Nous plions tranquillement et efficacement, et nous mettons en route vers 12h00.

Peu importe l'heure, en réalité, puisque nous pouvons maintenant rouler de nuit, et jusqu'à épuisement, ou tout au moins un peu avant. Ce sera le jour pour laisser Philippe conduire, deux bonnes centaines de kilomètres, puis Cyril un peu, avant que la nuit ne tombe. Il prend le volant à Tan Tan, où nous nous sommes arrêtés pour déguster un bon café crème. Je ne pouvais pas passer ici sans m'arrêter, y étant resté deux jours entiers avec les enfants, alors que s'ouvrait le Mauresm Festival du désert, avec son carnaval et ses courses de chameaux. Je repense à Toufik, qui nous avait alors tenu compagnie, et à Eko, alors au mieux de sa forme, au milieu de son voyage. Nous n'avions pas vu les courses, seulement le Carnaval, il aurait fallu attendre un jour de plus et alors, cela me semblait exagéré!! En revanche, nous avions pu faire le tour du village Touareg, avec ces immenses tentes richement décorées de somptueux tapis, de coussins et de services à thé rutilants.

Cette fois-ci, ce n'est qu'une pause sur notre route, et après avoir cherché, et trouvé un petit « truc », nous reprenons notre chemin le sourire aux lèvres. Nous rallions donc Agadir, que nous contournons par l'est, pour trouver un coin tranquille où passer la nuit. Cyril connait un spot, sur une falaise, avec une vue magnifique. Nous trouvons en effet sans hésiter outre mesure et installons machinalement notre bivouac. Il n'y a pas âme qui vive à l'endroit dit. Peu importe ! Nous sommes trois gaillards, les malfaisants n'ont qu'à nous chercher, ils trouveront à qui parler.

La route nous a correctement fourbus, et nous ne traînons pas avant de dormir. Juste un thé sans menthe, pour passer un peu le temps, histoire de dire. Nous n'avons pas faim ce soir, ni les uns ni les autres. Pas de vent non plus, enfin, le sommeil est instantané et réparateur.

Au matin, en revanche, nous traînons ! Petit dèj à rallonge. C'est vrai que la vue est pas mal. Nous sommes sur une falaise, sur une sorte d'avancée dans les flots, de sorte que nous sommes derrière les vagues, bien en contrehaut, et que nous voyons les séries d'ondes se former par l'arrière, avant qu'elles ne viennent doucement déferler sur la plage, au loin. C'est reposant. Il fait chaud, c'est d'ailleurs la chaleur qui nous sort du sommeil et nous intime l'ordre de sortir avant que nous ne fondions dans un sommeil inutile et ensuqué ! La voiture est bien orientée et la tente fait de l'ombre. Nous sommes bien. Aucune envie de se dépêcher. Bien après le petit dèj, café noir. Puis douche et toilette consciencieuse avec l'eau soufrée du Sahara embarquée dans le réservoir. Cela ne sent plus l'œuf pourri. C'est encore mieux !

C'est seulement vers 16h00 que nous finissons de plier le campement, la faim au ventre, cette fois-ci. Cyril a une connaissance dans le village au pied de la falaise, à deux minutes en voiture. Nous nous y rendons. Son ami est bien par là, mais il fait la sieste. Dommage, j'aurais aimé lui confier la vidange de la voiture. Il est temps, la dernière remonte à Kpalimé. Cela fait maintenant 6000 km ! En attendant, nous nous régalons d'un plat de poissons frits délicieux. 15 dirhams, avec la petite salade bien craquante. C'est copieux et sain, le piment est parfait, tout passe à merveille. L'ami est maintenant réveillé, mais il n'a pas les filtres pour la vidange, filtre à huile et à gasoil. Il faut même que j'aille chercher l'huile dans une station proche. Pas envie ! C'est donc le moment de se dire au-revoir ou adieu avec mes passagers. Nous aurons quasiment passé une semaine ensemble. Le temps de commencer à bien se connaître. Pour autant, pas trop d'émotion dans cet au-revoir. Après tout, notre partage était pure commodité, et cela s'est bien passé. Et puis nous sommes tous trois des blancs, et le cœur est assez profondément enfoui, chez ces gens là.

Me voilà seul à nouveau, mais cela ne me pèse pas. Je me dis que je ferai ma vidange à Essaouira et me fixe cela comme objectif. La route est magnifique, sinueuse, montagneuse, avec la mer en contrebas. Je me régale. Seul un taxi typique, Mercedes bleue, refusera que je le double en faisant des embardées brutales sur la voie de gauche dès que j'amorce ma manœuvre de dépassement. Complètement taré ! Je maugrée un peu mais ne m'appesantis pas. Ensuite je crois comprendre qu'il craignait que je projette des gravillons sur son pare-brise. C'est vrai que ça croustille un peu sous les roues. Il est pardonné, mais en voilà des manières, tout de même !

La route grimpe maintenant résolument dans les hauteurs. C'est le royaume de la noix d'argan, dont on fait une huile souveraine pour la peau notamment, mais aussi délicieuse en usage alimentaire. Elle est saturée de vitamines rares et bienfaisantes. La température ne cesse de grimper, j'ai l'impression d'entrer dans un immense four. Le thermomètre de la voiture dépasse à nouveau les 40°!! 44 maintenant ! Ouch ! Je me sens mal. En même temps, cela donne de la valeur à la noix d'argan et attise ma curiosité. Au bord de la route, des associations en font le commerce. J'hésite à m'arrêter, puis à la seconde occasion, voyant l'indication 100% bio, et le panneau indicateur suffisamment à l'avance pour que je ne rate pas la bifurcation, je freine et vais au fond du chemin, décidé à en savoir un peu plus. C'est hors de prix, même du producteur au consommateur. Que des femmes ici. C'est leur truc, l'huile d'argan. Elles extraient manuellement une sorte d'amande, au coeur du fruit. C'est très fin, proportionnellement au volume de la noix, et il en faut un paquet pour en extraire quelques ml. Je comprends mieux. J'en achète donc en petits conditionnements jolis, pour offrir, et un pot de miel, d'huile, et d'amandes pilées mélangés, dont le goût est tout simplement surnaturel, histoire de se redonner le moral en cas de coup dur. Les femmes entonnent un chant collectif très joli et rythmé par des claquements de mains. Si je m'écoutais, je resterais à les écouter, mais il fait décidément trop chaud, tellement trop chaud. Filons !

Peu après, je prends un stoppeur, il a fini sa semaine, nous sommes samedi soir, il rentre dans sa famille à Essaouira. Encore 50 km. Nous y sommes vers 19h, il m'offre un thé à une terrasse. Du coup, alors que ma route bifurque à droite, je décide de l'accompagner jusqu'à la ville et de visiter un tant soit peu Essaouira. C'est vrai que c'est joli. Une belle grande baie, style la Baule, mais en plus petit quand-même, avec la vieille ville et ses fortifications ocre foncé. Je me gare. Le gars du parking me demande illico 10 dh, c'est 5 fois plus cher que partout ailleurs au Maroc. Je n'ai qu'un billet de 100. Il s'en saisit, me rend 50 alors qu'un type surgit pour me déconcentrer, me proposant du haschich, des filles, des adresses cool. Il parle espagnol et interpelle toutes les nanas qui passent. Imbuvable. En attendant, l'autre a filé en me devant toujours 40 dh. A mon avis c'est une combine entre eux. Je le rattrape et lui réclame ma monnaie, qu'il me restitue sans moufter, mais je sens son dépit. Le truc, c'est que vous êtes content de ne pas perdre le fil, alors vous ne prenez même pas la peine de les pourrir un peu, quand-même, pour la forme quoi !

Je suis garé le long de la plage, à 10 minutes à pied de la vieille ville. Je prends mon ordi sous le bras et me dirige vers les remparts, bien décidé à donner des nouvelles, à consulter mes mails, et à me faire un bon petit diner. Cyber ok, juste à l'entrée. Je prends des clopes et demande un tuyau pour le restau. Le gars me recommande d'aller au Laayoune... Ca me plait, j'en viens ! Et en effet, c'est génial, très beau, confortable, succulent, je recommande le jus d'orange banane amandes. Requinqué, je retrouve ma voiture et me décide à poursuivre jusqu'à ce que la fatigue me commande de m'arrêter. Ce sera après Casablanca. J'aurais d'ici là pris deux gars en stop, vers 23h, l'un est fauconnier, l'autre bon à rien. Ils puent un peu, ne parlent pas français, mais le faucon, avec ses petites oeillières en cuir et son catogan droit sur la tête me botte bien, je l'observe en douce dans le rétro, c'est un remarquable chasseur de perdrix qui fait vivre son homme. Fauconnier est une profession universelle, il y en a partout dans le monde, et ils se connaissent, par le biais d'une association internationale. Bon à rien, c'est universel aussi, il y en a partout dans le monde, ils ne se connaissent pas mais n'en ont rien à faire, et aucune association ne les représente, ça les arrange bien aussi !

Les bus filent vraiment bon train, même la nuit, et ce sont de remarquables poissons pilotes,  comme je les appelle. En plus, à l'arrière, ils ont quatre feux rouges, deux en bas et deux tout en haut, ce qui fait qu'ils sont faciles à repérer. J'en suis donc un pendant un long moment, avant que la fatigue ne me recommande un arrêt très prochain. J'ai bien avancé, il est quelque-chose comme 4h du matin. Il faut dormir ! Je m'arrête dans une grande station, sur l'autoroute qui mène à Rabat et Tanger, allonge le siège, sors une bonne couvrante de laine, mes oeillères Royal-Air-Maroc, verrouille consciencieusement les portières et m'endors instantanément du sommeil du juste.

9h lorsque j'ouvre les yeux. Il me reste quelques dirhams, et avant de prendre le petit déj, je me renseigne sur le prix du service, pour la vidange, et s'ils ont les filtres idoines. C'est oui, c'est 30 dh le service, j'ai acheté l'huile cette nuit sur la route. Heureusement, c'est de la Total, comme ici. Il se met au boulot, je file déjeuner. C'est génial le jus d'orange frais à ce prix là. On en boit deux ou trois d'afillée facile. Café, grosse crèpe, confiture. C'est bon, en route ! Aujourd'hui, j'entre en Europe.

Le plein est fait, l'huile est neuve, je fonce et suis à Tanger à 15h, je dépose un gars que j'ai pris une heure avant. Il y avait eu aussi deux travailleurs réparateurs de machines de chantier qui m'ont laissé leur carte et invité chez eux lors de mon prochain passage à Casa. Ils ont eu la délicatesse de payer le péage sans que j'aie à leur demander. Le gars d'après non !Du genre fauché, dès qu'il a 3 sous, il achète du kif, et fume. A l'aide d'une longue pipe en deux parties qui se vissent l'une dans l'autre, avec à l'extrémité un tout petit foyer en bronze. A chaque fois qu'il allume son truc, il me le tend. C'est goûteux, c'est le moins qu'on puisse dire ! Arouya ! Comme il dit, avec les yeux qui tournent vers le haut !Arouya, en effet ! En même temps, il me fait entrer dans Tanger, et le temps de ressortir et d'atteindre le port Tanger-Med, tout neuf (il ne fonctionnait pas encore cet hiver, à l'aller) j'arrive à 15h50. Je remplis ma fiche de sortie et poireaute au guichet. Le policier a l'air d'avoir du mal avec un client marocain, style businessman décontract'. Son cas s'arrange après 5 bonnes minutes. Je ne connais pas l'horaire de départ, cela m'est égal pour l'instant. Des gens, marocains, juste après lui dans la file, s'impatientent, changent de guichet, espérant probablement que ça irait plus  vite ailleurs, puis reviennent juste quand c'est mon tour. Le papa me passe devant sans même un regard et pose son passeport et deux autres sur le guichet. Cela m'agaçe, je fais une remarque et pose mon passeport sur le sien. Le flic me dit « Si, ils étaient là, ils sont partis, mais ils sont revenus ! » « Et moi je suis resté là, patient ! » Le flic me tend mon passeport et me dit d'attendre mon tour ! Le comble. Typiquement le genre de truc qui me fout en boule. T'imagines la même à la Poste, ou chez Carrefour un samedi. Je change de caisse, mais voyant que c'est encore plus long, je reviens et reprends mon ex-place ! Bref ! C'est enfin à moi. Ça va vite ! Tic tac, tampon ! Ciao. Je ne me presse pas outre mesure, arrive au rond point, fais deux fois le tour, demande au flic de faction, là bas, ok ! J'accélère un peu, on me dit quai N°3, on est pourtant pas lundi 23 !!! (Cf Arthur H) J'y suis. Le bateau aussi, chouette ! Juste quand j'arrive, il est 18h03, le gars tire la grille devant mon capot !Oh ben non alors ! Je n'y crois pas, je suis sur le huc ! Quoi ? Et l'autre empaffé il est monté avec toute la smala, et le gars à problèmes du début, aussi ! Et No il reste à quai ! J'hallucine ! « Tadidadada Tadidada ! Le lundi 2 3, quai N°3 ! Je n'descendrai plus du bateau, et tu ne m'reverras pas d'si tôt ! «

Le gars me dit ! Tranquille m'sieur ! Il n'y a qu'à attendre 5 h ! Quoi ?!! Dans 5 heures ?! Non m'sieur ! A 17h le prochain... Ah ! Dans une heure quoi ! Oui m'sieur ! Bon, ok ! Alors je n'm'énerve pas trop !

Poireau poireau ! Bon, il y a un rade en Algeco ! Un petit coca bien frais ! Je vais avancer le blog. Batterie à plat. Crotte ! Je peux brancher s'il vous plait ? Branchement ? Attendez m'sieur ! ...M'sieur ! Pas di prise ! La fiche, la prise ! Pas di branch'ment ! Bon tant pis !

Je me branche dans la voiture. On crève de chaud ! Sors un tabouret ! Ouvre la porte ! De l'ombre. Ordi sur les genoux. Ca marche ! Réseau sans fil détecté ! Ouahou ! Ca alors ! C'est la fondation Mohammed V pour la solidariti ! Un autre algéco contigü au rade. Les plus jolies marocaines de Tanger sont là dans leur bel uniforme militaire, avec soit un képi, soit un chapeau rond. C'est joli, une marocaine, à 20 ans, avec un bel uniforme et un képi ! En attendant, j'a l' Wi-Fi (prononcer avec l'accent arabe). J'ai moins l'impression de perdre mon temps. Mais si j'avais eu ce bateau, je serais allé engueuler le véto que j'avais payé 56 euros pour faire analyser le taux d'anticorps antirabiques d'Eko, et qui n'a jamais envoyé le prélèvement au Laboratoire de la Sarthe. Bon ! Eko est mort et cela ne m'aurait de toutes façons servi à rien, mais il n'était pas sensé savoir alors, le véto. S'est bien foutu de ma gueule. Je m'étais juré d'aller lui mettre un petit dawa dans son joli cabinet. Il a eu chaud, ça sera fermé quand j'arriverai à Algéciras. Encore un qui a du bol !

Alors je fais mes petits mails. Je consulte le blog, mets à jour. Regarde un peu les nouvelles neuves du monde. Pas jojo ! J'ai vraiment rien raté. Woerth ! Sarkozy ! L'ont toujours pas tiré çui là ! Il y en a pas un seul qui en a dans ce pays ? Va encore nous pomper l'air longtemps, et continuer de vendre la France à ses potes du CRIJF ?

Voilà le bâââteau ! Chic ! Pas si longue l'attente. Je range l'ordi, roule le fil, m'installe au volant. La rampe d'accès est abaissée, les véhicules commencent à sortir. Van de Diou ! C'est qu'il y en a là d'dans ! Ca n'en finit pas. V'là l'chargement ! Non mais regardez-moi ça ! Y s'croivent au Maroc les mecs ! Des Renault Espace avec autant dessus que dedans, une remorque plus grosse que la voiture, l'arrière qui racle ! Et une smala la d'dans ! On sait pourquoi ils ont inventé les sept places ! Le bus Eurolines, avec la remorque qui va bien aussi ! Que des monospaces gavés de gens et de sacs. Ils sont en grève les flics français ou quoi ? Comment ont-ils pu laisser passer tout ça ? 45 minutes pour que tout le monde soit descendu ! Ça temporise ! On pourrait y aller, mais on y va pas ! Je devrais déjà être à Malaga. J'ai la retournite aigüe ! Le syndrome de l'occidental qui résonne avec l'urgence. Foutue maladie ! On est foutus j'vous dis!

Ca y est ! Il tire la grille, me fait signe d'avancer. J'espère que je ne vais pas me retrouver au fond, le dernier à sortir ! Non ! Premier rentré, premier sorti ! Ouf, c'est déjà ça ! Je me gare et monte sur le pont ! Pas de pont à l'air libre ! Zut ! Que des grandes baies vitrées, comme dans une navette spatiale dans les films de science fiction. On se croirait à bord de l'Enterprise, dans 2001 ! A l'aller, c'était 2h35 ! Cette fois-ci, ils annoncent 35 minutes. 5 fois plus vite quoi ! C'est pourtant pas un hydroglisseur ?!! Pas grand monde dans ce sens là ! C'est vite vu l'embarquement ! On y va déjà !

Oulà ! Ca pousse cette affaire ! La comparaison avec un vaisseau spatial se confirme. On accélère carrément ! Le bateau ne tangue pas, ne roule pas, il avance, point barre ! Il remets encore du gaz ! Accrochez-vous ! C'est dingue ! J'aurais jamais imaginé ! Avec toutes ces bagnoles, ces camions à l'intérieur ! C'est que ça envoie du gaz, comme on dit ! Je vois les flots qui défilent de plus en plus vite. C'est assez silencieux, ça ne vibre pas ! Ça alors !

Je commande un café au bar ! Une demoiselle trop maquillée me sert un expresso ! 1Euro 80 ! Les prix aussi accélèrent ! Je n'ai que des dirhams ! Pas de dirhams ! Seulement des euros ! Je n'ai pas d'euros ! Je ne sais plus ce qu'elle me dit, mais je comprends « Tant pis Monsieur ! Ca n'est pas grave ! C'est offert par la maison ! » Alors je touille un peu mon café pour être bien sûr ! Elle ne pouffe pas ! Elle n'appelle pas la police ni le commandant de bord ! Bon ! Je touille une dernière fois en lui faisant un large sourire. Grachias Chignonrita ! Et je m'en vais savourer ma tasse indue dans un coin tranquille! Vient donc naturellement l'envie de la cigarette qui va avec ce si fort café gratis à 1euro80 ! Je m'enquiers d'un espace d'air... Point ! Je descend au premier pont voiture. On y accède par l'avant. Ça souffle, avec le vent et la vitesse, mais on ne voit pas au dessus, vers la proue ! Il y a bien une échelle, je mets un pied dessus, tourne la tête, le poste de pilotage est juste au dessus, je vois le cockpit, comme celui d'une F1. Pas discret ! Je descends au deuxième pont, me dirige vers ma voiture. On ne va tout de même pas m'interdire de fumer dans ma voiture ! C'est alors que j'aperçois, à l'arrière du bateau, ce qui semble être une bien belle gerbe d'écume ! Je m'approche, et alors là... Comme dit Miou Miou dans les Valseuses... Non mais alors là !!! Ah non mais alors là ! De part et d'autre de la rampe d'accès des véhicules, repliée verticalement, je vois des montagnes d'eau de part et d'autre. Ce bateau, un catamaran en réalité, envoie vraiment des watts ! On se croirait aux 24h motonautiques de Rouen. L'eau jaillit à 4 ou 5 m du niveau de la mer dans le vacarme littéralement assourdissant des turbines. Point d'hélice ma bonne dame. Des turbines, et pas du petit calibre. On joue dans la cour des grands. Moi en attendant, je me sens tout petit. J'imagine à peine si je tombe à l'eau à l'arrière du bâââteau... plus de Nono, que de l'eau... Gibraltar que j'aimais !

Sur les côtés, des portes « Siempre cerrada » ouvertes... comme quoi il ne faut jamais se fier aux apparences. Je sors ! Le spectacle est grandiose ! Ben mon cochon ! Ça envoie vraiment sérieusement du gaz, c't'affaire ! Van de diou de van de diou !

Je m'installe là et fume deux ou trois cigarettes, obnubilé par la puissance de l'engin; le volume d'eau éjecté, la hauteur des masses d'eau et d'écume qui s'élèvent, la largeur du sillage, la stabilité de l'ensemble, et la vitesse à laquelle ce truc se déplace sur la mer ! Je dirais 60/70 km/h !!!

En 35 minutes en effet, nous sommes à quai à Algéciras. Je sors illico, le premier.

Tous les postes me font signe de passer. Si j'avais su ! Comme une lettre à la Poste. Me voilà sur l'autovia, direction Malaga. A mon tour d'envoyer. Je roulerai jusqu'à Granada, et même après. Je fais une pause dans une station Repsol toute neuve avec restau très chic. C'est la finale de la coupe du monde. Premier temps additionnel ! L'Espagne marque ! Campeones del Mondo ! Bravo !! Clap clap ! Viva Espana ! Allez hop ! Le plein ! Merci visa ! Pas encore d'euros en poche. Je continue, comme hier, jusqu'à 4h... En fait non ! Je préfère aujourd'hui m'endormir au volant un instant, ce qui me décide à m'arrêter à la première aire venue, juste après ! C'est mon côté « j'aurais tout essayé ! » Ouf ! C'est con ! On se croit toujours plus fort et puis... en fait non ! Ça vous prend d'un coup ! Vous vous dites : « Je dormais là ! » Bah oui ! Ça fait dix minutes que tu le sais, qu'il est temps de t'arrêter, c'est sûr !

Deuxième nuit dans l'habitacle. Il va falloir me démouler à la fin ! Je ne la quitte plus cette bagnole.

Au matin, la chaleur me réveille. 9h... Bien dormi.

Pas d'euros, donc pas de café ! Je suis trop mal organisé ! La flemme de sortir mon gaz et tout et tout ! Tant pis, je verrai plus tard ! Postabank ?!! C'est quoi donc ? Tiens ! Un distributeur ! J'ai trop de bol ! Allez hop ! 200 euros ! Café, jus d'orange, tartine, purée de tomates fraîches, huile d'olive... Gaz !

Allez hop hop hop ! Truc truc ! Madrid ! Mc Do ! Saragoza ! Pause café !  Bon ça démarre plus ? C'est quoi c'taffaire ? Batteries... Tiens un land rover stationné. Le temps que je me demande, voilà le chauffeur, il est descendu de sa chambre pour chercher un truc, attends voir... « Svp por favor ? Mi batteria descargada ! Habe las pinces ! Si si ! Podeis couic couic ? Si ! Gracias ! Espere ! Momento ! Voili ! Voilà ! Hôla ! Buon Dia ! Je sors mes malles pour trouver les pinces... on branche, c'est un peu court...

Ça marche pas ! Ça les vide au lieu de les recharger...

La aiguilla... au lieu de pif pif... pouf ! Si ! Mira !! No possible ! Hola ! Espere ! Si possible mi tracta...  tractar ? Tracta ? Si ! Habe il cablo para tractar... la tractation... baïla ! Clic ! Clic ! This way par ici, or this way par là ? Par là ok! Parla !!! La secunda velocidad ?!! Si si ! Prenemo por un cono o que ? Va va !! Go ! Pouët ! Vroum !!! Aaaah !! Pouët pouët ! Ok ! Perfecto ! Gracias muchas ! Euh muchas gracias ! Si ! Del profundo de mi corason ! Si ! Buon ! Solidaridad campeone... a (?) del Munda... Mundo... Si ! Gracias ! Viva Espana ! Bla bla !

Ouf ! J'ai eu chaud ! C'est l'alternateur qui en a pris un coup ou quoi ? La voiture a bien chauffé au dernier col. J'ai vu l'aiguille monter monter ! J'ai fini sur un filet de gaz, en me disant qu'il fallait faire la pause ! Du coup j'ai eu peur d'avoir serré, ou bouffé le joint de culasse ! Là c'est mauvais, pour finir en mocheté, y'a pas mieux ! Ben non ! Ça tourne comme une horloge ! Mais les batteries, avec ce que j'ai roulé, elles devraient être à toc ! Au lieu de ça, rien dans le sac ! J'te jure ! L'alternateur ! J'ai plus qu'à rouler jusqu'à Pau ! Avec un peu de bol (ou de pot), le gars qui m'avait vendu les disques de frein avant au départ aura un alternateur dans le tiroir de son bureau au retour. En attendant, plus de pause, sauf en descente. Pour démarrer seul, il faut que je me gare en descente, au cas où le problème persiste parlez-en à votre médecin ! Une descente une descente ! Que je réfléchisse ! Les Pyrénées, en voilà une belle descente ! Le col du Tourmalet, ça devrait suffire pour démarrer, côté français... C'est décidé, ce soir, je rentre en France et je dors au col !

Tunnel du Somport ! 8Km7, ils sont forts ces blancs ! A même le roc, et quel roc ! A l'entrée, grand soleil couchant, 27° ! A la sortie, crachin-croucha, brouillard, essuie-glace, 15°. Bienvenue au pays No' ! Ca t'a manqué hein ?! Hein ?! Dis-le !

En tout cas, c'est absolument conforme à mes prévisions : A la sortie du tunnel, ça descend !

Urdos ! Hôtel des voyageurs. Tout le monde se dit : C'est pour moi ! Sont forts ces français ! Et ça marche ! Il est 22h. Je m'arrête à l'hôtel des Voyageurs. Plus de plat du jour, mais un bon sandwich mitse ! Ben oui !  Jambon fromage, c'est comme ça qu'on dit ! Mitse ! Avec un ballon eud'côtes ! Café ! Si ! Oh, avec un Calva ! Ben voui ! On s'refuse rien ! On l'a ben mérité !

Je prends même une chambre ! Il y a une baignoire ! Je vais donc prendre un bain !!! Quel bain ! C'est du propre ! V'là l'boulot ! Troisième jour sans une vraie douche ! Ça va que j'étais seul en voiture, ou avec des fauconniers, parce-que excusez du peu ! Y'a d'quoi faire !

Me v'la ben nourri, ben prop'... ben français !

Et comme à chaque jour suffit sa peine...

Au pieu !!!

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10 juillet 2010

Saint-Louis - Tan-Tan

Je retrouve Saint-Louis dans de meilleures dispositions que je ne l'avais quitté cet hiver, suite au cambriolage de la voiture. En même temps, une légère inquiètude due au fait que deux hommes ont fait de la prison suite à ces évènements et la moindre journée à 35 dans des cellules conçues pour 20, avec la chaleur solaire et humaine doit marquer les corps et les esprits. Aussi, sachant que l'un des deux condamnés à 2 mois d'emprisonnement est innocent, je suis inquiet quant-à ses intentions. Amath, que j'ai fréquenté assidûment lors de mon précédent séjour, m'a même appellé en France avant mon départ pour s'enquérir de la date de ma venue... ne me préparent-ils pas un sale coup?

En tout cas, je retrouve la ville et sa lumière, la maison de Maï, Khadi la bonne, Sérigne, le responsable du magasin, et l'accueil est chaleureux. Je suis heureux finalement de repasser par là.

Je profite donc de cette halte pour envisager un entretien approfondi de la voiture. Elle passera quelques jours au garage, afin que tout fonctionne parfaitement, que les travaux de carrosserie de cet hiver, dont certains détails avaient été négligés, soient cette fois irréprochables. Un joint du moteur laisse couler un peu d'huile, il faut graisser tout le chassis, les pivots, car le sable est un ennemi impitoyable pour toute la mécanique, il faut lui barrer la route à l'aide d'une bonne graisse. Les mâchoires des freins arrières sont totalement finies, et on n'en trouve pas aussi facilement.

Le tout prendra une bonne semaine, après le départ de Maï pour la France. Le temps également pour moi de faire savoir autour de moi que je quitte bientôt le Sénégal pour la France en voiture, et que j'ai deux places disponibles. Cela présente l'avantage de rendre le voyage moins monotone mais aussi et surtout, plus sûr, car l'itinéraire traverse des contrées peu rassurantes. Je manquerai une occasion d'un cheveu, mais le lendemain, le jeudi, alors que le départ est prévu pour le lundi 4, Cyril se présente au Comptoir et vient aussitôt me demander s'il reste des places... Ils sont deux et ont une bonne tête, ils souhaitent remonter jusqu'au Maroc, je suis ravi.

Je réalise alors que mon Passavant, le laisser-passer pour la voiture, ainsi que ma carte brune CEDEAO, l'assurance qui me couvre dans toute l'Afrique de l'Ouest, expirent tous deux le 4, soit la veille du départ. Pain béni pour les forces de l'ordre qui, postées au bord de la route à l'entrée et à la sortie des villes, ne manqueront pas de le remarquer et de prélever leur soulte. Je vais donc prolonger mon Passavant de 10 jours auprès du bureau des douanes de la ville, et fais l'impasse sur l'assurance... Nous verrons bien !

Le lundi matin, départ, rdv devant le comptoir, mais un peu de retard m'oblige à les convier dans la cour de Maï, le temps d'en finir avec quelques bricoles en cours.

Nous quittons donc Saint-Louis à 12h et auront la chance de rallier la frontière mauritanienne, à Diama, sans être interceptés par le moindre policier en service. Vraiment incroyable. Quel bol ! C'est bien la première fois que cela m'arrive.

Les formalités se passent vite et bien, et nous voilà sur la grande piste qui longe le parc du Djoudj, Sénégal à notre droite, Mauritanie à gauche. C'est la dernière vraie piste du voyage, et je savoure mon plaisir. Conduite sportive, un rien audacieuse ! Surtout ne pas commettre de faute aujourd'hui, mais se faire plaisir est aussi un devoir. La piste principale est au sommet d'un grand talus qui partage le grand marigot longeant le fleuve. Il y a beaucoup de drains assez profonds qui surprennent et vous obligent soit à ne pas prendre trop de vitesse, soit à piler, soit, quand il est trop tard, à remettre un bon coup de gaz en espérant que la saignée n'est pas trop profonde.

Une alternative consiste à quitter cette piste pour emprunter les traces en contrebas, beaucoup plus lisses et régulières, et qui autorisent des improvisations sympathiques, des croisements et des dépassements à pleine vitesse. Une bonne centaine de kilomètres à ce rythme et nous arrivons à Rosso, côté mauritanien, bien sûr. C'est le goudron qui commence, et nous ne le quitterons plus, désormais.

Il faut souscrire une assurance spéciale en Mauritanie, et le bureau de Diama était fermé, aussi, en repartant de Rosso, nous guettons une boutique d'assureur... sans trouver !

Au contrôle de police, je n'attends pas que le policier s'en aperçoive, mais lui dit que nous sommes en quête d'un assureur. Justement, il est là, avec eux !! Il propose que je lui remette la carte grise ou sa photocopie, il ira en ville, au bureau, nous faire le fameux papier, et reviendra nous le donner contre la somme de 40 Euros. Fichtre ! C'est trois fois le prix payé dans l'autre sens ! Mais nous sommes coincés et devons mettre chacun au pot, en euros et cfa mélangés, nous n'avons plus d'argent. Seul Cyril a encore quelques euros, une centaine, et il faudra s'en contenter jusqu'à Dakhla,  700 km plus au nord, déjà au Maroc. En effet, les Ouguiyas, la monnaie maurtanienne, ne peuvent sortir du territoire, et la commission pour un retrait bancaire est indépendante de la somme prélevée. Il vaut donc mieux éviter d'en retirer, que ce soit à Nouackchott, où nous allons passer la nuit, ou à Nouhadibou, que nous pensons éviter, car cela demande un détour de 2 fois 35 km, juste avant la frontière marocaine. Nous arrivons à la tombée du jour à Nouackchott, et trouvons sans trop de peine l'auberge Ménata. Cela a bien changé ! Ca c'est considérablement agrandi, il y a de nouvelles tentes Khaïma sur le toît, des nouveaux bâtiments, sanitaires, etc...

Nous fonctionnons donc à l'économie et nous concoctons dans la cuisine un plat de macaronis aux oeufs avec ratatouille. Nous dormirons dans une tente, sur le toît, pour 1500 ouguiyas par personne, soit un total de 15 euros pour nous trois, avec un petit déjeuner copieux pour le pilote, et un café seulement pour les passagers.

C'est reparti, au matin mais pas trop tôt, pour la traversée de la Mauritanie. Nous ferons face toute la journée à un vent de sable qui décapera le chassis, effacera les numéros de ma plaque minéralogique, rendra son état neuf à mon sabot aluminium, sous le moteur. Tout le « noir chassis » passé cet hiver, suite aux allers-venues Dakar Saint-Louis par la plage, en a pris un sacré coup !

Nous atteignons la douane Mauritanienne à 16h50, se disant que ça va être très limite pour passer au Maroc. Il y a entre les deux postes ce fameux « no man's land » à la triste réputation. Les mauritaniens nous y expédient, nous disant de faire vite. Aucun guide ne s'est présenté ce soir pour nous aider à trouver le chemin !! Il va falloir faire seul. J'aime autant car à l'aller, il avait fallu payer 20 euros par voiture, et cela m'avait semblé tellement évident...

Nous y voilà ! Au début, la piste est clairement visible, et je pars confiant, mais assez vite, il faut froncer les sourcils pour distinguer des traces, tant le vent de sable les fait vite disparaître. Nous ne distinguons vraiment pas grand-chose et ne voyons pas encore au loin les miradors du poste marocain !! La seule recommandation est de ne pas s'éloigner de la piste, car il reste des mines, et nous ne savons pas où nous sommes. Malgré tout, nous faisons en sorte de rester bien sur le rocher (c'est peu commode à miner) et retrouvons nos traces lorsqu'une voiture dans l'autre sens nous indique le bon chemin. Nous aurons bien vécu nos cinq minutes d'angoisse existentielle. De celles où vous vous dites que tout peut très bien s'arrêter subitement ! Sensation !

Voilà le poste marocain. Nous allons être contents de passer et de quitter ce lieu inquiètant ! Un camion et deux voitures nous précèdent. Le garde s'écarte de l'avant du camion, nous fait face, son arme en bandoulière, et nous fait signe de faire demi tour ! Aïe ! L'heure change ici-même, une heure de plus, et il est donc 18h20 ! Le poste frontière est fermé depuis 20 minutes, et jusqu'à demain 9h00 !! Il va falloir camper là ! Pas question de chercher un endroit tranquille. Il y a maintenant trois ou quatre voitures, dont un 4x4 espagnol qui doit rebrousser chemin jusqu'à Rabat ! Ils n'ont pas leur visa d'entrée en Mauritanie, et il faut retourner 2.500 km en arrière, à Rabat, pour s'en munir. Je n'aimerais pas être à leur place. 5.000 km pour rien, c'est quand-même un peu rageant non ? Surtout que le Sahara, c'est assez monotone à traverser. En même temps, 10 mois après le changement de cette disposition, ils auraient pu se renseigner.

Nous nous demandons quel est le degré de sécurité dont  nous pouvons nous prévaloir dans un endroit qui n'appartient à aucun pays, et où donc, aucune force de maintien de l'ordre ne peut être sollicitée en cas d'agression. C'est qu'il va falloir camper là, et je suis bien content d'avoir sur le toît ma maison, et dans le coffre, tout ce qu'il faut pour préparer à manger. Des locaux, mauritaniens, marocains, sont tout autant coincés que nous. Quelques femmes dans les voitures, qui se demandent où elles vont bien pouvoir dormir. Le semi-remorque, près duquel je me suis accolé, afin de minimiser les assauts du vent, du moins d'un côté, sera leur hôtel pour la nuit. Ils nous demandent l'échelle d'accès à la tente, pour permettre aux femmes de se hisser dans la remorque vide. Ils installent quelques nattes, commencent à préparer le thé. Notre campement est quasi prêt, une natte nous sert de pare vent. Le gaz est branché, nous nous lançons à notre tour dans un thé à l'africaine qui devrait nous occuper une bonne heure. Nous rencontrerons tout ceux qui partagent notre condition d'apatrides transitionnels. Abderhamane, une vingtaine d'années, essaiera de nous convaincre de la suprématie de l'islam sur les autres religions. Une femme, à qui nous prêterons les verres à thé, nous donnera menthe et sucre pour bien réussir le notre. Un peul mauritanien pacifiera les discussions de nature politique ou religieuse, que nous faisons tout pour éviter, mais qui semble leur tenir réellement à coeur. Il y aura une vraie solidarité entre tous. Seuls les espagnols ne quitterons pas leur habitacle. J'imagine la nature de leurs conversations à huis-clos...

Je fais l'inventaire des victuailles. Une boîte de sardines, du riz, une petite boîte de petits pois, des épices, quelques piments séchés du Togo. Cela va bien s'accommoder. Nous nous régalons, avant de sortir les instruments et de jouer de la musique pendant deux bonnes heures. Tous viennent écouter à leur tour, et nous convenons que la musique est véritablement le langage universel qui met tout le monde d'accord.

Le vent, d'une violence rare, qui souffle par bourrasques brutales, fait claquer sans cesse le double toît de la tente et rendra mon sommeil quasi impossible. Avant de m'en rendre compte, et comme nous ne sommes pas véritablement fatigués, nous nous faisons une séance photo dans la tente histoire d'avoir les yeux qui piquent correctement et de faciliter l'endormissement.

Pour ma part, et bien que ne pestant pas contre le vent, j'attends vainement le sommeil jusqu'au petit jour. Enfin quelques heures de sommeil me suffiront.

A 9h00, nous ne sommes debout que depuis une petite heure, et alors que les barrières s'ouvrent et que les véhicules démarrent pour se retrouver en tête aux formalités, nous sommes encore en train de touiller notre café. Nous arrivons donc tranquillement ¼ d'heure plus tard. Tout se passe correctement jusqu'au bureau des douanes où  pour la énième fois, j'expose le cas délicat de mes plaques minéralogiques. Cela prendra une heure avant que le chef ne se penche sur la question et ne décide qu'il me faut les changer dès que possible. Il rédige donc mon laisser-passer avec la nouvelle immatriculation et nous laisse repartir avec la consigne de ne pas attendre pour les changer.

Heureusement, nous n'avons rien à débourser, car nos finances sont au plus mal. Il reste 40 euros.

J'avais bon espoir que la station service côté marocain accepte la carte visa, histoire d'avoir le plein de gasoil, en attendant d'arriver à Dakhla, mais ce n'est pas le cas. Nous devrons rouler à 90 pour économiser le carburant. On nous dit qu'à 80 km, il y a une pompe qui prend la visa. Alhamdoulilahi !!

Nous y voilà ! Centre Visa ! Plein d'espoir, je demande au pompiste, il m'emmène à la réception de l'hôtel d'un grand complexe touristique, avec fontaine, restaurant, boutiques, Wi-Fi, contraste, retour à la civilisation. Le réceptionniste me dit que la connexion est défectueuse. Il m'exhibe la machine emballée dans un papier cellophane. Je pousse mes hauts-cris ! Lève les bras au ciel : « On est mal ! » Plus de gasoil, pas un rond en poche, et Dakhla encore à 260 km. Je joue le voyageur désespéré. Je tourne en rond, fais ma petite pièce de théatre. Le réceptionniste me fait un signe. Je retourne au guichet. Il y a une autre machine pour le restaurant, et celle ci fonctionne. Je demande si on peut déjeuner, payer 200 dh de plus, et mettre du carburant. Il appelle le pompiste qui m'emmène aux bureaux de la direction. Dans une immense pièce presque vide, un bureau moderne avec ordinateur, et derrière, une femme apprêtée en train de travailler. C'est la patronne du complexe. Je lui fais ma requête et elle est disposée à me rendre ce service. Je retourne victorieux trouver mes compagnons d'infortune et leur annonce que tout est arrangé. Nous fêtons ça avec un copieux tagine de mouton comme j'en rêvais depuis longtemps. La connexion Wi-Fi en revanche ne fonctionnera jamais. Nous prenons un bon café, 200 dh de gasoil et nous retrouvons à rouler enfin détendus vers Dakhla. Encore beaucoup de vent de face, le sable qui dépolit les phares en résine des voitures récentes. Je me félicite d'avoir installé ces grilles devant les phares. Jusqu'alors, elles n'avaient pas fait la preuve de leur utilité, mais il faut reconnaître qu'elles ralentissent bien le sable qui agresse ainsi beaucoup moins le verre de mes phares. Nous sommes à une quarantaine de km de la presqu'ile lorsque les passagers d'un véhicule immobilisé sur le côté, immatriculé aux Pays-Bas, nous font signe de nous arrêter. J'avais ralenti et m'immobilise devant la renault scénic en panne. Ils ont perdu toute leur huile. Le moteur s'est arrêté, ils sont très inquiets. J'avais acheté au Burkina Faso un câble de remorquage 5t et ne m'en suis pas encore servi, c'est l'occasion. Ils veulent que j'emmène l'un d'entre eux jusqu'à la prochaine station, trouver de l'huile, mais je propose un remorquage tout-en m'inquiètant un peu. La voiture est pleine comme un oeuf, et il y a 5 passagers, tous des hommes de bonne taille. Je relie les voitures et nous partons. J'accélère progressivement jusqu'à 70 km/h, la voiture ne chauffe pas. 80, tout va bien, l'aiguille monte un peu, je stabilise et nous roulons comme ça une trentaine de km. Nous arrivons au poste de contrôle, puis à la station. Ils sont ravis, bien sûr. Je me suis fait promettre une invitation à dîner pour nous trois. Ils remettent de l'huile et continuent jusqu'à Dakhla, nous les suivons pour les couvrir au cas où. Contrôle à l'entrée, ils commencent et partent alors que nous n'avons pas terminé. Nous les rattrapons juste à l'entrée de la ville et les suivons jusqu'au garage. Alors que le mécano examine la situation sous la voiture et leur apprend qu'il faudra patienter jusqu'à demain, je fais poser mes nouvelles plaques. Nous allons retirer de l'argent et retrouvons le sourire qui accompagne le sentiment de sécurité du voyageur.

Retour au garage, ils ont disparu, tant pis, dinons. Je retrouve la petite rue commerçante où Léon s'était fait couper les cheveux. Le restaurant était bon et pas cher, il confirme mon souvenir. Un petit ravitaillement et nous quittons aussitôt la ville pour retrouver le PK 25 où nous étions déjà restés en descendant cet hiver. Il fait nuit alors que nous approchons. Sur la route, des warn ings, un camping car s'est ensablé, il a tourné à droite 20 m avant l'accès, dans la nuit, il y a de quoi confondre. Sa roue avant droite est dans le sable jusqu'à l'essieu, c'est très mou. Le câble n'a ni refroidi, ni retrouvé sa place au fond du coffre dans une malle. Je fais prestement mon demi-tour et me gare derrière lui, lui tournant le dos. Il n'y a pas véritablement d'anneau, à l'arrière de ce gros engin, juste un  longeron en acier zingué d'épaisseur modeste. Je m'y accroche et le hisse hors de son piège. Nous venons de gagner notre apéro du soir ! Ça crée des liens l'entr'aide, et nous nous installons à proximité immédiate du camping-car, il y a encore du vent et son volume nous déventera un peu.

Il y a beaucoup moins d'ambiance alentour, moins de véhicules, la Khaïma d'Hamidou est absente  son sourire légendaire aussi, et sa bonne humeur.,son plat maure aux couteaux frais du jour... et les soirées musique dans la confortable et vaste tente en laine et coton. Mais l'anisette réchauffe bien les cœurs, surtout dans un bon fauteuil, après cette journée de formalités frontalières et d'indigence légère, douce et bien contrôlée. Après tout, même dans notre dénuement momentané, nous sommes entourés d'un confort enviable pour la plupart des individus que nous croisons.

Arnaud est un jeune retraité de Nimes, Rémi son fils un frais bachelier en math spé, méritant, et ils viennent tous deux passer un mois et faire pour l'un du wind-surf, pour l'autre du kite. Dakhla est le paradis des surfers, faut-il le rappeller? En arrivant la veille, au fond du lagon, près duquel passe la route, nous avons vu toutes ces voiles tendues dans le ciel, et les silhouettes virevoltant au loin entre ciel et mer.

Cette fois, je me suis muni des boules quies, petites mousses jaunes expansives qui vous privent petit à petit de toutes les fréquences sonores. Rien que d'observer cette lente descente du raffut de la toile qui claque en bruit raisonnable, lointain, ça devient comme une flamme qui « claque » avant de s'éteindre, c'est léger, c'est un murmure, je dors !

Nous récupérons vraiment !

La table est dépliée sous le vent, le café chaud, au lait, avec dattes fraîches, amandes et raisins. Lait fermenté. Il y a même un jus de fruit, de l'eau à volonté pour la toilette. Je commence à être rodé. On s'entend bien avec Cyril et Philippe. Les choses sont claires, on note tout, on partage, on équilibre régulièrement les comptes. A partir de là, chacun est lui même, avec ses envies, ses élans, ses petites impatiences, et c'est tout aussi clair, normal et naturel. Nous pouvons pousser des discussions musicales ou verbales un peu plus loin, nous partageons à la fois une culture et des concepts qui prédisposent petit à petit au retour, et les soirées s'éternisent volontiers. On s'accoutume chacun en confiance.

Pas de casse-bonbon ici.  On avance à notre rythme à tous les trois, et personne n'impose le sien, c'est l'essentiel.

Ce soir, c'est Tan-Tan ? Ou plutôt Laayoune ! Laayoune bon ! Tan-Tan demain.

29 juin 2010

Kayes - Saint-Louis

Après quelques kilomètres seulement, un gars tend la main dans un village. Son taxi est tombé en panne. Il est planté là. Les autres passagers se sont éparpillés. Il attend dans le néant. Je m'arrête. Il va à Goudiry, au Sénégal. Je l'emmène. C'est un agriculteur. Il était malade et est venu se faire soigner à l'hôpital de Kayes. Le voilà qui rentre chez lui, guéri. Je comprends d'abord qu'il va à Kidira. Qu'importe. Nous y arrivons après ¾ d'heure. J'expédie les formalités maliennes sans que le policier à l'immigration ne tique en quoi que ce soit sur la validité de mon visa court séjour. Je me faisais du mouron pour pas grand-chose : vu à la sortie. Tampon. Ok. Je zappe la douane, ils saoulent à me pîquer des trucs. Rien à leur dire. Je lâche mon laisser passer à la guérite du pont frontière. M'arrête à la douane sénégalaise. Toujours en train de bouffer ceux là. Particulièrement gros, tous. Diam ar Salam; Bon appétit; Amour et paix; Nan gen def ! Ca va bien chef; Tchic tchac. Il rapatrie une table, une chaise dans le petit bureau. Me  fait mon laisser passer pour la caisse. 2500 ! Tiens ! Pas cher ! Partout c'est 5000 ! Je tends le billet de 5000. Il me rend la monnaie tout en congédiant une malienne qui rentre au pays avec des marchandises. Il veut 15000. Elle dit qu'elle n'a rien. Qu'elle a mangé tout l'argent. Il l'ignore doctement. Lui répête. Combien avez vous? C'est 15000. Il me rend la monnaie tout en l'invitant à le suivre pour la suite des hostilités. Les femmes sont tellement méritantes. C'est elles qui se tapent tout le boulot. Des heures en bus pour faire quelques affaires et gagner à peine de quoi nourrir les gosses. Et ce gros qui la fait chier. Ça me gonfle. Alors qu'il la précède pour sortir du bureau, je lui touche la main discrêtement et lui tend les 2500 de monnaie. Elle les saisit. Je sors de l'office. Retrouve mon gars à qui j'ai demandé de m'attendre dehors. Avant que je ne remonte en voiture, un douanier plus bedonnant que les autres me demande d'ouvrir le coffre. J'obtempère sans réticence, lui disant que je n'ai que des bagos. Il regarde et me demande : « Pas d'or, pas de diamants ? » Non lui dis-je ! Tiens, la prochaine fois peut-être. Pas con ct'idée ! La femme sort à son tour. Elle me rejoint, me remercie, me confie à Dieu, me souhaite bon voyage, les yeux pleins de gratitude. Tout les passagers de son bus s'impatientaient, espérant que son souci trouverait une solution rapide. Il n'y avait plus qu'elle. Elle bloquait le voyage. La voilà, les voilà libres. Ça devait faire un petit moment qu'elle attendait, anxieuse et démunie. Je lui ai ouvert la voie avec 3 euros. Elle est pas belle la vie ?

Il reste la police et la gendarmerie sénégalaise. Premier poste, une minute. Je connais le chemin vers la gendarmerie, un peu perdue en ville. Je retrouve tout de suite. Ils sont tous devant le match, sous le patio. Bientôt la fin de la première période, 42 minutes au compteur. Ils me demandent de patienter. Blessure d'un joueur. Temps additionnel. Je leur confie mon passeport. J'ai le temps d'aller à la voiture boire un bon coup de flotte, d'en donner à mon passager qui attend en compagnie de femmes commerçantes assises au dehors à vendre des mangues. Retour, le gars enfile sa chemise officielle, tamponne, me rend mon sésame; C'est reparti; Ouaouh. Sur ce coup là, j'ai été bon. Pas ½ h pour passer tout ce bordel. Record. Nous voilà au Sénégal. C'est vrai, pas de visa. C'est toujours ça de gagné. J'allume ! Plein de bêtes crevées. Chien. Ane. Vache. Chèvre. L'hécatombe sur 50 bornes. J'espère que c'est pas le même gars. Je repense à une histoire drôle : à New York, un piéton se fait renverser toutes les demi-heures. Le pauvre !

Nous doublons des cars rapides, des taxis, des camions, à fond. Ça tourne mais le revêtement est bon. La voiture est sur ses appuis. J'écrase. Un bon 120. La température est redevenue raisonnable suite à la pluie qui s'est abattue pendant la nuit. 25°! Ça ne chauffe pas ! L'agriculteur est médusé. Trop heureux de voyager si vite et si confortable. C'est pour lui une expérience unique. Il ne moufte pas. D'ailleurs, son français est super limite. Goudiry. Arrêt au garage. Il descend. Un peu sonné. Cet espace temps ne lui est pas familier. Il bafouille un merci. Je suis déjà reparti.

10 minutes plus tard, deux gars un peu en contrehaut de la route. A mon approche, l'un tend le bras, puis se ravise en voyant que c'est une voiture de toubab. Son bras tendu saisi le montant du toit, genre mine de rien...

Je freine, improvise un demi tour un peu sportif  en contrebas de la route et reviens vers eux. Il est chargé. Son ami l'a juste accompagné le temps de trouver un véhicule. Le gars a un peu une tête de lutteur. Incisives très écartées. Mâchoire puissante. Visage large. Il pourrait bien être méchant. Mais c'est eux qui ont l'air d'avoir peur. Incrédules. Je pense qu'ils sont deux, m'immobilise à leur hauteur, fais de la place à l'arrière, m'active, case ses sacs, lui dit de monter. Il est seul, s'installe à l'avant. Ils se saluent. Première. Il est instituteur et vient de terminer de superviser les examens de fin d'année de primaire. Ses sacs sont du matériel pédagogique. Il rentre à Tambacounda. Une quarantaine de kilomètres.

Nous y sommes à 17h30. Je lui dit que je vais faire une pause pour le dîner, il va être 18h. Il m'invite à la maison. Je vais donc jusqu'à chez lui, c'est une rue perpendiculaire à la nationale, donc tout petit détour. Il prend ses sacs. Sa femme Ida l'accueille avec étonnement si tôt. Il me fait visiter sa maison. C'est propre, modestement meublé, joli. Peu de déco, mais du goût. Nous allons boire une bière pas loin, alors que sa femme est chargée de préparer le diner, et donc de faire un petit marché. Nous discutons bien. Il est instruit et s'exprime volontiers. Il redoute ces trois mois de congés qui commencent, a peur de s'ennuyer. Je le branche sur un business avec les cartouches d'encre des imprimantes. Nous parlons beaucoup. C'est intéressant. Retour à la maison. Nous montons sur toît, il y a de l'air là haut ! Il amène le brasero, le thé, le sucre, la menthe, la théière, de l'eau, et c'est parti pour un bon barada en attendant le dîner, nous continuons à deviser. J'ai pourtant prévu de continuer jusqu'à Kaolack. Je reste sur cette idée jusqu'au délicieux diner que nous prenons là haut. Sa femme s'est faite belle, parfumée, habillée à l'occidentale, pantalon blanc, ravissante. Le plat est varié, savoureux, plein de surprises fraiches, craquantes, moelleuses, la sauce, le piment, je me régale. Il y a du bon pain frais, l'eau est glacée et particulièrement bonne. Quel  moment délicieux !

Ils insistent ensuite pour que je me repose ici, quitte à partir très tôt. Ida m'a déjà installé un lit en bas. Leur maison est sobre mais jolie. Elle aussi est instit. Elle a une très jolie voix, avec un charmant voile qui lui donne un timbre très enjôleur. Je la complimente et l'encourage à chanter. Il se trouve qu'elle aime ça.

Je préfère dormir sur le toit, il fait si chaud à Tamba. Justin monte le matelas. Il veut, il doit ouvrir une boîte mail, pour que nous puissions donner suite à notre projet. Nous allons au cyber en voiture. Je consulte rapidement mes mails. Lui ouvre une boîte. Son nom est disponible. Ça marche tout de suite. Il comprend bien. En ½ h c'est réglé. Retour à la maison. Je m'installe, me couche; un voisin  monte prendre l'air lui aussi avant de dormir. Je trouve vite le sommeil.

Vers 3h du matin, je suis réveillé par le ballet harcelant des moustiques. Après ½ h de demi-sommeil agité, je me décide à descendre à la voiture chercher mon répulsif. La porte sur rue est savamment close. Toute une famille est endormie sous trois ou quatre moustiquaires, sous une paillote. Je réfléchis, parvient à dégager le loquet. Il faut tirer fermement sur le battant métallique pour que l'élasticité du métal libère le battant ouvrant. Ils sont bloqués en V, vers moi. Je suis dans la rue. Déserte, silencieuse, ce n'est pas commun ! Retour à ma couche, escalier obscur, pas deux marches semblables, très casse gueule. Pschitt pschitt pschitt ! Ca y est oui ? La paix maintenant. A peine recouché, de petites gouttes éparses commencent à tomber. La pluie arrive doucement. Je me dis d'abord que ce n'est qu'une petite fausse alerte, mais après 10 minutes, il s'avère que ça ne va pas être possible de rester là. Ca s'intensifie, ça va bientôt s'emballer. Je replie mon matelas sous mon bras, ramasse ma ceinture, mes clefs, mes lunettes, ma sacoche, emprunte à nouveau l'escalier fatal, débarque dans la cour endormie, les mains pleines, tente d'entrer chez Justin. Porte close, mais je passe la main entre les barreaux, à la recherche du loquet, à l'aveugle. Cela réveille Ida. C'est qui ? C'est No. Désolé. Il pleut! C'est doux, mais il me faut rentrer à l'intérieur! Elle m'ouvre. Me désigne un lit. Débranche le ventilateur, me l'amène, que c'est bon ! La pluie est diluvienne et durera. Son vacarme est soporifique. Sommeil immédiat. Réveil à 8h30. Bonne grande douche, rasage et petit déjeuner gargantuesque. Beignets de viande, pain frais, sauce aux légumes, café au lait avec Kinkeliba, salade de fruit. Je suis calé. Je leur propose, en signe de gratitude, de prendre une belle photo de leur joli petit couple et de leur en faire illico un tirage A4. Justin se montre incrédule mais se prête à la manœuvre. Ida se  change et enfile un tailleur sénégalais dans les tons violine, tout à fait charmant; Justin est dans un boubou deux pièces bleu indigo et blanc écru, rayé. Les murs de la maison sont enduits d'un crépi violet et jaune moutarde. Cela fait un beau fond très texturé. Deux trois clichés, il a du mal à dévoiler ses dents, mais le sourire d'Ida illumine la photo. Ils choisissent la plus belle. Je vais à la voiture, connecte l'imprimante à l'allume cigare, engage une feuille de papier photo satiné, paramètre l'impression, je lance, ça sort tout doucement, dans un léger feulement rythmé. Justin est à la portière, des voisins tentent de voir par dessus son épaule. Le cliché apparaît, les couleurs éclatent. Canon, ça donne !

Et voilà. Je découpe une pochette plastique dans mon classeur, glisse la photo dedans et la donne à Ida émerveillée. Elle cherche la meilleure place pour orner leur salon de ce cliché. Ils sont tous deux ravis; Maintenant j'y vais.

En sortant de Tambacounda, contrôle de police. C'est vrai, les flics sénégalais sont très zèlés! Bonjour chef ! Nan gen def ! Ça va bien ! J'ai un sapeur qui va à Kaolack ! Me dit-il. Il n'a qu'à monter... Et voilà Hassan à mes côtés, dans ses rangers et son bel uniforme bleu foncé. Beau mec. Parlant bien français. Il aura de la conversation. M'évitera tous les contrôles policiers. Après m'avoir fait signe de m'arrêter, chaque policier saluera le sapeur, qui aura pris la peine d'enfiler son képi, avant de me faire signe d'y aller. Cependant, en entrant dans un village, derrière une grosse citerne qui met son clignotant, et que je m'apprête à doubler alors qu'elle s'immobilise sur le côté, je vois le flic devant qui me fait signe de me garer. Je dois freiner assez fort pour rester derrière le camion. Il y a peu de marge, mais ça le fait. Il me fait signe de doubler et de me garer. Il me reproche alors de rouler trop vite, me confisque mon permis, me dit qu'il va me délivrer un récépissé, et s'apprête à me rédiger une contravention. Je ne reconnais pas l'infraction. Etais-je oui ou non derrière le camion ? Bon ! Ce camion s'est arrêté, je suis resté derrière, donc je n'allais pas plus vite que lui. Non ! Pas plus de 50 ! Vous contestez?! Vous savez que je suis assermenté. Et moi je vous dis que je n'étais pas en excès de vitesse. Vous ne pouviez pas me voir, derrière le camion, et je ne l'ai pas doublé. CQFD ! Vous savez pourquoi je vais vous laisser repartir ? Dit-il en me rendant mes papiers. Oui chef! Parce que je n'ai commis aucune infraction ! Non ! C'est à cause du gars là, avec vous. (il pourrait cafter probablement!) Ok ! Serrage de paluche hypocrite. Merci au revoir non mais !

Le sapeur me dit qu'il le connait. Qu'il méprise ces gars qui manient l'abus de pouvoir à longueur de journée. Celui là est réputé pour être particulièrement de mauvaise foi et emmerder systématiquement les gens pour leur faire lâcher 500 ou 1000 pour les locaux, 5 ou 10000 pour les toubabs, juste histoire de passer l'éponge sur des coupages de cheveux en quatre . C'est la honte de son pays. Ce n'est pas « papy » qui me démentira, lui qui évite scrupuleusement le Sénégal à chaque voyage, principalement à cause des flics de la région de St Louis.

J'ai quitté Tamba à 10h30. Il est 13h40 et nous avons avalé les 275 km qui nous séparaient de Kaolack. Le sapeur me propose de passer chez lui. Il me montre son baisodrôme avec sono et ventilateur. Les photos de l'armée, où il a fait 5 ans, de ses copines, de sa femme future, de ses potes. Il tombe l'uniforme, enfile celui de blagueur du samedi soir. Il est heureux d'être déjà là. Il m'invite à manger pas loin. Nous passons auparavant chez un réparateur d'autoradio tout proche qui est absent pour l'heure. Nous reviendrons après déjeuner.

Nous trouvons le gars. Il ne pourra pas se pencher là dessus aujourd'hui. Un collègue vérifie les branchements dans la voiture et nous accompagne en ville, à la recherche d'un autoradio avec prise usb. Nous ne trouverons pas, après avoir écumé le marché, et reviendrons nous saisir d'un auto-radio K7 chinois neuf à 8000. Il y a une prise jack. Je pourrai me débrouiller. C'est mieux que rien. Le gars le teste aussitôt, branche prestement tous les fils. Ça marche. Retour à sa boutique; Il me fait une installation rapide au scotch américain, remet de l'ordre dans ce bignz de fils. Me voilà reparti, direction Saint-Louis. Ça me saoule de passer par Thies et Dakar,on perd illico ½ journée dans les embouteillages,  aussi je cherche une solution. Il n'y a pas de coupe directe possible. Je vois Diourbel, ville natale de mon ami Nar. Une raison de passer par là. Et puis Touba, la ville des mourides, dont j'entends parler depuis 20 ans. Comme ces gens sont les plus riches du Sénégal, et qu'ils veulent faire en sorte que tout le monde puisse venir verser son obole aux marabouts, ils ont probablement encouragé la convergence vers Touba en garantissant un réseau routier en étoile parfaitement entretenu, voire neuf... Voilà Diourbel. A droite, direction Touba. En effet, la route est un billard. Bien vu. C'est le plus nickel que j'ai vu ! Rocade, 4 voies, plantations, chantiers de mosquées, beaucoup de neuf ! cité Cheikh Serigne, un monde fou, je pénètre la ville à la recherche de la direction Darou Mousty. Ce sera au rond point à gauche. Des charrettes surchargées de gens qui se rendent à la prière. Je progresse au ralenti. Patiente, double péniblement. Je m'extirpe de Touba la Sainte. Darou Mousty, route de merde, constellée de trous profonds inévitables, la nuit arrive, ça tressaute, ça vibre, et ce con de Wade qui finance des monuments pharaoniques et obscènes à 5 milliards alors que son réseau routier est indécent, et que les gens y cassent leur outil de travail à longueur de temps, je maugrée ce vieux sénile, Louga, ça y est la nuit est tombée. Je suis à 70 km de Saint-Louis. Au dernier carrefour, en arrivant sur la route Dakar St Louis, deux auto stoppeurs. Je les prend. Ils vont à 30 km. Il m'en restera 40 à faire seul. Je me repasse le concert enregistré à Bobo. A fond ! Pied dedans. Je n'ai pas eu ma sœur Maï au téléphone. On se couche assez tôt en Afrique. Il est déjà 20h30. Vais-je la trouver ? En même temps j'ai hâte de voir le joli sourire de Bintou, la serveuse du Comptoir, et puis j'ai faim. Sur ma droite, j'intercepte une vision : campement Top 50. J'en ai un bon souvenir. Stop ! A table ! Là je suis presque arrivé. Manger, et réfléchir.

Poulet grillé frites salade. Top ! Orangina. Je déguste. Un film commence : Le Fugitif. L'image est bonne. C'est du déjà vu, mais ça ressemble à la civilisation stressée et décadente. Tommy Lee Jones en flic obsédé et pugnace. Harrisson Ford en proie innocente. Je suis d'un œil. Me laisse distraire de cet environnement naturel et humain où je me sens tellement à mon aise. Je me sens moi même fugitif de la décadence des valeurs humaines. Me renseigne sur le prix des chambres, de jolies petites cases de bon augure, peintes de rose indien, dans un jardin gravillonné de blanc. 12000. Mouais. Faut voir. Quand j'ai terminé, service rapide et nickel, le type me dit qu'il m'a préparé une chambre. Je visite et suis sous le charme. Faïence en mosaïque au sol. Le piètement du lit également est carrelé de couleurs vives et fraîches. Les draps sont de coton blanc, les oreillers moelleux. Le toit est tendu de jolis imprimés. Le ventilateur bien centré est rotatif et commandé depuis le lit. La salle de bain avec wc occidental, douche et lavabo tout bien propre. Du jamais vu depuis un bail. Il y a même la télé. Une jolie lampe de chevet en calebasse ajourée. Table, tabouret et chaise en bambou fendu, cendrier en coco, tête de lit carrelée aussi, c'est harmonieux, je signe et conviens que 12000, c'est très convenable. Pourquoi arriver à St Louis de nuit, et dans l'incertitude du lieu de mon repos. Je me dis que je peux dormir tard et arriver vers l'heure du déjeuner. Je branche l'ordi, m'allonge à poil sous le ventilo. Je rédigerai jusqu'à 3h du matin le chapitre sur Bamako dont je suis assez fier.

Réveil 11h30. Toilette, je libère la chambre pour midi. Copieux petit dèj. J'appelle Maï, elle est à la maison, chic ! Je suis là dans ½ heure. Encore un stoppeur, très gentil et nous arrivons à St Louis. Contrôle de police. Ok! J'entre dans la ville et me dirige vers le pont Faidherbe en travaux. C'est vrai. Quelle engeance. Circulation alternée tous les ¼ d'heure. J'entre dans les petites rue de Sor, m'oriente bien, traverse la route de l'aéroport, et arrive sur la corniche. Il y a moins de monde par là en général; Bingo. J'ai gagné 300 m de file indienne. Dès que c'est à nous, je passe, c'est sûr. Et voilà, le pont, dont une arche, toute neuve, vient d'être changée, bitumée, on abandonne les plaques métalliques et leurs claquements syncopés. Quel chantier là aussi! La ville vit au rythme de ce chantier qui gouverne les allers-venues de tous. A droite, hôtel de la Poste, quai, 9è à gauche, j'y suis. Khadi fait la lessive, Maï arrive sur le petit perron, embrassade, bonne arrivée. Dernière halte avant le Sahara !

29 juin 2010

Coté en brousse !

Le village n'est pas bien grand. Trois rues dans un sens, cinq dans l'autre, et la piste qui suit le fleuve vers Diamou, les chutes de Gouina, Maïna, Bafoulabé, notre cauchemar de l'hiver dernier.

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Pour accèder à la beauté...                            Il faut parfois traverser l'enfer...

Aujourd'hui, la saison des pluies ayant commencé, bien des passages doivent être devenus impraticables.

Je me dirige vers le puits du village, point de repère à-partir duquel je devrais rapidement retrouver la cour de la famille Sidibé, dont Boubakar est le chef . Sa grand-mère, très âgée, s'active, seins nus, à l'ombre de la paillotte à toit plat. Je la salue en premier lieu et lui tend un sachet de cola dont elle se saisit, les yeux pétillants de joie et de reconnaissance. Puis je serre la main de nombreuses femmes, sœurs et tantes de Bouba, qui m'invitent à m'asseoir, m'apportent de l'eau. Beaucoup de fillettes jouent dans la cour, organisant une ronde, dansant et chantant chacune leur tour. Elles sautillent sur place en touchant leurs fesses avec les talons, et en chantant un petit air très rythmé.

Je les observe sans m'ennuyer.

Alors que je garai la voiture, quelques instants auparavant, un homme, d'une maison faisant face à la cour où je me trouve maintenant, me fait un grand salut auquel je réponds par un sourire et un geste amical. Le voilà maintenant auprès de nous tous, dans cette cour bien pauvre. Il parle un français tout ce qu'il y a de plus sommaire, mais je comprends que Bouba, comme bien des hommes du village, pour ne pas dire tous, travaille sur le « projet » mené par une entreprise chinoise. Il est midi moins 10 et il devrait arriver peu après midi, pour la pause. Nous attendons en parlant de ce chantier qui monopolise tous les esprits. Il me raconte que les chutes ont pris un chinois, il y a quelques jours de cela, et que malgré 10h de recherches avec tout le village, personne n'a pu localiser son corps avant la nuit. Le lendemain, des pelleteuses sont venues dévier l'eau, de sorte que certaines cavités se sont asséchées, et qu'on a enfin localisé le trou où l'homme avait glissé. Il en fût extirpé avec grandes difficultés, et ceux qui ont bien voulu descendre le récupérer se sont vus gratifier d'un sac de riz chacun. Les hommes travaillent dans une chaleur épouvantable, car le rocher accumule les calories. Même avec de bonnes chaussures, ils ont au bout de deux heures, l'impression d'être pieds-nus tant leurs pieds les brûlent. Ils manipulent donc des rochers à mains nues pour construire la digue, ajustant les pierres au mieux les unes dans les autres. Leur journée commence à 7h pour s'achever à 18h30, ils sont payés 1.500 cfa par jour, soit 2 euros 22. Leurs mains s'abiment jour après jour. Le danger est réel. Ils n'ont aucune assurance et s'ils se blessent, se voient simplement conseiller de rentrer chez eux. Il y a pas mal de phalanges écrasées, d'orteils fracturés, de vilaines coupures... Je donnerai mes gants de manutention en cuir à Boubakar.

Il fait son entrée dans la cour à 12h10. Je suis très ému de retrouver son sourire et ses yeux malicieux. L'embrassade est vraiment chaleureuse. Il n'en croit pas ses yeux. Répétant «Tu as quitté France avec voiture pour venir me voir ! Oh non ! C'est pas possib' ? No ! Tu es revenu me voir ! Hiiii !!! »

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Il est fier, heureux, reconnaissant. Il n'en finit pas de s'étonner, tout en s'activant pour faire venir de la glace, nous mettre à l'aise à l'ombre, nous apporter les meilleures chaises. Un grand bol est amené. Du couscous de mil avec viande. C'est rare qu'ils aient de la viande, mais un boeuf a été tué le matin même, ils ont vidé la tirelire pour acheter leur part et sont fiers de me servir ce riche repas. Nous nous régalons. Il propose que nous allions ensuite nous réfugier à l'ombre des manguiers, dans le verger de Boubakar Makalou, l'homme qui nous a rejoint pour l'attendre. Nous faisons un petit kilomètre vers Diamou, puis quittons la piste. Il faut ménager un passage dans la frondaison des manguiers centenaires qui tombe presque jusqu'au sol. Je sors le coupe coupe, il pratique une belle ouverture en arche, écarte encore les branches pour ne pas rayer la carrosserie, et m'invite à pénétrer dans cette cathédrale de verdure. Je slalome entre les fûts,  attentif à me tenir à distance des branches basses, car avec la tente et la galerie, la voiture fait 2m25. Nous traversons tout le verger pour nous installer à l'orée, près du petit chemin qui donne sur le fleuve, à 25m.

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Nous bénéficierons d'un vent agréable et permanent, d'ombre dense, de la fraîcheur du fleuve si proche. Il faut balayer le sol, installer les nattes, le hamac, ils ont apporté deux chaises. J'ouvre la malle « cuisine », mon petit réchaud deux feux, la théière.

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En quittant la maison de Bouba, nous avons pris 80 l d'eau aux nouveaux robinets installés par les chinois sur la place principale. Ils sont une quinzaine, en beau laiton tout neuf, alimentés par une double citerne installée en hauteur près du puits.

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Ça coule en permanence. Un perpétuel va et vient de bidons, d'ânes tirant leur Otro, la fameuse charrette avec un essieu de voiture, mode de transport exclusif de toutes sortes de marchandises, et signe extérieur de richesse.

De la sorte, nous avons sous la main de quoi remplir notre bidon d'eau potable. Nous pouvons même prendre une douche. Le grand luxe! J'aurais tant aimé que Vanessa partage ces journées de détente qui s'annoncent autour du bivouac. Une prochaine fois !

Nous commençons donc par faire le thé, ou plutôt les fameux trois thés, dont le premier, fort comme l'homme et amer comme la mort, est également très sucré, et vous prémunit de la déshydratation. C'est pour cette raison qu'il est tant apprécié dans les pays du sahel, et par les touaregs du Sahara.

Nous passerons ici trois nuits. Boubakar fera de nombreux aller/retour « en ville » comme il dit, toujours aux petits soins, veillant avec rigueur à notre sérénité et à notre confort, congédiant les enfants qui, curieux, s'approchent et s'installent.

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Il ira maintes fois en ville, donc, pour commander les plats pour le déjeuner, le dîner, des boissons alcoolisées, dont il est amateur. Il y a la sempiternelle Flag, et du vin malien dans des bouteilles en plastique. Ça a bien un goût de vin, mais c'est tout de même meilleur un peu frais qu'à température ambiante. Ça ne le gêne pas, lui, de boire cette piquette rosée chambrée/chaude, 35°. Je lui dis qu'éventuellement, avec un peu de cannelle et une rondelle de citron, pourquoi pas, mais qu'en l'état, je préfère renoncer, et qu'en général, le vin chaud, je l'aime quand il fait plutôt froid ! Bien frais, le soir, avant de dormir, c'est un gentil petit luxe à 1320 la bouteille. On est loin de Château Laffitte !!! Très très loin ! Mais ça saoule correctement, et c'est doux !

Nous jouons beaucoup de musique. Je sors le Ngoni, le petit balafon en alu, le maracas, le tambourin, les senza. Des enfants passent souvent nous voir et restent un moment à participer.

J'offrirai à la jeune fille de Makalou (l'autre Boubakar, propriétaire du verger) une robe laissée par Hazielle dans la voiture ainsi qu'une petite paire d'escarpins gris glacé avec bride, et à son amie, un petit chemisier très joli. J'espère que ma fille a grandi suffisamment des pieds et du torse, et qu'elle ne m'en voudra pas d'avoir fait cadeau de ses affaires. En tout cas la joie qui se lit sur le visage des fillettes et du père est une bénédiction.

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Le soir tombe et la pluie vient. Comme toujours, c'est violent! Nous rentrons les instruments en priorité, et tout ce qui craint l'eau et nous réfugions d'abord sous l'auvent de la tente, puis, alors que la pluie redouble, dans la voiture où nous improvisons une soirée photo sur l'ordi posé à même le tableau de bord. Bouba est ravi de voir Hazielle et Léon, ainsi qu'Eko, d'autant que certaines photos ont été prises ici-même, à Lontou, près du fleuve, dans un endroit qui n'existe plus désormais, recouvert par la nouvelle digue.

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Tous apprécient la visite guidée du continent et sont ravis de découvrir les paysages du Togo, du Burkina, du Sénégal.

La pluie s'assagit après deux heures environ. Nous ressortons et nous apprêtons à dormir. C'est complètement détrempé dehors. Hors de question de dormir sur une natte. Les deux Bouba dormiront dans la voiture. Le siège conducteur s'allonge complètement, pour le plus grand bonheur de Makalou. Mon Bouba lui, restera à peine incliné, à cause du frigo disposé sur la banquette arrière, mais muni d'un confortable oreiller, il dira avoir passé une excellente nuit. Un peu inquiet d'avoir à monter à l'échelle en alu, Manu s'est tout de même déjà couché alors que je borde mes amis et claque les portes de la voiture. Je le rejoins là haut et nous nous endormons aussitôt.

Le lendemain, ce sera farniente, toilette au fleuve, entre les racines d'un manguier, à poil dans cette nature, au contact de ma nature animale, je me sens particulièrement vivant.

Nous écoutons de la bonne musique à fond, toute la journée, dansons, faisons du thé, mangeons, profitons de la fraîcheur des boissons sorties du frigo. Aucun excès. Il n'y a pas grand-chose à oublier ! Je démarre parfois le moteur dix minutes, pour recharger les batteries mises à rude épreuve par notre « loud »-mélomanie et nos gosiers avides d'eau glacée. Mais ce soir, pas de vent, le pot d'échappement distille au ralenti une fumée épaisse qui ne se dissipe pas et envahit l'atmosphère sous les arbres, et je coupe rapidement.

Après cette seconde nuit, ce qui devait arriver arriva. Plus de jus ! Crotte de crotte !

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C'est alors qu'un âne et son fidèle otro arrivent, chargés de 4 bidons de 30 l, afin de renouveler notre stock d'eau. La légendaire prévenance de mon Bouba. Je monte sur le toit de la voiture, vide les bidons dans ma réserve, puis je démonte les batteries, les charge, sur l'otro, avec les bidons vides, et l'âne repart en ville au petit pas, Boubakar à ses trousses, faire recharger notre petite centrale électrique.

Ce sera chose faite 4h plus tard, pour 1000 f. Je les remets en place, contact, moteur ! Cool. Nous avons passé la matinée sans musique, il est temps de remédier... !!! l'autoradio ne s'allume pas! Je change le fusible qui a grillé, toujours rien ! Non vraiment ! Ça ne va pas être possible. Rien à faire, il ne veut rien savoir. Je fais mon deuil.

Mon visa court séjour du 17 expire aujourd'hui ou demain. Il va me falloir partir.

Nous remballons notre campement, passons faire l'appoint d'eau,

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disons au revoir à la famille. Bouba nous accompagne à Kayes. Nous confions l'autoradio à un « spécialiste » attablé à son poste de travail avec son petit fer à souder et ses outils dépareillés. A côté de lui, un tas de matériel électronique en vrac, carcasses, circuits imprimés, à même le sol, à même le ciel. Il y puise les composants dont il a besoin pour ses interventions. Son diagnostic est rapide et surprenant avec un matériel aussi sommaire. Il détecte que le circuit en a pris un coup, et détermine jusqu'où; Il faut changer tel et tel condensateur, la platine d'alimentation, le convertisseur, une résistance qui a dû trop chauffer. Espoir ! En Afrique, tout est possible, mais rien n'est certain. Il se met en quête du D882, un condensateur qui lui fait défaut. Il va sillonner tout Kayes à sa recherche. Il nous demande du temps. Nous lui accordons. Nous buvons, déjeunons, nous abritons du soleil, l'atmosphère à Kayes est la plus difficile de tout le pays, chaleur et poussière. Nous allons dans la famille pour un thé. Faisons le plein de boissons, encore quelques petites courses. L'après-midi est avancée. Il va falloir dormir là. Bouba nous propose d'aller à Kayes Ni, juste après le pont. Il y a de la famille également, nous pourrons nous reposer, manger, être bien. Manu a pris son billet de train pour demain 7h. Mais le train du soir ne passe pas, il a été victime d'un « léger déraillement » après Dakar. Alors celui de demain... nous verrons bien.

Nous regardons le match dans la cour. Des nattes sont installées à notre attention. Nous nous délassons. Le soir tombe. Nous allons siroter un verre dans un lieu interlope, très bien tenu, vaste, à l'écart, avec de multiples espaces pour danser, rester tranquille, s'isoler. On se croirait sur la Lune. Les plus belles filles sont là, oups ! elles ont 20 ans, viennent du Nigéria, vraiment splendides, et je pense avoir du goût ! Elles viennent faire la causette, s'asseoir sur vos genoux, se faire offrir un verre, et vous tenter pour beaucoup plus. Les mecs, je ne donne pas cher de votre peau ! Ici, c'est seulement 10/15000 pour toute la nuit. Et c'est du vrai canon comme on en voit rarement.  De la jeunesse tout ce qu'il y a de plus fraîche. Mais c'est résistible quand-même, pour preuve ! Faut du mérite, c'est moi qui vous le dit. Pas de témoin. Quasi gratuit. Très troublant. Et cet anglais nigérian si charmant dans la bouche de ces demoiselles. Je suis ravi toutefois de parler anglais avec elles, pas si connes dis-donc ! A leur grande déception, elles n'auront eu qu'un verre, et nous voient bientôt disparaître dans la nuit. Il faut dire que Bouba est chaud bouillant, et que je le sens près à sacrifier un des seuls billets de 10000 qu'il tient entre ses mains dans l'année, pour suivre l'une d'entre elles. Il faut savoir raison ramener. Je pousse un coup de gueule et lui botte le cul dehors. Ouste ! Demain, lever 6h mon gars ! Il faut garder ses forces. Ah les hommes !

Nous dormons dehors, très bien. Pas de moustiques. Lever; Nous partons à la gare. Beaucoup de monde attend le train. Il arrivera dans la matinée, c'est sûr, et le chef de gare annonce le départ pour 14h. Je ne vais pas arriver à partir. Et pourtant il le faut! J'ai épuisé ma semaine malienne. Pas envie de fournir un prétexte à la con aux douaniers pour me faire rendre gorge, ni de fourbir des arguments bidons, genre panne en brousse, perdu 24 ou 48h... bla bli, bla bla.... En tout cas, encore tous les trois pour un moment. Café, tartine, on réfléchit un peu. Retour en ville. Autoradio : le courant fait défaut, pas possible de souder, encore besoin d'une heure. Bon prétexte. On se détend. Je suis avec Manu depuis presque deux semaines. Il va falloir se quitter maintenant. On profite des derniers moments. Je lui ai donné de quoi prendre ses billets pour Bamako d'abord, puis pour Ouaga, via Bobo, ensuite. 22000. Je ne vais pas être pingre. Il faut qu'il puisse bouffer aussi, dormir décemment, allez, 40, ça fait 60 euros. Il a été cool. Je n'ai jamais eu à lui demander de faire une lessive, de nettoyer la caisse. Il a été spontané, sobre en paroles, drôle à ses heures, de bonne compagnie, heureux du voyage, un compagnon absolument idéal, jamais râleur, toujours tranquille, le rêve.

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Il est content, il va même pouvoir faire un peu de bizness. Il a repéré des trucs moins chers. Il en ramènera à Ouaga. Pas con le mec, il va se refaire.

On va au cyber donner un peu des nouvelles. Une heure. On a faim. 12H30, rien de prêt nulle part. Ça me met de mauvaise humeur, et il fait si chaud, de restau en restau. On s'installe à une terrasse, à l'ombre d'un bel arbre. J'achète une boîte de vache qui rit, deux baguettes tièdes, je me fais des tartines en regardant Kayes résister, comme tous les jours, à la chaleur, à la poussière. Je m'enfile la boîte. Manu m'a un peu aidé j'avoue. Je retrouve un peu de gnac. Bouba dit, « allons à l'hôtel, se mettre à l'aise, boire une bière fraîche et patienter ». Ah ! Il y a de vraies chiottes, c'est rare, ça va être bien doux ! On se désaltère. Je prends mon temps sous l'escalier. En sortant, je croise un mauritanien. Je dois quitter Kayes par la route de Sélibaby, en Mauritanie. Du coup je me dis que ça serait bien de ne pas attendre la douane pour changer mes cfa en ouguiyas. Ils n'en ratent pas une pour vous gruger, les mauritaniens, je ne sais pas si vous avez remarqué, moi si !

Je lui demande. Il me dit d'attendre 5 minutes. Dans de vrais canapés, je me vautre un peu et savoure. Il revient. Suivez moi. Nous marchons 100 m et arrivons dans une cour genre caserne. Quatre mauritaniens devisent en fumant, la cinquantaine, plus ou moins bedonnants, plus ou moins patibulaires. L'un d'entre eux, le plus gros, fume des fine 120, le con! Il a l'air d'un vieux pervers. S'il savait. Lui le bon musulman, ce qu'il m'évoque. Vous auriez une cigarette? Il m'en offre une. Ce sont des officiers à la retraite. Que des militaires, des mecs qui en ont vu, rien qu'à voir leurs yeux, sont pas d'hier! Le quatrième me demande pour combien j'en veux, des ouguiyas... 40000 ! Ça fait 20000 ouguiyas ! Le compte est bon. Je vous attends là ! Il part. Nous parlons en attendant. L'un d'entre eux est plus causant. Il me demande mon projet. Je lui dis : Sélibaby. Je demande confirmation que ça n'est pas trop loin. On m'a parlé de 150 km en 4 h. Il confirme la distance, mais pour le temps, se montre plus perplexe. La journée n'est pas de trop. C'est la route des trafiquants. Il y a environ 3 véhicules par semaine. Il s'enquiert du modèle de ma voiture. C'est ok, mais je risque de casser. Il pense que je suis en convoi de 4 ou 5 voitures. Quand je lui dis que je suis seul, il se montre aussitôt totalement dissuasif. S'il vous arrive le moindre truc, vous êtes foutu. Sans compter qu'il y a mille occasions de se tromper et de tourner en rond. Parfois il n'y a même plus de piste. C'est très cassant. Ceux qui connaissent peuvent y rester plantés, surtout avec les pluies qui sont tombées ces derniers jours. Alors vous, si c'est la première fois, renoncez. Remontez à Nioro, ou passez au Sénégal. Par Nioro, vous perdez 400 km, ça rallonge, mais c'est plus sûr. Le mieux, c'est de passer au Sénégal à Kidira, et de remonter par le goudron. Tambacounda, Thiès, Saint-Louis. La route est bonne, vous économisez du gasoil, c'est à peine plus long. Il y a 6/8 mois, un sénateur mauritanien est passé à Kayes, j'ai dîné le soir avec lui. Le lendemain, il partait pour Sélibaby. Il n'est jamais arrivé. La tête tranchée au coupe coupe, pour 100 mille et quelques balles. A votre place, je passerai par le Sénégal. J'ai comme qui dirait ma dose d'arguments. N'en jetez plus ! Je n'en demande pas plus. Me voilà convaincu. Je voulais éviter, par rancune pour le vol de cet hiver, mais j'en viendrais presque à désirer le Sénégal, maintenant. Ok ok ! Je vais faire comme ça. Pourtant, je n'aime pas reprendre deux fois la même route. 13H, retour à la gare. Cette fois on y est, le train est arrêté à quai.

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Ça va partir, c'est sûr ! Echange d'adresses. C'est le moment de quitter Manu. Allez ! Photo. Tirage nickel. Franche embrassade.

Il est super content du voyage, d'avoir vu du pays. Il me remercie pour tout. Les repas, les clopes, l'hôtel, les rencontres, il remercie Bouba aussi. Nous partons, il est déjà seul dans sa tête, il s'éloigne, ne se retournera pas. Je fais demi-tour, cherche le klaxon, l'ami des yeux, ne le voit plus, trop tard, il a disparu. A + Man' !

Avec Bouba, nous descendons la rue. Nous avons tout-à-l'heure récupéré l'autoradio, il ne fonctionne pas plus qu'avant. Bouba est fâché; 5000 de pièces pour rien ! Mon oeil. Il lui fera son affaire en rentrant, plus tard, au gars. Pour l'instant, il désire que je le dépose au marché, pour trouver une natte pour sa mère-grand. Je m'immobilise au rond point, sur le côté. Il me fixe, incrédule. « No'! Tu vas pati ! Tu va me quitter ! Oh ! C'est pas possib ! »  Avec ses petites lunettes écailles et son sourire de môme. Poignée de main interminable. Il sort. Claque la porte. Emotion ! Me voilà seul ! Ça fait tout drôle !

Première. Cœur serré ! Direction Kidira, la douane sénégalaise.

 

 

 

26 juin 2010

Bamako... Boubakar en tête !

Si votre tête est connue quelque-part et que vous y revenez, mieux vaut avoir laissé une bonne impression. Mais alors, quel accueil ! Mohamed, dit Momo, gèrant de l'auberge, comme tous les autres partout ailleurs, reconnaît d'abord la voiture qui décidément n'est passée nulle part inaperçue.

Je pose mes pneus au millimètre près comme cet hiver, la place de choix pour les clients de Jatiguiya, juste à côté de la porte qui ouvre sur le jardin. Il faut dire que la saison n'est pas à la bousculade, et qu'un billet de 10000 est toujours aussi bienvenu que vous pouvez l'être vous même... et vice et versa !

Nous sommes dans une courte impasse d'une cinquantaine de mètres, pourtant très fréquentée, au cœur du quartier de Badalabougou situé au nord -est de la ville, un peu en hauteur, ce qui est génial pour respirer un air tout simplement respirable. Un vrai luxe à Bamako. Il y a en face de l'auberge une grande « cour », lieu clos environné de logements d'une à deux pièces, avec ou sans wc/douche, l'un et l'autre faisant la plupart du temps chambre commune, de façon à minimiser le nombre d'évacuations, portes d'entrée toutes désignées pour d'inopportuns visiteurs du soir. Je dois témoigner d'ailleurs à ce titre, qu'hormis l'énorme cacaraca rencontré en rentrant tard de chez Corneille, à Kpalimé, sur la terre battue qui fait office de trottoir, aucun congénère de quelconque dimension n'a eu la mauvaise idée de croiser mon chemin. Ce dernier était d'une taille tellement... respectable, que l'idée de le tuer ne m'a alors même pas traversé l'esprit. J'avais déjà du mal a accepter la réalité visible qui me dépassait et le dégoût habituellement associé à l'insecte en question, accusateur de crasse, lui non plus, ne s'est pas manifesté. Après quelque minute d'une observation éberluée (a-t'elle été réciproque ?),, François a brutalement mis fin à l'entrevue en précipitant toute la largeur de la semelle de sa vieille tong lestée d'un bon élan du genou sur l'énorme animal dont j'ai craint un instant de voir dépasser les articulations de part et d'autre du pied fraternel, comme dans un Tex-Avery ! Quelques mètres plus tard, alors que nous avions repris notre modeste retour dans le silence rythmé par les « claquettes », mon frère évoqua la résistance de ce qui était donc bien un cafard, persuadé qu'ils nous survivraient tant elle est légendaire, et je fus certain alors, que bien qu'un peu étourdie d'avoir croisé deux mecs un peu lourdinguess, la créature avait déjà repris, certes plus timidement, sa frénétique quête coprophage. Une de mes projections avait en tout cas pris corps, à la faveur d'une tiède hébriété quasi tropicale.

Sinon tout bien. Pas de haletants sautillement entre des nuées de blattes dans les salles d'eau des auberges, hôtels, ou dans les familles, pas de haut-le-coeur à réprimer. En Afrique, la saleté est une couleur, elle fait partie du paysage, la merde retourne à la terre dare-dare. L'homme entretient d'ailleurs avec elle un commerce tout ce qu'il y a de plus équitable.  Il y a de la lyophilisation minute dans l'air. Que ce soit une bête crevée au bord de la route, un  résidu organique de quelque nature que ce soit, il sera soit, s'il est comestible, consommé dans le ¼ d'heure par une poule, une cane, une chèvre ou un porc, soit, dans le cas contraire, déshydraté dans la journée, puis piétiné et réamalgamé sous forme de matière sèche, par le sol. Même une chiure de porc ne passe pas la journée. Vous avez à peine le temps de ne pas marcher dedans   une fois! »que poussière elle est redevenue.

Bon c'est vrai, quand la saison des pluies s'installe, la soupe n'est pas top top, et il y en a un peu partout. Mais aujourd'hui, fin juin nous n'en sommes vraiment qu'au début. Beaucoup de régions attendent encore leurs premières vraies pluies. Le sol boit, la nature se désaltère, les herbivores sont ravis, tout va pour le mieux ! Mais lorsque des trombes d'eau s'abattent plus régulièrement, le ravinement est fulgurant. Chaque point bas reprend ses droits et collecte. Vous repérez les rues aux flaques d'eau : dimension, profondeur, nombre, espacement, Ah oui c'est là !

L'évaporation ne suit pas, et quand ça commence à macérer, il faut admettre ça devient franchement dégueulasse dans certains quartiers vraiment défavorisés. En passant, c'est rigolo, mais lorsqu'en sortant de chez vous, faute d'avoir de vraies bonnes chaussures, vous vous mouillez les pieds systématiquement dans ce qui surnage d'un marigot nauséabond, ça devient plus glauque évidemment. Bon, revenons à Bamako.

Accueil chaleureux donc. Je retrouve aussitôt mes marques, quelques visages, quelques noms. Je ne verrai pas Mickaël, il a trouvé un boulot dans un restau chic, hors de Bamako, pas bien loin, et ne déambule plus aussi assidûment dans le quartier. Manu trouve l'endroit sympa, manquerait plus que ça. Détail qui a son importance, pas de bière, nous sommes chez les musulmans. Ils ne sont pas saoulants avec ça -si j'ose dire- mais ne vendent pas d'alcool. Ils sont près toutefois à aller au dehors nous en acheter. Non, j'ai mon idée : Une bonne raison d'aller faire un tour chez Raphaël.

Nous avions dormi avec les enfants dans le dortoir, cette fois, il y a des chambres, c'est parti ! Bof ! Peinture décrépie, petite, ventilateur cliquettant, un seul lit, moustiquaire trouée à la fenêtre, poignée absente, serrure récalcitrante, bof bof... excusez du Peul (c'est son nom) ! Je peux en voir une autre? Elle sera deux fois plus grande, deux lits, lumière bien plus abréable, salle de bain correcte et clean, ventilo silencieux, il y a même la clim... mais je ne préfère pas l'utiliser, et tout ça au même prix. Allez ouste, on s'installe!

Chez Raphaël, c'est joli, il y a une piscine avec une petite balustrade en béton peint, un joli jardin avec de beaux arbustes, un palmier, un bananier, tout est propre, le frigo marche bien, la bière est vraiment fraîche, il y a le choix, la musique est bonne, les tables sur la pelouse autour de la paillotte bar sont éclairées doucement, il y a des chaises confortables, de vrais tabourets de bar design, un gardien à l'entrée, un super bel endroit. Du coup, ce sera gin-to' une fois, gin-to' deux fois, dodo une fois !

Rouler comme on l'a fait, ça cane ! Demain c'est vendredi, et j'aimerais bien qu'on m'aime... non, vendredi, dernier jour de la semaine, ensuite, ambassade de Mauritanie fermée. J'espère qu'ils délivrent le visa dans la journée. Il ne faut pas se louper. En général, le dépôt des passeports, c'est entre 9 et 11.

Je me réveille à 6h30, mais le calme ambiant ne m'incite pas à sonner le clairon, je rempile un peu pour émerger à 9h30 !!! Van de Diou ! Zut ! Faut speeder ! J'ai super faim ! Pas le temps ! Manu ! J'y vais ! Tu viens ? Si ! Un café quand-même ! Crotte ! Faut y aller en moto ! On gagnera du temps ! Il est là Momo ? Il revient de suite ! Cool ! Alors ce Nes ?! Sont en train d'en acheter, une dose par une, ces cons, et l'eau elle est chaude? Putain ! Font chier des fois ! Comment veulent-ils ne serait-ce qu'inventer l'eau tiède s'ils n'ont même pas d'eau chaude. Non je vous le dis, l'Afrique, ça veut pas ! Ne leur demandez pas « C'est comment qu'on freine ? » Ils pédalent avec les talons ! C'est dire l'envie de tracer qu'ils ont ! S'arrêter n'est jamais un problème. C'est spontané pour les gens, les machines, les voitures. Au moindre truc, ça s'arrête ! Vous voulez que je vous dise, contrairement à ce qu'on croit, il n'y a que les ânes qui avancent toujours, chargés comme des mules/baudets qu'ils sont, à croire qu'ils gagneront quelque chose à traîner partout ces tonnes de bois, d'eau, à faire un pas après l'autre dans le cagnard, avec derrière par dessus le marché, des gars vautrés qui ne veulent pas marcher ! Que dalle ! Un petit jour de repos par ci par là, le temps d'aller folâtrer un peu de part et d'autre de la nationale, de jour comme de nuit, ou bien, quand votre triste condition vous saute au muffle et que vous ne pouvez plus refouler l'évidence de votre naturel suicidaire, de s'immobiliser entre chien et loup sur la voie de droite, celle par où les camions chargés remontent du sud. Paf ! C'est instantané, sans douleur, les tripes à l'air, poussé sur le côté, abandonné aux vautours, aux chacals, aux buses, et lyophilisé sous 4 jours. Radical stairway to heaven !

Je n'ai vu qu'un âne bâté! Pas d'échappatoire ! Il s'était arrêté lui aussi, malgré les coups il n'avançait plus. Il n'a pas duré. Un âne qui s'arrête est un âne mort. Il habitait trop loin de la route. Franchement! Les enfants leurs mettent de tels coups de bâton, même lorsqu'ils avancent déjà bien, qu'on a envie de s'arrêter dans un crissement de pneus, de serrer énergiquement le frein à main pour armer une bonne droite, de descendre de voiture et d'aller leur arracher leur cravache de la main gauche avant de leur lâcher tout ce qu'on peut d'une grosse droite en pleine poire... de l'autre, forcément !

On croirait des français moyens, les ânes en Afrique. Ils font ce qu'on leur demande, opiniâtres, jamais de carotte, que du bâton, et ils ne mouftent pas! Pire ! Ils ont l'air content ! Ils en redemandent ! Et on leur en donne ! C'est pas la charge qui manque !

Dure condition, les ânes, moi je leur tire mon chapeau! Je ne me vois pas à leur place.

Pour être âne, forcément, il faut avoir été très injuste avant !

Ah ! Un bon café, enfin ! Pas trop tôt ! Au fait ! Et Momo... toujours pas ? Ca va être chaud ! Si on doit prendre un taxi, c'est maintenant ! C'est loin d'ailleurs, l'ambassade de Mauritanie ? Musée truc, entrepôts frigorifiques, hippodrome, par ici ou par la route de ..., hmm ! Je la sens mal cette affaire !

A moto c'est tellement rapide ! Mais pas de taxi moto à Bamako. Seulement location à l'heure. Et Momo qui n'est pas là ! Mais !!! C'est pas dix heures moins dix, c'est neuf heures moins dix... aaahhhh ! On a même le temps d'une tartine, mais côté appétit, pas grand-chose. Enfin ! Faim mais le cœur à pas grand-chose d'ici. Y'a de l'organique mais y'a du somatique. Envie d'un petit truc standard, genre un canapé, y'a pas ! Un expresso ? Y'a pas ! On est mal assis, qu'est-ce qu'on est toujours mal assis, il n'y a que les chaises en plastique chinoises de jardin qui soient à peu près confortables quand elles ne vous pêtent pas aux fesses ou au bras, vous précipitant illico sur le sol. Leurs chaises en fer avec la corde à linge dans un seul sens, qui finit toujours par s'écarter et vous mouler le derrière en friteuse « grand-mère »! Ou ces trucs en bois, raides, ces bancs instables... Y'en a marre ! Ouahhh ! Il va faire chaud ! Que dis-je? Il FAIT chaud ! Et puis les mauritaniens, il faut que je vous dise, ils commencent à me courir avec leur visa à 30000 ! Le premier, pris à Rabat, disparu avec les passeports à Saint-Louis, le second, pris à Dakar, c'était dur, périmé, et maintenant, rebelote, et je n'y suis pas ! Pourvu qu'ils me le délivrent dans la journée, sinon, c'est lundi, et deux jours de perdu, sans compter les deux nuitées supplémentaires. Bon ! Maintenant c'est 10h, toujours pas de Momo ! Allez ! Taxi ! Go ! Il ne sait pas où c'est ! On lui dit musée, frigos, blabla, hippodrome... ça commence bien, bouchon, arrêtés 5 minutes au premier feu. Ca pue ! Et il fait si chaud !

Le pont des Martyrs est à double sens, trois voies en une, ça dure, ça lutte, ça traîne, ça n'en finit pas, le pont est passé, on sort, paf, bouché arrêté encore 10 minutes, 10h20 je stresse ! On le lâche ? Non ! Confiance !  Il passe par la cour d'un bâtiment officiel pour ressortir dans l'autre rue, ça avance un peu mieux mais c'est vraiment pas ça. Le marché bat son plein, les charrettes à bras traversent par vingtaines, les feux s'y mettent, le flic bouffe du gasoil, On y arrivera pas !

Si, onze heures moins 12. C'est super limite! J'entre, beau bâtiment dans quartier paumé. Clim, diplomates vautrés derrière une vitre sur des grands canapés de skaï noir. Mettent au moins deux minutes à bouger. Gros, lent, obséquieux, le pas traînant dans des babouches qu'il met 5 pas à enfiler entre ma main et son « parlez dans l'hygiaphone à genoux ».

Aujourd'hui ça ne va pas être possible... je crains ! Vous seriez venu il y a 20 30 minutes, le conseiller général vient de partir. Photos? Oui ! Voilà ! J'explique qu'il faut juste proroger mon visa périmé. Il est périmé Monsieur, il faut le refaire, en plus, il a été fait à Dakar... Je ne suis pas déçu! 26000 ! Ah ! Bonne surprise ! Je reviens, attendez ! Oui Monsieur ! 10  minutes... Bon ! Vous tenez vraiment à l'avoir aujourd'hui ? Qu'êtes vous prêt à faire pour cela ? Gardez la monnaie sur 30000 ! Tssss ! Long regard inquisiteur ! Silence ! Je pense qu'en dessous de 15000 ça va être difficile ! C'est le week-end ! Vous comprenez ? Je pense que 15000 conviendraient ! Je rajoute 10000, c'est tout ! Ca fait 14000 ! Les français sont durs en affaire, Picart ! Très durs ! Revenez à 14h ! Non ! Appellez-moi à 13h30 ! Et entre nous... il n'y a que les 26000... hein ?! Ben voyons ! Naturellement ! Je reviens pour 14h ! A tout-à-l'heure !

Connard !

Le taxi attend encore ! Merci vous pouvez y aller ! On doit rester dans le quartier !

Quartier nul ! On marche dans la poussière, la chaleur, des carrefours un peu zone. Restau sénégalais, Théranga, tiens ! Nan ngen def ? Ca va bien ! Bonjour! Il y a quelque-chose de prêt? 20 minutes... à midi quoi ! On s'installe sous le ventilo, on boit un coup, on attend, on mange, on cherche à prendre un café pendant presque ½ heure, on marche beaucoup, on trouve, ça pue la merde, c'est au bord de la grand-route, tout est moche, ça traîne, c'est cher, on se casse. Journée de ----- !

Retour case Mauritanie, 13h30, clim, ouf ! Non Monsieur ! Attendez dans la salle d'attente! Je cherche, ne trouve pas, trouve, pas de clim, pas de ventilo, ombre, canapé, mais 35° au moins. J'attends, il vient. Le conseiller va arriver d'ici peu ! Quand ! Avant 15h30 c'est certain ! Sérieux le conseiller, lorsqu'il mange dans son restau de blancs bien cher, avec nos devises extorquées, il reprend trois fois du thé et fume deux cigares, mais le vendredi, au pire à 15h30, il est de retour de pause ! J'ai trop de bol !

Je m'endors ! Suis réveillé à 14h45 ! Alors on dort !! Oui, voilà, merci ! Hmmm ! Chose promise... chose due, oui, voilà ! Un billet de 10000 ! Pour ta pomme ! Trouduc ! Merci Monsieur ! Au revoir Monsieur ! Vous avez gagné deux jours, il faut sourire ! Mirci Missieur ! Au rivoir Missieu ! On part ! Il me rappelle dans la rue, nous sommes à cinquante mètres. Il doit faire une photocopie du visa. Mi avic plisir Missieur ! Tinez ! 3 minutes dans le cagnard. Mirci Missieur ! Au rivoir Missieu ! Va t'faire...


Moi je veux rentrer en moto. On doit trouver deux motos, Manu ! Tu m'écoutes ! Tiens regarde !

Deux motos sont garées sous un arbre, deux gars vautrés à côté. C'est à vous la moto? Non Monsieur ! Demandez Ibou en face ! Match ! Télé ! Quelques hommes ! Ibou ! Ibou est là ? C'est moi qui bout ! Oui, bonjour ! On aimerait louer votre moto pour rentrer à Badalabougou, c'est possible ? On est deux ! 1000 1000 !  Il se lève, laisse une bonne place devant la télé qui fait un heureux . Appelle son pote ! Où est l'autre ! Manu ! C'est bon ! Vroum vroum, montez ! C'est parti. On croise ces fours ambulants que sont les taxis agglutinés, on double ces voitures, ces camions qui zigzaguent entre les trous, je sirote un jus de grenade glacé payé 200, fume une cigarette, nous nous attendons un peu, il y a un feu un peu long, le pont des Martyrs, Badalabougou, à droite au Croco, deuxième à gauche, ici, là, hop, on y est ! 15H15 ! Cool ! Merci. Ce soir la France va se prendre une raclée face au Metsique ! La cucaracha, la cucaracha ! 2/0 ! Match de merde, équipe de merde, entraîneur de merde, gouvernement de merde, pays de merde ! La totale ! Domenech aux fraises ! Ribéry peut continuer à marquer des putes contre son camp! Allez Lisez ! A l'Elysée ! Ils vont l'avoir leur baffe ! Cette bande de j'me la pête ! Ca se la joue, ça descend dans l'hôtel le plus cher, que tout le monde se fout de nous, et ça joue comme des pelles à tarte, on s'ennuie, il ne se passe rien, le football peut vraiment être un sport désespérant ! Même les Coréens sont meilleurs ! On voit qu'ils y croient, qu'ils essayent, ils sont drôles, il font plein de petits pas, quelques grands pas qui manquent de les faire tomber. Ils courent partout, on rit ! Mais la France n'a plus rien que de consternant ! N'en déplaise aux bobos à bicyclette, qui peuvent toujours jurer par Janie Longo... Soir de honte à Bamako. Demain samedi ! Musique à Bamako ? Pas la force de ressortir là dedans ! Demain peut-être...

Samedi tout doux, sieste, quelques pas, un peu de bricolage auto. Je montre à Manu comment fabriquer des vortex valve (voir site pour ceux que ça intéresse). En démontant l'arrivée d'air, elle se fend dans la partie accordéon, le caoutchouc Toyota accuse ses vingt deux ans. Dans l'instant, un type posté là en face depuis notre arrivée à l'auberge, jaillit, heureux de m'annoncer qu'il est spécialiste de ce genre de réparation. Quel bol ! Mais n'est-ce pas lui qui aurait promptement coudé le tube alors que j'avais le dos tourné, pour pouvoir laisser s'exprimer l'évidence de son talent. Il me demande 3500 pour recouvrir toute la partie accordéon d'une peau de chèvre qu'il coudra après l'avoir collée. Je lui confie la pièce. Il revient 10 minutes plus tard, la peau est formée, collée en place, accordéonnée, il ne reste plus qu'à la coudre. Je lui avance 500 pour se procurer le fil gros et l'aiguille. ¼ d'heure après, la pièce est réparée, je la remets en place. 3500 = 5 euros et quelques...

On mange peu, on est tous les deux patraques. En réalité, dès qu'on ne fait rien, on a mal au ventre. Si on est concentré sur un truc, on y pense pas du tout ! C'est curieux ! Je suis rassuré que mon Burkinabé fasse sa petite tourista au Mali, je me sens moins seul avec mes grimaces et mes élans aqueux.

Samedi soir à Bamako ! Ca va être chaud ! Combien rêveraient d'être à notre place, d'aller à l'Exodus écouter le meilleur reggae live du continent ? Hein, combien ? Et bien non ! Rien à cirer ! Pas besoin. Chuis bien ! Il fait plus frais. Un bon petit sandwich, le meilleur du continent, lui aussi, et au lit ! Douche, longue, c'est doux ! Et à plat ! Demain départ ! Manu est décidé à poursuivre sa route vers l'ouest avec moi. Chic !

Pour rallier Kayes, il faut déjà quitter cette ville tentaculaire, trouver son chemin, franchir le premier col, vers Kita, pas bien haut, mais les camions n'en demandent pas plus pour se mettre les tripes à l'air à leur tour. Ils adorent manquer un virage, casser un essieu, se renverser sur le côté. S'arrêter est dans leur nature. Je les vois mal dans les Alpes !!! Un dénivelé de 100 m, et c'est de l'animation garantie tous les jours. Pour corser le tout, ils ont parsemé cette descente de gendarmes couchés totalement obscènes qu'il  faut passer en seconde quasi au ralenti, sous peine de voir son chargement se mélanger comme un jeu de boggle. Et il y en a comme ça une tripotée, jusqu'à Kita. Nous y sommes vers 13h seulement. La route n'est pas mal dès lors. On peut rouler à 100. Peu de bestioles. Peu de véhicules. Musique à fond. A nous Kayes.

Nous prenons par le nord, j'ai déjà pris l'itinéraire sud, par Manantali et Bafoulabé, lorsque nous sommes passés aux chutes de Gouina... il y a une partie de 70 km qui vous prend la journée, si ce n'est votre différentiel ou vos nerfs, si ce n'est les trois en même temps. Merci, j'ai déjà donné.

Par le nord, ça se passe bien, via Diema. On se dit qu'on dormira là, car nous y serons vers 20 h. Nous nous y arrêtons manger, mais ce n'est qu'un carrefour, avec commerces pour les routiers, sur 100 m dans les 4 directions. La viande est hors de prix. Pour 500, vous tenez ça dans une main. On commence par ça, malgré tout, ça sent bon, mais la vache est vieille, ça passe !

Maintenant, légumes... on entre dans le restau, chez l'ami Diallo, qui n'a d'ami que le nom et vous sers pour 500  12 frites froides, je remets 500, il me rajoute 5 frites ½, je ne vois pas la tête de l'ami Diallo, il se cache derrière un passe plat. Manu est littéralement mort de rire en comparant la tête que j'ai fait quand on m'a dit qu'il y avait des frites, et celle que je fais en mangeant ces patates tièdes !

Pour me narguer, il va chercher une assiette. J'ai vu passer la même, me disant que ça avait l'air plus copieux, pour le même prix. On aurait presque cru, dans la pénombre, un bœuf bourguignon... slurp, mais avec du riz. En fait, du riz, c'en est bien, mais en matière de sauce sombre, c'est un truc in-bouf-fable, qu'on croirait à base de sable. Ça noie une queue de poisson hyper grillée amère. Je goûte... la sensation est intéressante dès lors qu'elle ne dure pas. Je ne reprends donc pas de seconde cuiller. Manu fait le brave mais abdique après trois bouchées. C'est vraiment dégueulasse ! C'est une spécialité malienne, du genre de celles dont il faut absolument avoir la recette, afin d'éviter scrupuleusement tout ce qui désormais, s'avèrera contenir un ingrédient similaire au moins.


Vraoum ! On se casse ! 500 m plus loin, je me dis que je ferais quand-même bien de faire le plein. Demi tour. Et route de nuit donc, jusqu'à Kayes, encore 240 km. Musique à fond. On est bien. Petites pauses dans la nuit, en pleine brousse, coca bien frais, eau glacée, cigarettes, 12h00 le pont sur le fleuve Sénégal, un peu en aval de Lontou, où je me rends chez Boubakar. Je fais un détour pour trouver mes repères, l'hôtel en fait, est 100 m à droite à la sortie du pont. Nous y avions mangé avec les enfants, ça risque d'être un peu cher, mais l'endroit m'avait fait parfaite impression.

Plus de chambres ! Ça alors ! Essayez le Khasso... On trouve rapidement... 27500 Ouch ! Trop cher ! Dans la même rue, en retrait de la route, l'hôtel Logo, il en est question dans Lonely Planet, surréaliste. Le type ne me répond pas, il fait super noir là dedans, je ne distingue même pas les traits d'un type qui ne peut être que le réceptionniste, et s'obstine à me répéter sur tous les tons qu'il fait chaud, qu'il fait si chaud, mon ami, il fait tellement chaud, sans daigner répondre à ma question : avez-vous une chambre ventilée ? Il me dit à mots couverts sa honte de tenir un hôtel où il fait si chaud dans les chambres... me fait entrer dans l'une d'elles... un bon 38°7, bien moite ! En effet, je comprends ses mots. Je partage son émotion. Je ressens son quotidien nocturne. Je compatis. J'ai visité une chambre, est elle libre, en dépit de la paire de tongs dépareillée qui orne le carrelage ? Ce qu'il tente, par son obstination langagière à la limite du lourdingue, du genre qui rajoute à la chaleur, à l'étouffement, vous voyez, c'est que je serais fort bien avisé de prendre avec clim ' Avant même que je n'achève de comprendre sa manœuvre alambiquée, et me voyant probablement désemparé par la tournure du dialogue, il consent d'emblée à me faire la clim' au prix du ventilateur, soit 15000. Banco, c'est tout bon ! Ouf de ouf ! Nous attendons que la clim opère en sirotant une bière mi fraîche dans un patio sans lumière autre que la lune et la télé, apprenons qu'il faudra rétribuer 1000 f le gardien de voitures, « Je tenais à vous en aviser! », et allons nous coucher après avoir testé la douche.


Nuit ok. Le matin, pas de kf à l'hôtel, tant pis, nous faisons un petit marché, en quête d'une cafetière italienne. J'achète des colas pour la grand-mère de Boubakar, quelques gâteaux en cas d'absence de pain le matin. Un sac de sachets d'eau. Quelques boissons à mettre dans le frigo. Sucre. Menthe pour le thé. Vache qui Rit, lait en poudre. Nous voilà partis pour Lontou. Je connais la route, elle quitte Kayes au niveau de l'hôpital, après la gare. La piste est de 15 km, horriblement poussièreuse, au grand dam de ceux que l'on croise ou dépasse, le nuage est terrible. Tôle ondulée, la grille de la galerie ne cesse pas de vibrer, les instruments dans le coffre jouent presque seuls. Puis c'est l'ascension, rapide, en troisième, presque à fond. Nous traversons un premier village où la chaleur est particulièrement écrasante. Encore quelques kilomètres, c'est sinueux, en contrehaut du fleuve, très beau. Il faut s'arrêter pour croiser les camions. Il y a beaucoup de bennes, des camions assez récents, que se passe t'il là haut ? Nous arrivons à la centrale hydroélectrique, construite par les français il y a environ un siècle. A cet endroit, plus de route, nous roulons à même le rocher. Il est assez lisse, mais beaucoup de lèvres font tressauter la voiture en tous sens. Nous sommes en seconde, au ralenti presque. Il est 11h30, le soleil écrase tout alentour. L'endroit est tout ce qu'il y a de plus hostile. D'énormes bulls s'activent. Un panneau danger, travaux, 30km/h (ça serait le Pérou de rouler à 30 ici !). Danger de Mort, tir de mines, passage interdit après la première sirène. Tous les jours entre 12h00 et 12h30, et entre 18h et 18h30. Le chantier est colossal. Ils ont pratiqué une saignée insondable dans le roc blanc. Des camions charrient des tonnes de rocher pulvérisé. Vers où ? Il faut trouver son chemin, parvenir au petit pont cassant, une simple dalle de béton posée entre deux rives d'un marigot. Et nous sommes à Lontou. Je reconnais sur la gauche le petit carrefour pour accéder à l'endroit près du fleuve où nous avions établi notre campement.

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18 juin 2010

Ouaga-Bamako

Nous cherchons la route de Youngouqui en principe part de Bitou, mais sans succès. Elle a beau figurer sur la carte, tout le monde nous dit que pour aller vers Tiébélé, il faut d'abord reprendre le goudron vers le nord sur une quinzaine de kilomètres, puis, au carrefour de Mbare, prendre à gauche. En effet, nous y sommes en ¼ d'heure et commençons la piste vers le sud ouest. Nous sentons immédiatement que nous pénètrons dans le Burkina profond. Les villages de cases sont tellement jolis qu'on jurerait qu'ils ont été mis là uniquement pour notre ravissement. Les pailles sont fraîches sur les toits, la terre ocre unie créant un léger contraste et une harmonie parfaite avec l'environnement. La terre est partout recouverte d'une herbe tendre qui fait le régal des bêtes. Toutes les créatures semblent en bonne santé. La piste est belle, de telle sorte que parfois, nous poussons la voiture à près de 100 km, soulevant un nuage de poussière tourbillonnante. Nous ralentissons lorsque nous sommes sur le point de croiser un pièton ou un cycliste, car notre nuage est alors moins dense et s'élève moins haut, permettant à ceux qui nous croisent de ne pas trop « manger la poussière ». Nous approchons du barrage qui dispense son eau miraculeuse alentour, et traversons toute une région de rizières ou un grand nombre s'affaire. Nous voilà à Zéko où il nous faut bifurquer vers Tiébélé. Nous sommes proches et arrivons enfin vers 13h. Quelle joie de regarder vivre ce village rural de bonne taille en sirotant une Sobe.Bra bien fraîche. Un petit en haillon, qui chevauche un vélo d'adulte, disproportionné, vient derrière la barrière de la terrasse où nous nous trouvons, afin de nous faire l'article sur son équipe de foot. Il est très beau et s'exprime bien, dans un français pauvre mais très correct. Il me convainc d'acheter un ballon pour son équipe. Je le suis dans le marché et nous trouvons son bonheur. 1250 cfa, pour un ballon de bonne facture, en caoutchouc épais, qui semble merveilleux à ses yeux. Je l'achète et retourne trouver Vanessa au bar ou nous faisons un petit protocole d'encouragement et de remise du ballon. Il s'en va fièrement, tenant son ballon d'une main, le guidon de l'autre, zigzagant en cherchant à prendre un peu de vitesse pour stabiliser son équipage.

Arrive alors un autre enfant du même âge qui fera la même requête. Lorsque je lui dit que nous venons de gratifier un de ses amis d'un ballon, il me dit « Mais monsieur, nous sommes de jeunes garçons très polis, travailleurs, et aimés de tous ! » « Notre équipe de foot s'appelle Renaissance! » Que répondre ? Vanessa à son tour, ira le réjouir d'un ballon identique. Nous prendrons une photo de ce petit monde souriant avant de rejoindre le guide qui nous a accosté à notre arrivée pour nous proposer d'aller visiter avec lui les maisons que nous sommes venus voir.

Nous faisons alors la visite de la Cour Royale des Kassan. Vanessa trouve tout cela un peu surfait, mais je me réjouis à écouter le guide nous raconter toutes les traditions Kassan dans un vocabulaire très fleuri : il est question des notables, qu'il faut saluer, du tas d'immondices, où sont enterrés les placentas , et où ont lieu certains sacrifices, du charlatan, qui est consulté pour les questions d'ordre mystique, etc etc... Je publierai au retour des pages du petit fascicule acheté à la sortie afin de vous permettre de comprendre les nombreuses photos réalisées dans cet enclos unique.

La sortie de la cour Royale est distincte de l'entrée en ce qu'elle donne directement dans le marché artisanal que les marchands locaux se sont empressés d'installer à l'annonce de notre présence dans les lieux. En ½ heure, ils ont présenté leur marchandise afin que nous puissions repartir avec des souvenirs. Mais les finances pour l'heure sont amaigries, et nous n'avions pas l'intention de nous délester de grand-chose. C'est un moment pénible lorsqu'il faut décliner toutes les offres, se justifier, tout en s'extrayant de la foule des nombreux hommes qui, s'exprimant tous ensemble, créent une cacophonie qui vous épuise très vite. Nous parvenons à regagner la voiture et à quitter l'endroit, un peu déçus par cette horde avide. Il y a tellement peu de touristes à cette période que nous sommes affreusement sollicités.

A tiébélé, nous sommes très proches de la réserve ranch de Nazinga, où se trouvent maintenant les éléphants, et l'envie me taraude d'aller y poser mes roues pour essayer ne serait-ce que d'aperçevoir les fameux pachydermes. Mais Vanessa tient maintenant à rentrer à Ouaga, où elle voudrait pouvoir se délasser un peu avant d'entreprendre un long voyage de 18h, via Casablanca, Paris. Trois décollages, beaucoup d'attente à Paris... je la comprends et je mets les gaz. La piste nous conduit à Pô, où nous tournons à droite direction Ouaga. La route est belle alors, mais elle aussi nous offrira d'innombrables déviations qu'il faut prendre au ralenti, tant les ralentisseurs sont violents. Ainsi, nous arrivons dans Ouaga, qui croule sous une chaleur accablante, autour de 16h. De là, il faut trouver le Pavillon Vert. La confusion et la chaleur aidant, je ne suis pas bien sûr d'où je me trouve et dois demander deux ou trois fois mon chemin. Vanessa transpire et s'impatiente, je la comprends, mais nous sommes en Afrique, l'impatience est toujours malséante. Cette fois je ne laisse pas passer et m'énerve un peu. Cela dure à peine le temps d'une petite volée de bois vert, mais c'est salutaire et comme nous sommes maintenant en terrain connu, le calme revient aussitôt. Nous y sommes !

A peine posés, nous saluons une jeune femme anglophone qui prend elle aussi sa chambre. Quelques instants plus tard, elle semble à la peine, dans une âpre négociation avec un taxi. Vanessa l'assiste et je m'en mêle. Le taxi est congédié. Elle voulait aller à la gare routière pour s'enquérir des tickets pour Bobo Dioulasso. Il demandait 3.000, soit juste 10 fois le prix normal. En France, 4 euros 50 pour deux trajets, ça n'existe même pas en rêve... mais à Ouaga, la course, c'est 200 par personne, soit 30 cts d'euros. Il ne faut pas pousser !

Je lui dis que je pars demain matin pour Bobo et que ce serait un plaisir de l'avoir comme passagère. Elle est ravie à l'idée de faire ce trajet dans une voiture confortable plutôt que dans un bus certes climatisé, mais où les gens s'entassent sans limite. Rendez-vous est donc pris pour le lendemain autour de 8h30. La nuit va être courte car Vanessa décolle vers 4h du matin... mais la soirée promet d'être longue ! Nous déambulons un peu dans le marché contigü à la recherche d'aloco, que Vanessa veut ramener à une copine camerounaise. Bananes plantain que l'on peut cuire ou frire.

Petit passage à l'hôtel où Manu nous attend. Retrouvailles. Mais nous voulons absolument donner des nouvelles aux amis et à la famille. Envoyer des mails. Mettre à jour le blog. Nous faisons tout cela du jardin de l'hôtel où nous pouvons apprécier une vraie connexion WI-FI comme on les aime. Notre estomac réclame alors son dû. Nous allons aux Pyramides, sur le chemin du centre-ville, où nous aimerions bien ensuite assister à une soirée cabaret endiablée, au son du balafon.

Vanessa n'a pas encore pu goûter un vrai Maffé, boeuf à la sauce arachide. Les pyramides ne proposent ce soir que du poulet avec le riz. Manu propose d'aller chercher de la sauce arachide un peu plus loin. Nous nous mettons d'accord avec le patron et lui commandons deux riz/poulet sauce à part. Elle sera pour Manu. Il revient avec la tant désirée sauce arachide qui s'avère exquise et fait le bonheur de Vanessa.

Nous quittons alors pour trouver une soirée digne de l'émotion d'un départ. C'est le Makata qui nous accueille. Dance floor dément au centre d'une cour, son énorme, foule dense, filles splendides, ventilateurs.... impeccable. Nous passons donc nos dernières heures ouagalaises ici, à danser, parler, partageant de vraies émotions, des histoires de vie incroyables, dansant encore. Vers 1h, il est temps de s'enquérir d'un taxi qui passera à l'hôtel pour prendre les bagages, nous conduira à l'aéroport, attendra le départ de Vanessa et nous ramènera ensuite à l'hôtel. Manu s'en occupe et en cinq minutes, la voiture est réquisitionnée. C'est une véritable épave, dans le sens où elle s'agite de tremblements inénarrables au passage en première. Après ça va mieux, surtout si on ne dépasse pas les trente à l'heure. Nous cahotons donc ainsi jusqu'à l'hôtel, puis jusqu'à l'aéroport. Vanessa enregistre et ressort. Nous papotons, incrédules devant l'imminence de la séparation. Les larmes montent. Nous réalisons à quel point ici, on se sent vivant, à chaque instant. Nous ne sommes ni dans les projets, ni dans les considérations intellectuelles, pas plus dans les hypothèses, seulement dans l'instant présent, toujours d'une intensité remarquable. Et si l'on sait ce qu'on va trouver en Europe, on ne peut s'empêcher de penser que c'est dérisoire comparé à cette intensité.

Vanessa aura été une compagne de voyage idéale, de celles qu'on a toujours envie de réjouir tant elle se fond dans les situations, s'émerveille de tout, se montre curieuse et enthousiaste. J'ai ressenti un vrai bonheur à lui faire partager mes trouvailles, l'ambiance dans ma famille, mes bonnes adresses, mes souvenirs de cet hiver. C'est à elle de le dire, mais je pense avoir fait le maximum pour que sa première expérience africaine soit ancrée dans sa mémoire pour la vie. C'est aussi un vrai cadeau qu'elle m'a fait de me témoigner une telle confiance pour découvrir l'Afrique, ce continent affublé de tant de tares dans l'esprit occidental, ce continent aux mille dangers, sanitaires et autres. Pour cela je lui suis infiniment reconnaissant. J'ai la sensation qu'elle a pris le virus. Que son envie de venir en aide directement à ceux qui l'ont touchée dans l'âme est viscéralement ancrée, et qu'elle reviendra fouler la poussière de l'ouest africain. Embrassades, dernières photos. Le taxi nous aura attendu près d'une heure. Nous lui demandons de nous reconduire au Makata, car il n'est pas question de rentrer dormir comme si de rien n'était. Je veux danser encore, boire quelques mousses bien fraîches dans la touffeur de la nuit. Guetter l'avion qui décolle... oui ! Lui envoyer à ce moment une dédicace sur ce morceau qui passait juste avant que nous quittions tout-à l'heure : « Il est vraiment... Il est vraiment... Il est vraiment phé-no-mé-nal ! Il mériterait... Il mériterait... Il mériterait d'êt' dans l'journal ! Dans le journal... Dans le journal... Dans le journal de Claire Chazal ! » Mdr ! Comme on dit. Et ambiance, surtout.

Nous chantions cela à tue-tête en frappant dans les mains, alors que le taxi nous menait à l'aéroport. « Spéciale dédicace à Vanessa. Elle était avec nous il y a seulement deux heures, et maintenant elle s'envole pour la France. Merci pour tout et bon voyage !!! »

Mais le DJ casse le fun ! Il a du voir la Vierge au réveil et me demande 2.000 cfa et deux guiness pour accéder à ma demande. Il est 4h moins vingt ! Je guette désespérément l'avion. Rien. A 4h, toujours rien ! Nous finissons par rentrer d'un pas lent, un peu déçus,  par les allées boueuses, regardant bien où l'on met les pieds. Et tout-à-coup, levant les yeux, Manu me dis « Regarde! » Nous voyons au loin le clignotement du 737 qui après avoir décollé, fait son grand virage pour prendre le cap nord-ouest. C'est elle ! Ciao Bella. ;(

Évidemment la nuit est courte, comme prévu. Il faut toujours que je m'engage au delà de mes capacités. Si j'ai jamais eu besoin de dormir, c'est maintenant !

Mais à 8h, un belge au téléphone, d'une voie forte, fait des allers-venues dans le passage, le long des chambres, et me sort d'un lourd sommeil. C'est raisonnable. Je me lève, et trouve aussitôt au jardin ma petite australienne prête pour le départ. Mon anglais est encore plus mal réveillé que moi, et j'ai un mal fou à trouver mes mots. C'est pénible. Enfin elle comprend que nous partirons plutôt vers 10h et n'y voit pas d'inconvénient. Chic.

Avec Manu comme copilote, je sais qu'il sera facile de trouver la sortie de la ville dans la bonne direction. Nous nous retrouvons assez vite juste derrière l'autocar pour Bobo. Nous ne sommes donc pas en retard, Nicole ! Certes non. Et tout va bien à bord. La musique donne, bien que les hauts parleurs aient tendance à grésiller. Il faut que je change ça !

Les paysages défilent. Allure super-pullman. 100km/h. Manu prend le bongo et marque le rythme sur la musique. Je sors le maracas et nous mettons l'ambiance. Notre vaisseau déchire l'ouest. Il y a 330 km. Nicole à l'arrière, ne se départit pas d'un sourire de contentement permanent. J'aime sentir la joie chez mes passagers... Nous parlons peu, tant la route est belle. Je vole quelques photos par la fenêtre ouverte, tout en roulant. Je ne me lasse pas du contraste entre le rouge de la terre, et le vert de la végétation réjouie par les récentes pluies.

Bobo, déjà ! Nous trouvons aussitôt l'hôtel campement « le Pacha », tenu par Gibus, un suisse à la fois chaleureux et taciturne. Nicole prend une chambre climatisée, nous nous contenterons d'une ventilée. Tous me reconnaissent. Me demandent des nouvelles des enfants, du chien (!)

En arrivant, Manu a reconnu un pote, Idrissa. Il sait ce qui se passe ce soir à Bobo et nous recommande d'aller dîner au Jardin, où aura lieu un bon concert.

En attendant le soir, nous allons dans la vieille ville, boire le Dolo, cette fameuse bière de mil qui peut être si délicieuse. Les calebasses sont amenées. Nous versons quelques gouttes sur le sol, pour les ancètres et buvons goulûment. La bière est fabriquée sous nos yeux. Elle est enchanteresse!

Une vieille dame sourd-muette requiert une petite pièce et se montre intarissable, de ses yeux vifs et gais. Idrissa traduit. Nous rions avec elle.

Retour au Pacha pour se préparer pour la soirée au Jardin. Je suis d'excellente humeur. Après une douche salvatrice, j'enfile mon habit traditionnel offert à Noël par ma soeur Maï et me parfume délicatement. Chicos le No' ! Ca change des fringues de baroudeur. Je retrouve Nicole, toute belle également, et Manu et Idrissa. Direction le Jardin.

Nous y passons la soirée. La musique est excellente. Le ngoni enchanteur, le chanteur envoûtant, les guitares parfaites, et le batteur envoie... J'enregistre tout!

Des éclairs semblent approcher. Le vent se lève. Nous finissons seulement notre plat. La pluie s'annonce. La musique continue, mais on sent que bientôt, ce sera le mouvement de panique générale. Le courant est brutalement coupé. Nous sommes dans le noir et avons juste le temps de régler l'addition que des bourrasques violentes nous mettent dehors manu militari. Direction le Pacha, où nous déposons Nicole, enchantée de ce moment passé en notre compagnie. Elle est géobiologiste et procède à l'étude de prélèvements pour localiser les gisement d'or. Elle travaille pour le compte d'une grande industrie minière établie au Mali. Elle rend visite à un ami qui travaille au Ghana. Sa compagnie paye tous les déplacements en avion pour ses vacances... Une situation... en or !

Nous ressortons en ville, dans un dancing du même type que le Makata de Ouaga, mais de taille plus modeste. Malgré tout, l'ambiance est là. La pluie se déchaîne alors, et chaque tôle ondulée déverse ses rubans d'eau qui éclaboussent au sol, nous obligeant à un repli stratégique au plus près du fond. Cela n'entame en rien l'enthousiasme des danseurs, ni la transe qui possède toute la foule des noctambules rassemblée ici. Cependant, nous rentrons, à la faveur d'une accalmie.

Le lendemain, épuisante journée d'achats; Les bronzes sont tous magnifiques, et il est difficile de résister à la tentation. Certains sont neufs, d'autres anciens, difficile de faire la part des choses entre l'authentique, le vieilli, le vieux, le neuf. J'apprends à faire la différence. Je rachète un petit balafon en aluminium, identique à celui que je n'ai pu récupérer à Ouaga et rencontre peu après dans la rue un luthier de bonne réputation qui me propose de me fabriquer un Ngoni à huit cordes pour 18.000 cfa, en sus du matériel nécessaire. Le tout me coûtera 50.000 soit 80 euros, avec de vraies clefs de guitare et un son magique à la clef...

Le lendemain le temps est maussade. Rendez-vous a été pris vers 8h. Hamidou est là, et le ngoni est bel et bien en route, mais long d'être terminé. « Le soleil a fait défaut ! » la peau n'a pas pu sècher correctement, et il n'est pas possible de poursuivre en l'état. Il nous propose de terminer par nous-mêmes, si nous ne pouvons pas prolonger notre séjour ici. J'avais prévu de quitter Bobo aujourd'hui, mais il est évident que ne connaissant pas les secrets de cette lutherie particulière, je me dois d'attendre que le travail soit parfaitement achevé. Nous prenons rendez-vous pour le lendemain matin.

La journée se passera à visiter la mosquée réputé de Bobo, le quartier des forgerons, des animistes, des griots. Un atelier de bronze et sa fonderie. Nous passerons aussi un long moment à écouter une répétition en plein air de 5 musiciens, dont un Djembé Fola complètement fou. Enuite, invités à entrer, je me saisis d'un Ngoni basse. Pape Son prend une kora et nous commençons à improviser. Je m'en sors remarquablement bien pour une première et nous jouons ainsi pendant plus d'une heure. Ils me mettent au défi, me montrent des rythmes que je reprends, me permettant des breaks et des variantes qui les laissent muets d'admiration. Sur certains passages chauds-chauds, je tremble de tout mon corps, de vraies pulsions de transe s'emparent de moi de la tête aux pieds, mais je garde le rythme. Mes doigts glissent parfois un peu sur les cordes, j'essaye de rester détendu, je tiens le tempo. Nous réécouterons tout-cela juste après, dans la voiture. Tout le monde est rassemblé autour des portières ouvertes. Les au-revoirs à nouveau. Promettant que si demain nous devions attendre encore que le Ngoni commandé soit fin prêt, nous reviendrions jouer encore.

Le soir, nous cherchons un bon concert et arrivons dans un petit maquis ou trois musiciens règlent leur son. Le batteur est approximatif et je demande s'il est possible de jouer. Il me tend les baguettes et me voilà parti pour un boeuf de 10 minutes. C'est propre ! Nous nous régalons d'un riz gras commandé à côté, et de quelques brochettes de boeuf.

10h15, nous sommes au rendez-vous. Hamidou est là. Assis près d'un arbre. Il commence les finitions de l'instrument, cire le manche, pose les cordes, fixe le chevalet. Je regarde ses mains exécuter rapidement tous ces noeuds. Nous achetons un énorme avocat que nous partageons sur le pouce. C'est fini ! Il reste à accorder, accorder encore et encore pour que l'instrument monte en tension et révèle tout son potentiel. Cela se fait sur le chemin du petit restau « Chez Ibrahim », où les plats sont succulents, bien présentés, servis sur des tables avec nappes et sets de table. 300Cfa le plat, soit ½ euro !! Et vous ne finissez pas l'assiette, même si c'est succulent.

Ca y-est ! L'instrument sonne. Je règle le complément. Il me faut recevoir de l'argent par WESTERN UNION, car je me suis montré dépensier à Bobo. Je n'ai pu résister à la tentation de faire l'acquisition d'un balafon tout neuf et remarquablement accordé. Il faut dire qu'en cette saison où les touristes font défaut, les prix du marché s'effondrent. J'emmène l'instrument pour 70.000. Ils me concoctent un emballage à toute épreuve. Papier journal, carton serré, sac  nylon coupé cousu serré tout autour. Un travail de pro.

J'ai également changé les enceintes dans la voiture. Je vais pouvoir écouter mes enregistrements dans de bonnes conditions.

C'est parti ! Plutôt que de rejoindre le Mali par Sikasso, route que je connais pour l'avoir empruntée avec les enfants au mois de février, je décide de prendre la route nord-ouest. Nous devrions nous approcher suffisamment de la frontière pour commencer la journée de demain par les formalités. La tente n'a pas été déployée depuis de longs mois et je me dis qu'il serait à la fois économique et rationnel de bivouaquer. Pour cela, Manu confirme les dires de nombreux baroudeurs croisés sur le chemin. Il vaut mieux se concilier les bonnes grâces d'un chef de village et solliciter l'hospitalité, afin que nous soyons protégés d'éventuels « brigands ». Il en reste. Lorsqu'ayant bien avancé, nous voyons le jour commencer à décliner, nous stoppons en bord de route alors que nous traversons un village de taille modeste, d'une trentaine de maisons à peu près. Les vieux notables sont tous là, sous une paillote, à regarder passer les véhicules. Notre arrêt suscite l'intérêt général. Nous avisons un vendeur de kola et lui achetons pour 500 cfa que nous offrons au vieux après avoir salué tout le monde. Chacun y va de son regard de gratitude, l'accompagnant de gestes chaleureux et de sourires appuyés. C'est en voulant offrir de l'eau fraîche, denrée rare s'il en est dans ces contrées, et toujours largement appréciée, que je réalise que je me suis enfermé à l'extérieur de la voiture et que les deux clefs sont à l'intérieur. Gloups ! Me revient en mémoire cette mésaventure arrivée peu avant le grand départ, au mois d'octobre dernier, lorsque me pointant à une soirée en banlieue parisienne, j'avais commis le même impair. L'assistance avait joué, le technicien était venu assez vite au milieu de la nuit et avait bagarré une bonne demi-heure à l'aide de coussins gonflables et de coins en caoutchouc, pour commencer par écarter le coin de la portière. Ensuite il avait introduit une tige d'environ 5 mm de diamètre. La coudant et la recoudant, il était parvenu à toucher le loquet sans pour autant réussir à le tirer. Le plastique est très dur et très lisse. Quasi impossible à crocheter. Lorsqu'il était allé à son véhicule pour se munir d'autres outils, j'avais sais l'occasion pour essayer à mon tour, et avait moi-même, à son grand dépit, obtenu le succès tant escompté. Inutile de vous dire que cette expérience venait de prendre tout son sens.

Je ne trouverai jamais ici les coins et le coussin gonflable. La tige peut-être. Je me dirige donc de l'autre côté de la route vers le seul atelier visible : on y répare les vélos. Je m'enquiers d'une tige auprès du mécano qui en un instant, après avoir regardé dans son gourbi, exhibe un arceau, de ceux dont on se sert pour maintenir le garde boue arrière en position. Une sorte d'arc en métal chromé. Il lui rend sa rectitude par quelques habiles coups de masse sur une culasse de camion reconvertie en enclume et me la tend. Je pratique un petit coude à angle droit à l'extrémité, d'environ 3cm, et entaille, à 1mm du bout, à l'aide d'une lame de scie à métaux. Je mate ensuite ma petite dent vers l'extérieur et l'aiguise d'un ou deux coups de lime, afin que cette fois, les chances de crocheter le loquet soient maximales. Pour faire levier, à défaut de coins et de coussins gonflables, j'emprunte à un agriculteur qui tape une petite discute après le travail, sa petite houe, dont la lame courbée au bord bien droit m'inspire la plus grande confiance. Le manche fera un excellent levier...

Muni de mes outils improvisés, je me dirige d'un pas confiant vers la voiture, suivi par quelques hommes intrigués, qui n'ont pas encore compris la nature du problème.

Et me voilà en train de montrer à tout le village comment braquer un 4x4 Toyota. J'engage le bord droit de la lame de la houe au milieu du bord supérieur de la portière, exerce mon levier, demande à Manu de maintenir en position levée. Ca fonctionne ! Je peux facilement engager ma tige par le coin supérieur gauche et peu à peu, en tordant légèrement ma tige que je ressors cinq ou six fois, je place mon crochet contondant à l'endroit stratégique, entre la vitre et le loquet. Il ne reste plus qu'à tordre l'extrémité de la tige qui dépasse de façon à former une poignée style manivelle. Je tourne alors avec force tout en exerçant une traction lente et ferme vers le haut... Bingo ! Du premier coup s'il vous plait. La portière s'ouvre. Il était temps, le soleil s'apprête à nous abandonner pour la nuit.

Victorieux, nous repartons contourner le village pour nous diriger vers des collines boisées qu'ils appellent tous ici « montagne ». Je suis la sente du bétail. Nous nous retrouvons bien vite au pied de cette colline d'une cinquantaine de mètres de haut, en quête d'un endroit propice. Je fais un grand tour pour examiner les environs à la lumière des phares. Il ne va pas falloir être trop difficile. C'est alors qu'un homme à vélo se dirige vers nous. Je m'arrête, le salue et lui dit aussitôt que nous le cherchions. Je lui explique notre cas et il nous invite à le suivre. Nous arrivons aussitôt près de sa maison, un petit hameau de cases bien entretenu. C'est un musulman. Sa femme ne nous regardera même pas. En revanche, les hommes présents se montrent ravis et honorés de cette singulière visite. Je rencontre encore un franc succès avec mon eau glacée. Quel luxe, ce frigo ! Je distribue un Fanta, un Coca... succès général !

Le père nous indique dans sa cour un endroit pour nous installer. Il me guide dans la lueur des phares. Je positionne la voiture face à sa cour, de sorte qu'installés à l'arrière, nous préservons chacun notre intimité. Je déploie rapidement la tente. La nuit est là. Je sors deux boîtes de cassoulet avec quelques scrupules. Manger du porc chez un musulman !!! Mais je n'ai que cela. Nous avons rempli la bouteille de gaz en quittant Bobo. Ca mijote quelques minutes et nous nous régalons, à la lumière d'une bougie. J'ai sorti la table basse et les tabourets, mais le fils nous apporte deux fauteuils confortables, ainsi qu'un banc sur lequel il s'allonge. Il passera la nuit là, à veiller sur nous. Le père apporte une dizaine d'œufs de pintade au jaune fortement orangé. Nous nous en régalerons au matin. Pour l'heure, je sors le Ngoni et quelques petites percus. La famille s'approche et s'installe sur le banc. Ils nous écouterons improviser près d'une heure, avant que la bougie n'agonise et nous force au repos. Le jeune fils, allongé sur son banc, dort déjà. Manu s'installe à ses côtés, à même le sol, sur une natte, avec un simple coussin comme oreiller. Il ne devrait pas pleuvoir.

Réveil à 6 heures, oeufs au plat succulents. Rangement, photo avec toute la famille, femme y compris. Au revoir chaleureux. Nous suivrons à nouveau la sente du bétail en ligne droite jusqu'au goudron. La nature s'éveille tendrement, les couleurs sont douces. A nous deux la frontière !

Nous y sommes accueillis par un thé, servi à la portière. Le policier, assis à l'ombre, dehors, avec une petite table, me délivre rapidement mon visa. Douane, gendarmerie, nous quittons le Burkina. Les postes sont espacés d'un ou deux kilomètres à chaque fois. Voilà la douane malienne. Je dois encore me perdre en explications sur ma carte grise. Développer mon petit speech sur le changement de numérotation intervenu en France. Justifier. Ca passe ! C'est en ressortant du bureau que je suis interpellé par un douanier en treillis qui me demande d'ouvrir la voiture. J'ai entassé à la va vite sur la banquette arrière les dernières babioles achetées à Bobo. Un sac contenant de belles pièces en bronze, une chaise lobi, quelques antiquités du même ordre. Il y a le Ngoni et le Balafon bien emballé sur la plage arrière. Il me dit que c'est de l'art et commence son intimidation. Il me saoule avec son ONG, ses grands projets, essayant de m'impliquer. Il me demande ce que j'aurais pour lui sans me déranger. Je n'ai pas d'idée. Le voyant insistant et prêt à me faire perdre beaucoup de temps, je me décide à ouvrir la caisse à portée de main dans le coffre, qui contient de l'outillage. J'y ai aussi rangé l'ancien autoradio. Je me décide aussitôt à lui donner, espérant que ce geste sera libérateur. Il veut alors échanger ma voiture contre un 4Runner Toyota plus récent. Pénible. Il insiste alors que je remplace le fusible grillé et repositionne le cache. Je lui tend l'autoradio en lui demandant combien il me donne pour ça. « Rien » me répond-il. Bon ! Il a gagné sa journée l'animal ! Vamonos !

Ca y est, nous sommes au Mali. Nous laissons dernière nous le poste frontière de Sana. Sensation d'avancer vers le nord-ouest. Musique à fond. Pied dedans. Il s'agit de bien progresser. Notre route passe donc par Koutiala, Ségou, puis nous redescendrons sud ouest vers Bamako, en passant par Fana. J'avise sur la carte une coupe qui pourrait bien s'avérer très intéressante en terme de kilomètres et de temps. A Mpessoba, plein ouest, une piste nous conduit à Falo, puis, après un petit passage en bac, nous serons à Sanando et rejoindrons notre route à Konobougou. Je me renseigne auprès d'un chauffeur de transport collectif qui me confirme le bon état de la piste et le bac. Banco !

Un vrai bonheur. La piste est excellente, hormis quelques passages avec des fondrières qu'il faut passer au ralenti ou contourner à petite vitesse. Sinon, nous nous autorisons des pointes à 70, 80, quelquefois 90, ce qui paraît assez inconscient sur des voies qui n'offrent aucune garantie et peuvent vous servir des pièges bien corsés à tout moment. Je m'aperçois notamment que lorsque des langues de couleur blanche se mêlent à l'ocre rouge de la latérite, le passage promet d'être cassant. Il s'agit vraisemblablement d'argile tassée très dure. Aussi, lorsque je roule vite, mes yeux guettent ces variations de couleurs le plus loin possible. Il faut vraiment tout scanner finement. Des bêtes traversent régulièrement. J'observe que leur hésitation est proportionnelle au manque d'assurance du pilote. Si je regarde devant elle alors qu'elle est au milieu, elle va reculer. Si je regarde derrière, elle avance. C'est un jeu prenant. Mais ça marche à tous les coups.

Nous arrivons donc après environ 70 kilomètres à bonne allure, au fleuve. La coupe fonctionne à merveille. Le village est posé en contrehaut du fleuve. En bas, des bus 24 places ont laissé s'éparpiller leurs passagers. Manifestement quelque-chose cloche. Le bac est là, le long de la berge, et non perpendiculairement. Des hommes sont dans l'eau, essayant de le repousser en arrière. On nous dit qu'il y a une avarie, qu'il n'est plus manœuvrant. Il remonte pourtant le fleuve sur 200 m. On nous dit non, puis oui, puis non, puis oui, que nous allons pouvoir monter à bord. Ils nous font signe d'arriver. Je dois franchir deux bancs de sable et deux bras du fleuve peu larges mais d'une bonne cinquantaine de cm. J'engage le 4x4, m'aligne face aux rampes, avance et monte à bord. C'est raide, mais ça passe sans problème. Nous nous voyons déjà sortis d'affaire. Je suis ravi. Ils coupent le moteur. Inquiétude. Puis ils m'expliquent que décidément non, nous ne passerons pas. Il n'y a que cinquante mètres d'eau profonde à franchir. J'insiste, propose un meilleur prix. Non ! Il faut redescendre à contrecoeur. Marche arrière. Rebelote. Je me retrouve sur la rive et envisage une traversée avec la voiture. Manu enfile un maillot de bain et s'enfonce dans l'eau pour sonder la profondeur. S'il n'en a jamais plus haut que les épaules, je tenterai le coup, quitte à bousiller les enceintes et à tremper l'intérieur. J'espère que les joints de porte, prévus à cet effet, sont encore vaillants. Je n'ai pas le cœur léger en voyant Manu s'enfoncer dans l'eau et franchir le fleuve. Je pèse le pour et le contre. Le courant n'est pas trop fort, mais c'est quand-même bien profond. Je ne le sens pas. Les hommes avertis ont été prévenir le chef du village. C'est un homme charmant, aux yeux malicieux et au visage presque enfantin, malgré un âge déjà respectable. Il semble d'une extrème bienveillance. Il me dit avec d'infinies précautions, cherchant à ne pas me contrarier, que je dois renoncer, et qu'il ne me laissera pas risquer le passage. J'acquiesce, quelque peu rassuré de ne pas avoir à tenter l'impossible.

Maintenant, nous devons rebrousser chemin mais pas jusqu'au point de départ. Nous tournerons à gauche à mi-chemin, direction Bla ! 85km.

Il est 16h passé en arrivant à Bla, et nous n'avons toujours rien dans le ventre depuis nos oeufs du matin. Nous nous régalons de boeuf grillé, avec oignons et piment, dans une rotisserie accueillante. La dose ! C'est reparti. Nous dormirons donc à Ségou. Nous y arrivons à la nuit tombée et l'hôtel convoité s'avère d'une classe rare. Le Djoliba, ancien hôpital reconverti en hôtellerie par un allemand. Très belle déco. Restau climatisé ventilé. Bar design. Très chic, mais très cher. 22000 la chambre. Ici, ça paraît cher. Des gars nous ont accosté alors que je coupais le contact. Nous proposant d'aller dans leur auberge. Nous suivons donc la moto qui nous éloigne du centre-ville. Je râle un peu mais suis fatigué et peu combatif. Nous quittons la route après 5 ou 6 minutes et traversons un quartier, gauche droite gauche droite gauche. Plus de lumières du tout. Serait-ce un traquenard ? Non pas du tout. L'auberge est très clean, accueillante, les chambres jolies, les sanitaires aussi. Dans le jardin une paillotte avec télé pour la coupe du Monde de foot. Ambiance tranquille, nous sommes les seuls clients.

Je suis un peu patraque côté estomac, aussi n'ai-je pas faim, ni l'envie de ressortir. Nous  sommes très bien ici. Bonne nuit !

Un peu mal foutu au réveil. Un curieux mal au ventre qui vous précipite de temps en temps aux toilettes, mais vous laisse sur votre faim tant rien ne se passe..! Typique.

Juste un café donc, sur la terrasse. Le ciel est couvert, menaçant mais assez clair. Un vent se met à tourbillonner. La poussière envahit tout l'espace et recouvre les vêtements, la nappe, tout se teinte d'ocre, les arbres  ploient en tous sens. La pluie, timide, arrive, mais ne dure pas. Déception générale. Un jeune de l'hôtel s'est employé à nettoyer la voiture minutieusement, avec mousse et tout et tout. Il y passe une bonne heure. Brossant le flanc des pneux, l'intérieur des ailes... Tout! C'est nickel comme rarement.

Nous partons, toujours émus de quitter des connaissances d'un seul jour. C'est curieux ce sentiment d'appartenance à une même famille. Sentiment inconnu sur le Vieux Continent.

Plein pot direction Bamako. Deux cents et quelques kilomètres que nous avalons rapidement. Je souhaite passer au campement Kangaba, tenu par un ami de Laure, mon amie de Coupvray. Nous avions raté l'occasion la dernière fois. Pas question de rater ce spot ! J'ai regardé sur internet. Ca a l'air super classe, avec tennis, piscine, escalade, randonnées à cheval, excursions, tout ça en pleine nature, au pied de curieux pitons rocheux marron-rouge. Nous trouvons l'accès, 6 km de piste affreuse, à travers un village d'une grande pauvreté. Des flaques immenses, des filons rocheux, c'est très cahotique, tout en deuxième. Nous y sommes. Le parking, immense, avec paillottes pour les voitures, est désespérément vide. Nous nous dirigeons vers le restaurant. Les gars sont devant la télé, il y a match. Un bref coup d'oeil à la carte des plats, car l'appétit est revenu... je suis estomaqué ! Des prix dignes d'Honfleur ! 5000 cfa le moindre plat ! Tant qu'à faire, je commande une planche de charcuterie et sa salade avec un verre de vin rouge. Manu en a l'appétit coupé et ne veut rien. Deux tranches de rosettes, deux tranchules de jambon cru, une petite tranche de jambon cuit en chiffonnade et beaucoup de bois apparent. Pas de salade verte, ce sera concombre tomate poivron... ce n'est pas ça qui va améliorer mon transit. Je commande une bière pour Manu. 9800 cfa !!! Gloups. Nous ne restons pas dormir. Ca non ! Retour sur la route, à nous Bamako. En 20 minutes nous y sommes. J'essaye de ne pas réfléchir à l'itinéraire, de laisser remonter des souvenirs et de guetter des immeubles connus, notamment l'hôtel Lybia de Khadafi, qui fait face au quartier de Badalabougou où je désire retourner, à l'augerge Jatiguiya, qui nous avait accueillis cet hiver.

Je confonds un peu mais finis par me repérer, de sorte que pensant devoir traverser le fleuve Niger, je quitte la bonne rive. Ayant emprunté le pont du Roi Fahd, je me dirige vers le pont des martyrs, que j'emprunte. Je me retrouve alors au carrefour du crocodile, hop à droite, deuxième à gauche, première à gauche... nous y sommes ! No est content de lui ! C'est vrai quoi ! A la fin !

13 juin 2010

Quitter Kpalimé... et remonter vers le nord.

Dans la logique du voyageur qui fait étape ou s'apprête simplement à parcourir une longue étape, il est de bon ton de « quitter » tôt !

Aussi le timing prévoit un départ à 8h00. Nous avons renoncé à passer par le Ghana et avons opté pour l'option « profitage maximum » à Kpalimé. Nous sommes le 9 au matin et l'avion de Vanessa part aux premières heures du 12, soit le 11 au soir, pour être clair. Trois jours pour remonter un petit millier de kilomètres, ça paraît raisonnable au vu de l'état des routes et du trafic. Ça permet de faire quelques petits détours bucoliques. Nous avons l'intention de quitter la route principale deux fois. La première après Kara, à Tchitchao, pour éviter la passe montagneuse que les camions gravissent en première lente. Tronçon dangereux s'il en est, surtout après la passe d'Aledjo qui vient de mettre à rude épreuve les moteurs, les boîtes de vitesse et les freins. Ce petit crochet à l'ouest devrait nous plonger au cœur du pays Kabyé, avec à la clef des sensations bien roots.

La seconde fois, ce sera au Burkina. Après Bittou, nous prendrons à nouveau à gauche en direction de Tiebele, ce village entièrement décoré de peintures ocres, blanches, noires et rouges, que les femmes maintiennent dans leur éclat avec paraît-il des plumes d'oie.

Comme ce village est lui-même à proximité de la réserve « Ranch » de Nazinga, nous avons bon espoir, si trop d'obstacles ne nous ont pas ralenti démesurément, de croiser quelques grands mammifères, dont des éléphants. Je sais que c'est quasiment tout ce qui peut manquer au « tableau de chasse africain » de Vanessa.

Le temps s'arrête tellement à Kpalimé, que malgré des journées bien remplies, je n'ai pas véritablement eu le loisir de me pencher avec attention sur le contenu des malles laissées depuis fin février. C'est donc au petit matin qu'à peine avalé mon café, j'étale tout ce matériel sur le rocher près du puits. Vanessa en profite pour retourner à l'école avec les enfants et se promener avec Essivi.

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A neuf heures, le chargement est quasi terminé. Je trouve un lambeau de chambre à air pour refaire l'étanchéité du réservoir d'eau que je fixe sur le toit. Tout retrouve à l'intérieur sa place unique et naturelle. Les livres du CNED vont faire des heureux, je les laisse à Evariste pour ce qui est du CE1. Le programme de 5è d'Hazielle trouvera vite preneur.

Les filles reviennent. Je sens Vanessa émue à l'idée du départ et suis ravi qu'elle ne « quitte » pas « en courant ». Comme je la sens donc pas si pressée, et que je n'avais pas de monnaie hier au marché pour acheter les quelques souvenirs qui m'intéressent, je me laisse tenter par François qui leur dit qu'on y va tchac-tchac... Et c'est presque parti. Tabac, épices, savon artisanal, bissap, etc... cela nous prend ¼ d'heure.

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Je fais le plein de boissons et d'eau direction le frigo. Nous flânons rapidement encore quelques minutes et retour à la maison. Firmin est de retour de l'école. Maître Gozo est là dans sa splendide chemise Old England au col boutonné.

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Emmanuel n'en perd pas une miette. François décide de nous accompagner un moment sur le chemin du retour. Il fourre un caleçon et une brosse à dents dans un petit sac. Nous buvons des menthes à l'eau... et c'est le premier départ. Il est 10h30.

Dans le chemin, tout le monde monte dans la voiture sauf Vanessa qui doit encore régler deux bricoles à l'épicerie. Elle nous rejoindra chez Corneille ou nous nous harmonisons tous autour d'un Pastis bien frais.

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François et Emmanuel ont décoré la voiture d'une fleur de palmier flanquée de ses trois pousses vertes bien drues qui se dressent entre le pare-buffle et le capot... c'est quoi donc  cette Cadillac ? Vanessa arrive. Evariste descend de l'école, ayant fini sa compo, il est onze heure trente. François, hier au soir, a débauché Ektonam, une jeune fille de 20 ans qui sert chez Corneille. Elle va prendre l'air un peu, deux jours, après ses examens, et nous accompagne également. Elle a mis son beau tailleur, son plus beau collier, elle est ravissante. Tout le monde est sincèrement ému, aucune feinte dans tout-ça... il va quand-même falloir y aller ! Il est 11h30.

Première ! C'est parti ! Direction Atakpamé.

Nous sortons de Kpalimé, droite, gauche, 1km plus loin, Emmanuel qui nous a devancé est garé sur le bord. Il agite son masque antipoussière blanc, nous envoyons l'ultime baiser. Ils sont incroyables !

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Troisième, quatrième, nous atteignons notre vitesse de libération et nous émancipons de l'attraction que Kpalimé et son humanité ont chevillé en nous. La grand piste s'offre à nous, et ses nombreuses déviations qui viendront tempérer mon ardeur ! Voilà déjà la première, puis la seconde, et la troisième... attroupement, camions, bulldozers, véhicules immobilisés,  motos et piétons juchés sur les tas de terre pour mieux savourer le spectacle... à nouveau, un camion s'est enlisé, et cette fois c'est tout au bord du trou que les roues de sa remorque s'affaissent peu à peu. Un semi remorque chargé de 45 tonnes de terre qui menace de verser tout-entier dans le trou ! Attraction ! Le bull à chenilles s'approche et vient plaquer son godet contre la benne surchargée pour l'empêcher de verser. Un énorme Caterpillar arrive ensuite par l'arrière et appuie sa benne verseuse à plat sur l'arrière de la remorque. Les trois moteurs se synchronisent alors pour essayer d'extraire tout ce poids de l'endroit précaire où il s'est enlisé. Et ce sont alors toutes les roues qui patinent en coeur sans que rien ne bouge ne serait-ce que d'un cil.

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Nous abdiquons alors et  faisons demi-tour direction... Kpalimé. Nous contournons la ville par le Nord-Est, sur les pistes, et commençons à accélérer l'allure. Le détour fera une bonne vingtaine de kilomètres dont une bonne douzaine dans le doute. François est persuadé que nous faisons fausse route, mais je persévère et nous finissons par trouver à un carrefour, un panneau rassurant. Nous rejoignons donc la route que nous avions quitté une dizaine de kilomètres après le problème initial, mais nous avons parcouru trente kilomètres.

Dès lors, nous ne rencontrons plus d'obstacle, si ce n'est la route en elle même avec tous ses pièges et ses usagers nombreux et colorés.

François a sans cesse envie de s'arrêter boire un coup. Il nous fait rire, se régale d'une méga-barre de Toblerone acheté en Duty Free. Il est comme un gamin, les mains pleines de chocolat fondu, et il en propose à tous. Vanessa voit passer entre les sièges une main monstrueuse et collante avec au milieu des pépites de chocolat fondu grosses comme des noix, elle est écroulée de rire. Il n'en restera rien !

Déjà Atakpamé. François est fatigué. Il décide de s'arrêter là . Nous retournons « Chez Soi », prenons une dernière Pils tous ensemble avant de se séparer à notre tour.

Maintenant, c'est plein Nord jusqu'à Kara, et la nuit tombe bientôt. Nous n'y sommes pas. La pluie elle, arrive décidément, violente, brutale, aveuglante, elle noie tout, la route devient difficile à discerner. A son approche, le ciel s'est teinté de bleus électriques, de gris acier, et de nuances nombreuses et denses. La vigilance se fait dans les trois dimensions. Les trous, les véhicules raréfiés qui viennent en face, les essuie glace vitesse maxi. On avance péniblement, tous les sens en éveil.

Kara enfin. La pluie comme souvent, est aussi brève que brutale, même si sous ses assauts, le temps  paraît long. Nous entrons dans la ville, au sec. Un peu claqués. Je demande vite ma route à un jeune qui monte derrière et nous accompagne à l'hôtel « Le Jardin », réputé pour être le meilleur. Chambre libre, pas chère, confort acceptable, et restaurant en effet. Une bonne douche et à table. Valentin nous rejoindra demain matin pour nous balader un peu dans Kara. Il est étudiant en licence de lettres, s'exprime remarquablement. « Vous dites? » répète t'il délicatement lorsqu'il ne comprend pas tout... adorable et courtois.

Il est là à 7h30 et toque à la porte. Nous prenons notre petit dèj en sa compagnie et partons nous promener dans Kara. Ca tape ! Nous trouvons quelques trucs, visitons l'hôtel Kara, palace local désert et presque pathétique, années 76, bungalow, luxe local. Une institution !

C'est reparti. C'est ce matin que nous voulons quitter la route principale pour visiter la vallée rurale des Kabyés, paysans du nord Togo. Nous tournons donc à gauche à Tchitchao, sur une route qui après seulement quelques kilomètres, se transforme en piste peu large mais agréablement gravillonnée. Nous suivons et nous laissons bercer par les virages. Les pneus crissent tranquillement. Les paysages se dévoilent. Les zones cultivées, petites car exploitées à la main, ou au mieux avec un âne qui tracte un soc de 30 cm. Un enfant l'asticote, alors qu'un adolescent maintient l'axe de la charrue. Nous avons envie de photographier toute cette nature, mais impossible de capturer ces vues d'ensemble.

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Vanessa désire s'arrêter et rendre visite à un village. Le seul village s'étend sur un kilomètre, et beaucoup de famille ont bâti dans les petits vallons alentour. Je redoute que notre passage ne suscite une telle attraction que nous risquons d'avoir du mal à gérer tout ce monde qui ne manquera pas de débouler très vite aussitôt le moteur coupé. Aussi j'évite de m'arrêter cette fois ci et continue. Je sens que Vanessa tient à ce que nous visitions des locaux, le plus loin possible de cette route internationale et commerciale. Nous sommes juste au milieu de notre boucle et c'est le moment. Soudain, quelques cases, des enfants autour, je m'arrête, recule un peu pour trouver de l'ombre. Nous descendons de la voiture et nous dirigeons vers ce minuscule hameau.

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Tout le monde disparaît à son tour entre les murs alors que nous approchons. Il reste une femme en haillons que je salue, et qui protège de sa maigre stature assise, des enfants qui s'approchent à nouveau, intrigués par le phénomène. Je sens l'inquiétude sur les visages. Que pouvons nous bien venir faire chez eux ? Aussitôt des hommes arrivent... des frères, bâtis comme des gladiateurs bien que peu grands. Le grand frère se recule lorsque je lui tend la main. Je viens de distribuer de petites bananes à tous les enfants qui se régalent. Vanessa les rassure vite et ils comprennent que nous ne venons pas colporter de mauvaises nouvelles pour la famille, du style « il faut partir, nous allons élargir la route ! »

Nous serons finalement invités à visiter la cour, passerons là un bon ¼ d'heure, prendrons les photos et repartirons, non sans donner quelque eau fraîche, un soda, un briquet, et un peu d'argent. Ils sont fous de gratitude pour un billet de 1000 cfa et tous nous raccompagnent à la voiture, nous complimentant sur tout. Le papa réclame son cadeau. Nous faisons encore quelques photos.

Nos pensées demeurent auprès de ces gens alors que nous finissons notre boucle en pays Kabyé.

Nous arrivons à Kandé. Retour sur la route, et nous haussons un peu le ton, histoire de franchir la frontière au plus tôt. Nous ferons une halte à Dapaong pour manger. Je n'en peux plus. Encore des surprises dans les gens qui passent, les situations qui se présentent, et des tentations de photos. Les formalités de douanes sont expédiées. Les douaniers m'accueillent par mon prénom. Les policiers de l'immigration qui visent notre sortie, lorsqu'ils comprennent que nous sommes ceux qui ont apporté la nouveauté dans leur poste avec nos imprimés ornés de l'emblème du Togo, s'empressent de nous offrir deux mangues juteuses en signe de gratitude. Ah ! C'est donc vous!

Nous pensions aller ce soir jusqu'à Tiébélé et bivouaquer, mais déjà la nuit approche, et c'est à Bitou que nous nous arrêtons. Je connais l'hôtel de la liberté pour y avoir passé une nuit dans l'autre sens avec les enfants fin janvier. Je n'oserais pas proposer la même chambre à Vanessa, mais il me semble qu'il y a de petits bungalows, et si l'un d'entre eux est libre, c'est signé. C'est tout bon. La nuit sera confortable. La cuisine en plein air du restaurant nous concocte des poissons succulents et nous nous installons à une table à l'extérieur, dans la rue, pour voir défiler le spectacle. Nous manquons de lumière. Je traverse la rue et m'enquiert de deux bougies que je trouve aussitôt. Puis je cours un peu plus loin acheter du pain pour saucer la délicieuse marinade des poissons. Nous nous régalons dans ce lieu étape pour les routiers qui a tout pour déplaire (grand parkings, boue) mais sait également vivre dans la joie et la simplicité. Un petit tour pour digérer dans ce carrefour un peu dément  ou une sorte de marché s'éternise bien tard. Une boutique de musique envoie un son très propre, il ne viendrait à personne l'idée de s'en plaindre. Ambiance dansante. Dodo.

Demain, nous visitons le sud du Burkina. Dernière journée pour Vanessa. Ça va être dense !

11 juin 2010

Africa by Vanessa

Nous arrivons à Ouagadougou à 3h du mat..après une escale à Casa et un arrêt technique à Niamey au Niger...

L'aéroport est stupéfiant alors que j'imaginais Ouaga comme une capitale digne de ce nom......l 'aéroport est plus que vétuste je n'ai même pas de mot pour le décrire...de la boue, des tapis de valise manuels, ..bref une hallu..Bienvenue en Afrique!!!!

Arrivés à  Ouaga vers 3 h du matin nous allons directement dormir à l 'hotel que Norbert a réservé...les rues sont calmes, certaines personnes dorment dehors, il fait très chaud, déjà 35 degrés la nuit....... .  A  l'hôtel  il y a l'électricité, l'eau courante et même un ventilateur!!...on nous souhaite la « bonne arrivée »!! formule typique à l'Afrique de l'Ouest...

Le lendemain nous ou plutôt « je »découvre la frénésie de Ouagadougou...une ambiance très animée, des mobylettes partout.

La terre est ocre rouge..l'ambiance très douce, bienveillante et « tranquille ». L'atmosphère par contre est lourde, il fait chaud chaud chaud!!!!!!!!!!!

D 'un point de vue pratique, aucun moustique à signaler et très bonne tolérance au Malarone..la seule allergie que je fais est aux « bracelets antimoustique » que « Nature et Découvertes » m'a vendue..ces bracelets sont bourrés d'insecticide et quand je me réveille j'ai une inflammation cheville et poignet..mais bon rien de grave....

Le soir nous faisons un boeuf avec des musiciens « locaux ».Les gens sont très gentils, nous laissent tranquilles sans nous interpeller.il n'y a Aucun touriste, Typique de chez typique... .

le vendredi midi ,après un petit tour au marché genre « souk » nous prenons  la route pour le Togo....................

Le Vendredi soir,  nous arrivons  au nord du Togo en direction du sud vers Kpalimé ou habite le frère de Norbert, dixit « un français qui vit à la « Togolaise ».
Nous nous arrêtons dans un hôtel sympathique, accueillant et confortable bien que rudimentaire et là rebelotte: eau, edf et ventilateur! Ouf!! Norbert me prévient que chez son frère il n'y aura ni edf ni eau courante, je prévois donc  de me laver les cheveux..histoire de tenir quelques jours là bas, sans douche au cas où..

Quelques bons 600 km avant d'atteindre Kpalimé et nous entamons une bonne journée de route..les paysages changent, sont de plus en plus verts, montagneux, nous traversons une réserve mais pas d 'animaux sauvages à l'horizon (pour l'instant..).

Une dernière petite halte avant d'attaquer la route qui nous sépare des derniers 60 km tortueux de Kpalimé..et là ambiante, ambiante..musique à donf, ambiance festive..le Togo a l 'air sympathique...seul hic mais expérience intéressante: les toilettes........à savoir un bout de goudron à l'abri des regards......ok je commence à comprendre ce qui peut ou va m'arriver....mais pas de panique..........

La nuit tombe déjà: lever du soleil 5h, coucher 19h max en Afrique...nous devons donc rouler de nuit..déviations, trous dans la route, camions embourbés....nous arrivons quand même et enfin dans la famille de Norbert...

Toute la famille se lève à notre arrivée, et notamment les 2 enfants métis de François et Essivie..craquage et envoûtement obligatoire dés le 1er regard....

La galère pratique commence cependant..ok on m'allume une bougie dans ma chambre, j'entends toutes sortes de bruits dans le jardin de cette maison toute entière tournée vers lui...pour se rincer ce sera l'eau du puits....ah oui j'oubliais, pas de vitre aux fenêtres  ni de moustiquaire dans la chambre, draps....ok il va falloir compter sur sa chance, sa bonne étoile, son insecticide et sa malarone...

Heureusement Norbert, toujours un tour dans son sac, nous dégote la moustiquaire..et nous passons finalement une première nuit sans piqure ou incident..bon bien sûr le réveil est vers 6 h, rythmé par le cri des pintades, chauves souris, coqs..et animaux en tous genres...

Je décide de ne pas prendre de douche à mon réveil(forcément) mais je me réjouis d'avance à l'idée de retrouver cette petite famille déjà réveillée depuis 5h, il faut balayer, repérer l'animal qui agrémentera le prochain repas...

Le matin je découvre Kpalimé de jour, enchanteur, nous allons au marché, magnifique et calme puis j'assiste au cérémonial de la préparation du repas..il faut tuer le coq (déjà depuis le petit dej sous mes yeux), faire cuire le manioc, puis le piler, préparer le feu de bois qui verra mijoter les casseroles..rincer tout d'abord à l'eau de pluie, puis à l'eau potable..pour ne pas tomber malade...en gros 3 ou 4 h de préparation pour le fufu et le poulet..un repas fait avec amour et qui prend tout son sens........;Essivie me demande si j'aime les piments, je lui réponds « surtout pas » car même si je n'ai pas l'estomac trop fragile..on ne sait jamais..à ce sujet je suis d'ailleurs étonnée car au bout de 3 jours, toujours aucun trouble digestif..que se passe t'il??mais tant mieux bien sûr....

Le repas est succulent et typique..on se lave tous les main avec du savon avant d'attaquer ce plat unique fait de fufu sauce piment, ail, noix de muscade..poulet..on se régale..on sent que ça a été fait avec le coeur et l'intelligence de ce genre de femmes qui n'existent plus chez nous (désolée..).

L'après midi nous décidons de visiter le marché artisanal..1 km de marche sous le cagnard. Le petit veut que je le porte, à l'africaine, c'est à dire dans mon dos..ce que je fais avec grand plaisir....

L'artisanat est décevant enfin selon moi, je me rabats donc sur les confitures maison à la mangue, corrosol, banane..que je ramenerai en souvenir...

Au retour, assoiffées, nous nous arrêtons avec les enfants dans un « bar de riches » avec piscine et nous descendons chacun ou presque 2 « cocktails de fruits » et 1 bouteille d'eau soit l'équivalent d'1 litre et demi de liquide. Le cocktail de fruit est ici la seule boisson à base de fruits disponible , c'est une boisson gazeuse à base de sucre et de fruit...

Comme je l'imaginais et même bien au delà de ce que je croyais c'est une très belle leçon ici de « non consommation » ou « consommation essentielle et nécessaire »..

Ici pas d'edf donc pas de frigo donc pas de glace, pas de chocolat..... pas de mc do, pas de nutella, de milkshake..pas d'ordi non plus, de télé, de cyber café..... On est en famille, on profite, on fait les courses au jour le jour, on prépare et on partage..pas mal finalement comme valeur...

Je demande quand même aux enfants s'ils connaissent les glaces, le nutella, le mac do, les hamburgers... »définitivement NON »..ils n'en ont jamais entendu parler    Il existe donc des régions du monde qui ne sont pas encore corrompues, ça existe..honnêtement je n'y croyais pas..même au Brésil il y avait de la « sur bouffe », de la « surconsommation »,  des cybercafé partout..la communication n'était jamais coupée...

La claque................!!!!!

4 jours sans eau courante, sans edf, sans rien pour nous en quelque sorte..les toilettes: dans la nature, la douche également au sceau, les nuits couchées à 21h grand max (forcément y'a pas d'lélec) et les réveils vers 5h, 6h grand max on est déjà réveillés et on attend le lever du jour avec impatience......

les journées sont douces(enfin pour nous), même si elles commencent en trombe tellement on en a eu marre de dormir........lever 5H30, petit nescafé+ lait en poudre et on part à l'école à 7H..là le rituel commence..les petits sont sagement habillés en « vichy », les grands, en uniforme également, se préparent à lever le drapeau du Togo, entamer une marche militaire « joyeuse » et chaque classe entre en classe tambour battant en défilé....à ne rater sous aucun prétexte...

Petit dej à nouveau ou tour au marché immédiat...puis vient le temps des préparations...après avoir Balayé la maison et le jardin, préparé les enfants pour l'école (tirer l'eau du puits..), emmené les enfants à l'école, été au marché.......Essivie se met à préparer le repas..forcément il n'y a pas d'edf donc pas de frigo donc pas de machine..et là étape par étape Essivie se met à éplucher, peler, laver les aliments avec plusieurs eaux différentes(du puits, puis la même bouillie), préparer le feu de bois qui cuira les aliments, piler avec un materiel très lourd.............il y en a environ pour 4 h de préparation.........;elle me dit que c'est fait avec amour...........je lui dit que nous, nous coupons un sachet « Barilla » qui cuira 2 min au micro onde....mais que, forcément il n'y a pas d'amour si ce n'est celui du marketing..............

A ce sujet les repas sont succulents..moi qui n'ai pas mangé grand chose les premiers jours, je mange effectivement se savourant l' « amour » qu'il y a dans cette préparation: fufu poulet, boulettes de viande...nous gôutons plusieurs plats tous préparés en plusieurs heures de temps ….je suis admirative.....

Les journées passent comme ça, très actives le matin, activité déclinante l'après midi( pour moi en tout cas) mais Essivie continue....le repas du soir maintenant, la vaisselle, les enfants......;elle n'arrête pas une seconde..........

Je la débauche quand même un peu « accompagnes moi au marché, on va acheter ci, ça.. » ou essayer d'acheter car honnêtement il n'y a RIEN!! même pas possible de ramener une carte postale, un collier, un souvenir!! RIEN!!!!!  les besoins sont réduits à l'essentiel....

Du chocolat? Niet..du beurre? Niet des désserts? Niet

En gros il ya de la viande, des légumes, on trouve du pain, du nescafé, du lait en poudre........et C'est tout!!!!!!!!!!!!  bienvenue dans le royaume de la non consommation ou celle essentielle....

Norbert sort de son sac du Toblerone acheté à l'aéroport il y a une semaine hum!!!!!!!!! un délice!!!!  une danette? 6 enfants se mettent à la savourer en plus de 10 minutes pour faire durer le plaisir...

Bref on a le temps d'avoir envie..de savourer....au lieu que nos désirs soient sans cesse comblés.

Les journées sont douces..axées autour des enfants, des repas...on  a presque peur de s'ennuyer et pourtant non le temps passe..agréablement............................

Malheureusement.....................................................................vient le tour du départ!!!!!! prévu à la base mardi après midi puis mercredi matin 7h.......mais ON NE QUITTE PAS CETTE FAMILLE COMME ça......................................................................................
On fait durer les au revoir..............on pense à ce qu'on a vu, vécu, à ce qu'on va laisser sans JAMAIS plus pouvoir avoir de leur nouvelle ou en tout cas très difficilement............

Des gens authentiques, qui nous ont TOUT donné!!!!!!!!!!!!!!! à qui il suffirait de donner 15 euros par semaine pour qu'ils puissent vivre comme des rois...........et pourtant tout est compliqué: envoyer un mail(pas d'internet, pas d'adresse internet, est ce que seulement Essivie sait lire.....?.) bref c'est COMPLIQUE!!!!!  envoyer un colis il n'arrivera pas, une lettre non plus...........

Autant se dire ADIEU!!!!!!!! et espérer que tout aille bien...même si j'ai fait promettre au cafetier de coin d'emmener Essivie au cyber et de lui apprendre à m'envoyer un mail pour qu'elle puisse compter sur moi en cas de problème.

Firmin pleure en nous voyant partir, tellement fort que je croyais qu'il s'était blessé.

Moi la fille de village « Club med » habituée aux au revoir chaque semaine, et à la légendaire hospitalité du Maroc où j'ai vécu, je suis déchirée..............!!

C'est à ce niveau qu'est la claque!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!  je ne me remets pas de ces gens, de leur dignité, courage, simplicité..et il faut bien le dire même s'ils se débrouillent avec les moyens du bord et gardent le sourire il n' y a RIEN!!!!!! les écoles manquent de cahiers, stylos, livres.........

Il suffit de 10 euros pour faire le bonheur d'une école!!!!!!!!!!!!!!  à vos bourses prêts partez...nous lançons une collecte sur ce blog pour ceux qui veulent faire des actions concrètes....


2 jours plus tard après une escale à Kara(top) et une autre à Bitou........

Jeudi soir veille de départ: Je ressens pour la première fois les effets secondaires « potentiels » du Malarone qui peut « soi disant » provoquer de petites crises d'angoisse, panique............habituellement les voyageurs les ressentent lors de leur séjour dans  le pays, lors des découvertes, de l'inconnu... qui  exacerbent les émotions............ effectivement je ne me sens pas très bien ce soir.............me concernant je crois que c'est plutôt le retour en France qui m'angoisse:  système, codes, valeurs ...c'est nous qui sommes superieurs??  y'a comme un hic.....!! allez Viva Africa!! et surtout Merci pour tout:):):):)::):):)::):):)::):):):):):):):)!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

11 juin 2010

Ouaga Kpalimé

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Nous atterrissons à Ouagadougou après une escale technique à Niamey. Il est 2h50, soit 5h moins 10 à Paris. Nous avons décollé à 19h30 de Paris et retardé nos montres de 2h. Le changement d'avion à Casablanca s'est fait rapidement. Quel bel et grand aéroport Marocain, conforme aux meilleurs standards de la modernité. Celui de Ouagadougou en revanche est plus modeste. Une seule piste, presque en centre ville, et Vanessa s'étonne lors de l'approche, de voir aussi peu de lumières dispersées. La ville est très peu éclairée. Nous sortons de l'avion et avons l'impression d'entrer dans une étuve. Il fait une chaleur réellement oppressante, 33° !! assez humide, de sorte que durant les premières minutes, nous aurons presque du mal à respirer, un peu comme lorsqu'on met la tête sous la serviette pour une bonne inhalation. Une petite navette dont il faut soi-même fermer la porte nous débarque dans le bâtiment principal en perpétuels travaux. Des planches voilent aux regards l'avancement de la maçonnerie. Des guérites mobiles en tôle, pour les fonctionnaires de douane et de police, sont bancales sur un sol en terre battue relativement irrégulier et menacent de vous broyer le pied lorsque vous vous accoudez au comptoir. C'est une joyeuse pagaïe !

Les bagages sont vite amenés sur deux énormes chariots tirés à la main et déchargés sur deux longues poutres de bois posées à même le sol, et faisant office de « tapis roulant ». Nous voyons nos sacs et sommes rassurés. Le taxi commandé de Paris est bien là à nous attendre. Vanessa me dit « regarde »! En effet, un écriteau à mon nom... la classe.

En cinq minutes, nous arrivons à l'hôtel du Pavillon Vert, où j'ai réservé une chambre. « Bonne arrivée! ». La saison des pluies est décidément bien commencée, de nombreuses flaques d'

eau en attestent, surtout avenue de la Liberté, à proximité de l'hôtel ou la voie est bien défoncée sur une centaine de mètres. Le taxi, qui pourtant connait bien, passe toutefois avec la plus extrème prudence. Sous la surface de l'eau, vous ne savez jamais vraiment quelle est la profondeur du trou !

 

Quel bonheur de se mettre enfin à plat et de dormir . L'avion, avec le bruit des réacteurs et la position on ne peut plus inconfortable, ne m'a pas laissé le loisir de m'assoupir vraiment. Heureusement que nous sommes très fatigués, car la chaleur nous semble peu propice à un endormissement rapide.

Nous nous réveillons naturellement vers 8h30 et savourons notre premier petit dèj dans l'intense chaleur de Ouagadougou. Autant le cadre est agréable dans cet hôtel, autant le service est vraiment désinvolte. Il faut se relever pour demander le moindre sucre, beurre, etc... les approvisionnements sont toujours aussi aléatoires : pas de Dafani ;) clin d'oeil à Hazielle. Le jus de fruit est congelé et refuse de s'écouler. Je casse la bouteille en voulant fendre l'énorme glaçon avec la pointe de mon couteau. Verre blanc... que du bonheur !

Il faut aujourd'hui régler toutes les formalités autour de la voiture. Je me suis aperçu dans l'avion que mon laisser-passer était valable jusqu'au 4 avril. Il est préconisé, en cas de dépassement de la date limite, de s'adresser au bureau des douanes pour l'informer que le véhicule reste stationné durant telle durée à tel endroit, etc... ce que je n'ai pas fait. Ayant informé l'adjoint, dans le bureau de la direction générale des douanes de Ouaga, il nous informe le plus tranquillement du monde que la pénalité est de 150.000 Cfa, ce qui représente tout-de-même la coquette somme de 225 Euros !!!

Il n'est pas question pour moi de me délester d'une telle fortune. Le gars nous laisse réfléchir, tranquillement assis derrière un bureau surchargé de dossiers, tout en répondant au téléphone, en plaisantant avec ses subordonnés qui entrent et sortent du bureau alors que nous réfléchissons à la proposition que nous pouvons faire sans le vexer, et tout en obtenant satisfaction.

Plusieurs fois, il me fixe du regard et me demande : « Alors ? »

Je consulte Vanessa. Nous hésitons entre lui proposer 50.000 en feignant l'indigence, et 80.000 en lui disant que c'est tout ce que nous avons. Nous finissons par proposer d'un air navré 8 billets de 10.000, ajoutant que nous nous attendions à 30/40.000, et que de toutes façons, c'est vraiment tout ce que nous pouvions faire. Il saisit un marker bleu d'un air victorieux, appose sur mon laisser passer périmé une mention pour les initiés, signe, tamponne... et refuse l'argent ! « J'ai décidé de passer outre ! »

Ouahou ! Exulte-je  intérieurement, tout en le remerciant pour sa gentillesse. Il nous faudra rédiger une demande, nous procurer un timbre, revenir le voir, faire viser le document, s'adresser au guichet... presque deux heures plus tard, nous y sommes. Entrons dans le bureau. J'invite Vanessa à me rejoindre, car la radio diffuse un truc de Grand Corps Malade, le premier son de l'Afrique, ce sera un slammeur français que nous connaissons bien. C'est drôle !

Le taxi a eu la patience de nous attendre tout ce temps. Il nous ramène à l'hôtel, où nous reconduisons la chambre pour une nuit, et me conduit à l'agence Couleurs d'Afrique, où m'attend sagement le 4x4. Un soupçon d'inquiétude toujours, lorsqu'il s'agit de redémarrer un véhicule après une immobilisation de trois mois dans un climat si particulier. Je reconnecte les batteries, actionne le démarreur et comme à l'accoutumée, elle démarre dans l'instant. Chic !

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Un gars est en train de la laver consciencieusement. Un pneu est bien dégonflé, je sors le compresseur du coffre et vérifie la pression. Il reste de l'air, ce n'est pas une méchante crevaison. J'acquitte mon stationnement, soit 40.000 Cfa (60 euros) pour trois mois. Eric appelle l'assurance, rendez-vous est pris pour l'après midi 15 h afin de prendre la Carte Brune CEDEAO.

Fier retour en voiture. Juste le frigo, où a été oublié je pense un morceau de pain en fin de décomposition qui empuantit toute l'atmosphère. Ce sera eau de javel obligatoire. De petits animaux ont squatté le véhicule : quelques merdouilles malodorantes sur la banquette arrière et dans le moteur un amoncellement de brindilles et de petites crottes. Tant qu'ils n'ont pas bouffé les fils, tout va bien.

Le matin, alors que nous partions pour une courte ballade, un gars nous accoste et nous propose de nous emmener le soir à la répétition qu'il a prévu avec ses musiciens.

Rdv a été pIMG_0542ris pour 17h. Pour l'instant, j'ai faim et je propose à Vanessa une halte au Baratapas, un endroit un peu branché, décoré de sculptures locales réalisées à base de pièces détachées de vélos, motos, etc... il y a vraiment des réalisations étonnantes. Nous passons donc un agréable moment chez le belge avant de reprendre le chemin de l'hôtel proche.

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17h, personne en vue. Nous partons à pied pour une ballade et croisons très vite nos musicos. Retour à la voiture, qu'ils souhaitent emprunter pour se rendre au ghetto, comme ils l'appellent. Une petite case carrée avec porte en tôle ondulée qu'ils louent 25.000 cfa par mois. Très vite la cour est investie par les musiciens et nous commençons une répétition endiablée au son du balafon, du ngoni, de la kora, du doun-doun, percussion basse, du kassin-kassin, calebasse munie tout-autour d'un filet de perles, que l'on agite sur le temps.

La flûte peul et le balafon nous envoûtent, je tiens le doun-doun et enregistre tout, depuis notre départ de l'hôtel, dès que Issouf commence à souffler et à chanter dans sa flûte. Une heure plus tard, il est temps de plier bagage pour se rendre dans un maquis où ils doivent animer la fête d'un mariage célébré plus tôt. Las, personne ne vient, mais nous passons un excellent moment à discuter en écoutant la musique live. Nous mangeons quelques brochettes, descendons des Brakina, la bière locale. Vient ensuite le moment de partir, et c'est après quelques suppliques d'ordre financier, qu'il faudra modérer, que nous parvenons à nous faire ramener à l'hôtel. Nous avons donné environ 10.000 chacun, ils pourront payer leur loyer.

 

La première vraie nuit est très réparatrice et j'ouvre les yeux à 5h30. Je patiente un peu avant d'adresser la parole à Vanessa qui s'éveille à son tour. Le petit déjeuner dans ce havre de paix verdoyant, en retrait de la cacophonie de la rue, augure d'une belle journée. D'autant que la température, suite aux précipitations de la nuit, est devenue très supportable. Presque 10° de moins que la veille.

Je voudrais bien quitter Ouaga avec la musique dans la voiture, or l'autoradio ne fonctionne plus. J'en ai amené un autre de France mais les connexions ne semblent pas correspondre. En extrayant l'ancien, je trouve un fusible grillé et entreprend de m'en procurer un au marché voisin. Très vite, un gars me prend en charge et m'amène à une échoppe d'électronique. Il veut me vendre les deux fusibles 5.000 cfa alors qu'un seul doit valoir dans les 100. Il voit qu'il n'a pas affaire à un bleu et se montre raisonnable. J'ai besoin également d'un câble informatique pour délester la mémoire de mon magnéto. Il m'accompagne et nous trouvons assez rapidement mon bonheur.

Très vite donc, la musique revient dans la voiture.

Il n'y a plus qu'à vider et régler la chambre, et nous pourrons prendre la route du Togo.

Comme il est tôt, nous décidons de faire une petite promenade au marché très typique et animé. Nous sommes escortés en permanence par des gars qui cherchent à déceler ou même créer nos besoins pour nous emmener chez la bonne personne et prendre leur commission au passage. Il est difficile de s'en défaire, et je me fâche lorsqu'ils commencent à se bouffer le nez dans nos oreilles pour se disputer nos faveurs. Je ne désire plus que prendre un sandwich, et en voiture. C'est un sandwich au foie qui trouve mes faveurs. Vanessa est horrifiée par les mouches omniprésentes autour des saladiers de la commerçante et craint vraiment pour ma santé. J'en fais fi et me régale. En route. Nous achetons un grand sac de 20 sachets d'1/2 litre d'eau de source que j'empile dans le frigo assaini à l'eau de javel. C'est parti. Je charge un gars d'aller se renseigner au conservatoire municipal de musique afin de voir s'ils n'auraient pas besoin d'un accordeur. Il aura sa commission si je peux travailler un peu à  mon retour.

Nous trouvons sans hésitation la route de Koupéla, plein est. Le goudron est excellent, et aussitôt sorti de la capitale, je suis étonné par la verdeur des abords et de la savane. C'est magnifique et tellement différent de mes souvenirs du mois de mars. La saison des pluies est bien entamée, et la végétation ne perd pas de temps pour profiter pleinement de la moindre goutte de pluie. Il y a partout de belles plaques d'herbe tendre, au vert presque fluorescent, et notre cœur est d'autant plus joyeux que jusqu'alors, tout se passe à merveille. Nous sommes enchantés également car la température est seulement de 27° et c'est un bonheur d'avancer bon train sans devoir boire sans cesse et se protéger de la chaleur.

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A Koupela, 140 km plus tard, nous changeons de l'argent dans une banque. Alors que l'opération avait pris montre en main 1 mn 30 à l'hôtel, ici, c'est presque ¾ d'heure qu'il me faudra patienter, du fait d'une connexion internet indigente qui refuse de se stabiliser. Il n'est jamais agréable de voir ainsi sa moyenne dégringoler, et nous voulons passer la frontière cet après-midi et nous arrêter à Dapaong, première ville du Togo, à 40 km de la douane.

 

Le sandwich est oublié et il me faut à nouveau me restaurer. Un joli petit restau local très verdoyant nous accueille pour une pose d'une bonne heure. Je m'y régale d'un poulet braisé accompagné d'une excellente sauce.

 

Direction Sinkansé, le poste frontière. Nous expédions les quelques 150 km restant, tout en observant la modification de l'habitat et de la végétation. Le paysage devient de plus plus verdoyant.

Les formalités (Gendarmerie, douane, police de l'immigration, de part et d'autre) ne nous prendrons pas plus d'une heure ¼. Nous faisons sensation au poste de police togolais avec nos fiches de renseignement retirées en février à Lomé, lorsque nous devions proroger nos visas.

Je les ai conservées et nous les avons évidemment pré-remplies. Le chef de la police, en les voyant, appelle ses collègues. Ils sont très étonnés de notre prévoyance et admiratifs devant l'élégance de notre imprimé.

Aussitôt, le chef mandate un subalterne pour faire réaliser un certain nombre de photocopies. Nous partageons tranquillement de l'eau fraiche pendant que méticuleusement, il appose les tampons, les dates, et les paraphes. Il reproduit dans de grands cahiers, des lignes d'information dans des colonnes au bic noir. C'est simple, c'est rapide, presque...beau. Il nous remercie enfin pour la nouveauté que nous avons apporté à son quotidien administratif. Ils sont encore deux ou trois, entre le bureau et la voiture, à nous remercier de la même façon.

Inutile de s'être préoccupé de l'heure! Le poste est très actif, nous sommes sur la route internationale nord/sud par où transitent toutes les marchandises qui débarquent au port de Lomé à destinations de tous les pays de la CEDEAO... par la route.

Autant dire qu'on croise des camions, et qu'on en double aussi.

De nombreuses carcasses de véhicules calcinés ont trouvé leur place définitive dans le paysage, laissant imaginer des drames collectifs. Souvent aussi, nous dépassons un de ces autocars bondés en panne, alors que tous les passagers commencent à chercher une solution en marchant dans la même direction, le long du bitume, pieds nus, les femmes portant dans leur dos les plus petits, les bagages colossaux empilés doivent être déchargés, et chacun de se retrouver seul face à ses impératifs. Je rate l'occasion de compter ce petit monde qui s'éparpille en longueur, sur la bande entre la route et la nature, les hommes précédant les femmes, d'un pas rapide, en quête d'une solution radicale.

Il n'y aura peut-être pas de voiture pour tout le monde au prochain village, et les premiers arrivés, seront les premiers servis.

Je pense qu'ils sont bien 70, dans des bus de 54 places.

Tout chargement se fait aux limites de l'équilibre, quelles que soient les masses et les volumes. C'est parfois à la limite de l'obscènité, tant les audaces sont irréelles.

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Il fait nuit maintenant, après le poste frontière, et nous avons encore une quarantaine de kilomètres, que nous mettrons bien 45 minutes à franchir, avant d'arriver, contents à Dapaong.

Je propose d'aller dans le restau que je connais, bien sous tous rapports, histoire de faciliter l'atterrissage mais j'ai beau être attentif aux repères, il n'y a aucun panneau ni monument ou quoi que ce soit qui m'aide. Nous arrivons par un des doigts de la patte du même nom, et je demande l'hôtel dont même le nom m'échappe... aucune ambiguïté, c'est le Campement, il voit très bien, il faut prendre l'autre doigt de la patte, en arrière,et nous y sommes aussitôt.

Daurade haricots pour mademoiselle, hamburger à cheval frites pour le No. Cuba Libre pour commencer...

Ils ont des chambres abordables (5000 de moins qu'à Ouaga) mais sans moustiquaires... et il n'y a qu'un seul grand lit... Je n'oublie pas pour autant que nous sommes venus... en toute amitié !

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Le repas nous rassérène, le cadre est sympa, la nuit est agréable, nous émergeons vers 5h30, petit dèj à partir de 6h. Tranquille. Le marché s'organise, il est encore un peu tôt, ça va arriver de partout. La musique donne. Sur la route, les militaires de la garnison locale font leur entrainement au son des percussions et des cloches, en chantant. Nous descendons quelques mètres le long du goudron et piquons sur la droite par un sentier de terre un peu raide, vers le haut du marché. Il y a de la joie dans l'air. Tout le monde sourit. Les hauts parleurs envoient un bon gros son typique et l'on avance avec la musique, ça sauve !

Retour et départ rapide, il y a de la route!

C'est donc le grand défilé de vie togolaise, chaque portion de route voit se vendre sur les bords, les productions locales, et ce sont des montagnes de mangues soigneusement alignées sur des centaines de mètres, ou bien des sacs de charbon, car nous traversons une grand forêt. Les tecks bordent la route, et leurs feuilles fines de taille moyenne, filtrent le soleil lorsqu'il sort, car le ciel charrie des nuages annonciateurs de pluies intenses..

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Un peu de monotonie, dans les longues lignes droites qui traversent la forêt, mais nous filons bon train. Tout fonctionne. Je me paye le luxe de m'arrêter lorsqu'un homme près d'une voiture en panne me montre au passage une clef en croix. Elle a éclaté et il ne peut plus changer sa roue. Un peu d'entr-aide et de reconnaissance, 20 minutes et les outils adéquats, c'est reparti.

J'ai en ligne de mire Atakpamé. Je sais que la route internationale, c'est là que nous la quitterons pour bifurquer sud-ouest en ligne droite vers Kpalimé.

Je sais également que ce dernier tronçon sera le pire de tout le parcours, le goudron ayant depuis bien longtemps cédé la place aux nids de poules et aux longues portions de piste roulante.

C'est pourquoi en arrivant à Atakpamé, sachant toutefois que nous touchons au but, il nous semble de bon aloi de marquer une vraie pause rafraichissante, et je m'arrête là où avec les enfants, cet hiver, nous avions également fait le dernier break. Le bar restaurant « chez soi » se tient juste face à la bifurcation qui permet d'éviter le pont cassé en contrebas. Il y a toujours deux ou trois militaires qui font la circulation car à 17h, c'est une vraie cohue de motos, de voitures, de camion lourdement chargés qui montent péniblement vers le nord. Un vrai spot pour observer ce fourmillement d'allers-venues en sirotant une « Pils », la bière bon marché locale. Ce sont toujours des bouteilles de 75 cl, que l'on vide aussi vite qu'un ½ chez nous. Le premier jet sert à rincer le verre, ensuite on se sert. Des marchandes viennent vous proposer des bananes, un auteur cherche à placer son livre sur les vertus du miel, médecine souveraine. La musique togolaise typique donne à plein, j'entame un pas de danse au son de la clochette de service. Tout le monde rit, l'ambiance est super... et nous arrivons bientôt.

Il faut tout de même considérer que le soleil n'attendra pas notre arrivée à Kpalimé pour se coucher, et que si rouler la nuit est fortement déconseillé (voire interdit par tous les loueurs de voitures ou flottes d'entreprises), rouler de nuit sur cette route improbable relève de l'inconscience.

Si ma mémoire est bonne, la nuit tombe vers 18h30, mais une femme me dit que la nuit, c'est à 19h. Malgré tout, nous prenons congé et trouvons très vite après la déviation, le carrefour à gauche qui nous mènera, après une bonne petite descente, dans la vallée qui se poursuit jusqu'à Kpalimé, entre les montagnes.

Le premier tiers est conforme à mes souvenirs : il faut sans cesse slalomer entre les trous profonds et les saignées en travers de la route. Cela oblige souvent à poser ses roues dans le bas côté, où le roulement est plus lisse qu'au beau milieu de la route. Je vous laisse imaginer les conditions de croisement et de dépassement !

Et la nuit tombe, nous avons à peine parcouru une vingtaine de kilomètres, il en reste 4 fois autant.

Commence alors le jeu de la mort, où vous risquez à tout instant, surtout quand une voiture se profile en face, vous éblouissant de ses phares, de faucher un piéton ou un cycliste qui ne vous aurait pas senti arriver.

On ralentit donc résolument l'allure et continuons à progresser dans cette Afrique profonde que la nuit fige progressivement, au milieu d'une végétation tellement luxuriante qu'on la sent prête à s'emparer du bitume à la première occasion.

Les villages se succèdent, je reconnais mais me garde de trop démoraliser Vanessa en lui disant combien il reste de kilomètres, nous avançons à peu près à 35km/h.

Enfin, se profile la portion de piste roulante et large, que l'on peut enquiller bon train ! Las ! Cette route en réfection est en phase de pose des drains (longs tubes transversaux qui permettent aux pluies de franchir la route sans raviner tout le revêtement.) Nous nous voyons donc sans cesse coupés dans notre élan par de petites déviations d'un côté ou de l'autre qu'il faut négocier à petite vitesse dans une terre meuble. Jusqu'au moment où dans une de ces petites chicanes, un camion s'est affaissé. Son chargement de café trop lourd comme toujours, s'est enfoncé du côté droit jusqu'à l'essieu dans la terre meuble.

Nous serons obligés de rebrousser chemin et de prendre sur la droite un peu avant, une déviation en pleine brousse. Ça ira plus vite que nous ne l'imaginions, tant mieux car il est temps d'en finir, et nous rejoignons enfin la route pour la dernière ligne droite. Il s'agit d'arriver avant que tout le monde ne soit couché... Et c'est in-extremis, à 20h 30, que je me gare dans le jardin du brother. Aussitôt, il surgit de la maison en voie d'assoupissement, tout le monde à ses basques, et ce sont les grandes et chaleureuses embrassades à la lueur des phares.

Nous ressortirons tous manger chez « Le Belge » avant de poursuivre un peu plus tard avec les enfants « Chez Corneille », haut lieu des soirées animées de Kpegolonou, le quartier des cailloux, à l'ouest de  Kpalimé. Nous y sommes vraiment ! Aucun doute ne subsiste ! Ils sont tous là.

 

18 janvier 2010

PK-25

Point kilométrique 25. C'est ainsi que l'on nomme cet endroit au bord de l'immense lagon qui pénètre dans le désert depuis Dakhla. Une petite trentaine de kilomètres de mer intérieure, peu profonde et poissonneuse, abritée des assauts de l'océan, et où de nombreux pêcheurs à pied se pressent dès le matin. C'est aussi un spot idéal pour le kite-surf, comme nous l'apprenons bien vite. Une jeune femme se tient là debout au petit matin, devant la balustrade rose, seule construction humaine un peu incongrue au milieu de ce sable et de cette mer tranquille.

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C'est elle que j'ai entendu faire des commentaires à voix haute sur les rapports canins depuis la tente. Les chiens aboyaient, Eko attaché à l'arrière se tenait tranquille. Mais en tant que mâle systématiquement dominant, il énerve correctement les chiens locaux qui se sentent menacés dans leur souveraineté. "Il ne devrait pas le laisser attaché, avec 5 mâles autour..." Je m'étire donc un peu et me retrouve en bas, pieds nus dans un sable doux et profond, entre une grande dune de sable, la plage, et cette lagune paisible, à discuter avec une française d'une quarantaine d'année qui boit son petit café, les cheveux en bataille et la mine à peine réveillée.

Je comprends vite qu'il s'agit d'un lieu prisé des surfers, qui viennent profiter de conditions de vent en principe exceptionnelles, et donc de cette lagune peu profonde, idéale pour pratiquer le kite dont la voile (une sorte de parapente) tombe parfois à l'eau. Malgré un boudin gonflable qui lui permet de ne pas s'affaisser, mais d'être toujours susceptible de reprendre le vent, les surfers préfèrent pratiquer avec peu de fond, ce qui leur permet de mettre un pied à terre pour retrouver plus facilement l'appui et la traction, avant de sauter sur leur planche et de reprendre (beaucoup) de vitesse. Las ! Voilà trois jours que le vent dédaigne les lieux, et que la fine équipe se morfond quelque peu.

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Ils ont pour cela un endroit très chic : Une Khaïma, à savoir une tente maure traditionnelle et de grande taille en l'occurrence (environ 7 m sur 7). C'est leur lieu collectif, et ils dorment chacun dans une petite tente igloo à quelques mètres. Ils y préparent les repas, règlent leur matos, et surtout, y font face aux longues et redoutées "pétoles", à savoir absence totale de vent. Celle-ci aura duré 10 jours, autant dire un cauchemar pour ceux qui étaient venus y passer une semaine et qui n'auront pas pris une seule fois la mer. L'équipe est sympa, une dizaine de beaux gosses qui ne se prennent pas la tête et deux trois nanas ! Il y a aussi Stefano, un italien bavarissime dans un français minimaliste avec l'accent à couper à la machette, qui te parle et te parle en ouvrant grand les yeux. Tout ce qu'il dit est de la première importance, et même si tu ne comprends rien, ou pas grand chose, il faut attendre qu'il ait terminé en acquiesçant ! C'est un type sympa comme tout, qui prévoit toujours large quand il va faire les courses en ville (Dakhla est donc à 25 km) et peut te dépanner en cigarettes où autres produits de première nécessité. L'ambiance est cool et leur Khaïma sera vite un lieu d'échange sympa, où l'on peut facilement s'asseoir au frais, sous six épaisseurs de tissu épais soutenues au centre par un unique pilier de bois. Les côtés, constitués de toile, pendent jusqu'au sol, et le toit est tendu tous les deux mètres par de bonnes cordes fixées à des pieux plantés dans le sable. Le sol est traditionnellement recouvert de beaux tapis de laine assez épais, mais ici, quelques nattes  au milieu, et le sable partout ailleurs. On s'assoit en tailleur, ou sur un coussin, on s'allonge sur une natte que l'on apporte avec soi, et on partage de tranquilles soirées à discuter ou faire de la musique. Bonne ambiance! Je passerai plus d'une heure à remettre en état une guimbarde thaïe, que je connais bien puisqu'ayant la même. Celle de Simon ne fonctionne plus et il en conçoit un vrai dépit. Il faut dire que c'est un instrument magique, simplement constitué d'un long et fin triangle de métal au milieu duquel est pratiquée une mince découpe. On appuie les grands côtés sur les lèvres en faisant vibrer le petit triangle central à l'aide de l'autre main. Elle permet d'infinies variations de ton, suivant que l'on inspire ou qu'on expire doucement, en faisant varier la forme de la cavité buccale comme si l'on voulait articuler des voyelles, par exemple. Avec un peu d'expérience, et pour peu qu'on garde le rythme, cela produit un son très mystérieux et mélodique. La sienne est faussée car le petit triangle heurte le bord de la découpe, ce qui l'empêche de vibrer librement, et donc de produire le moindre son. Avec juste une petite pince et beaucoup de patience, je parviens à la faire vibrer à nouveau comme au premier jour, et Simon exprime sa joie en nous interprétant un chant complètement mystique au rythme endiablé, suscitant l'admiration de toutes et tous. Il y a aussi une ou deux guitares que j'accorde avec soin, ce qui me vaut la reconnaissance immédiate des musiciens, et la soirée est extra.
Ces conditions très agréables m'incitent à envisager de rester ici quelques jours pour récupérer de la fatigue de la route. Nous y passerons trois jours très chouettes. Léon ira pêcher du poisson avec l'un, des couteaux avec l'autre et nous laisserons Hamidou préparer traditionnellement les couteaux et nous concocter un plat mauritanien typique et sensationnel. Saveur et consistance uniques, à volonté tant il y en a. Le lendemain, ce sera poisson grillé au feu de bois. Les pêcheurs sahraouis vont et viennent sur la plage toute la journée avec leur sempiternel land rover. La campagne de pêche aux couteaux est lancée, et c'est un va et vient perpétuel. Ils en ramasseront 200 tonnes en trois semaines, et cela horrifie Stefano qui plaide ici et là pendant toute une journée son amour de la "laguna", "dé la natoure", et son dépit d'assister à une telle surexploitation des ressources. Les filets sont remplis de poissons également, et cela le désole tout autant.

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Le second matin, un nouveau véhicule a fait son apparition : un petit citroën C15 immatriculé dans l'Hérault. Petit couple très sympa, Simon et Vanessa, avec leur chien Banjo, genre de labrador un peu bâtard, et "tête de con" -comme le dit son maître- qui ne se fera jamais à la proximité d'Eko, qui pourtant ne cherche qu'à jouer...
J'ai déployé l'auvent et installé à mon tour un campement digne de ce nom qui fait l'admiration de tous par sa fonctionnalité et ses dimensions. La puissance des batteries permettra de recharger les appareils de nos voyageurs un peu démunis, loin de toute prise de courant, et mon allume cigare n'aura pas le temps de refroidir pendant les 72 h de notre séjour ici.
Lorsqu'une voiture s'apprête à partir en ville pour les courses, elle demande à tous s'il y a besoin de quelque chose. Comme je ne peux utiliser la voiture lorsque tout le campement est installé, nous aurons recours à chacune de ces propositions, et rendrons le même service à notre tour, la veille du départ, lorsque j'irai en ville ravitailler en gasoil, en eau, et en légumes pour la suite du voyage.
Nous décidons d'attendre le lendemain pour partir en même temps que Simon et Vanessa, contents les uns et les autres d'affronter le désert et les douanes marocaines et mauritaniennes ensemble, avec le no man's land entre les deux, endroit critique s'il en est ! C'est là qu'il reste des mines, entre autres.
C'est au tour de Jonathan d'arriver parmi nous, sac au dos, auto stoppeur depuis la France qu'il a quitté dans le cadre du projet Rainbow : un groupe de jeunes d'origines aussi diverses qu'improbables (Slovènes, Irlandais, Allemands, Pakistanais, etc...) qui font la route sans quasiment le moindre sou en poche, pour se retrouver chaque année dans un pays différent et faire un grand raout. Ils viennent de partout, seuls ou en groupes, se rejoignant au gré des affinités, se séparant au gré des prises de tête, mais avançant vaille que vaille. Jonathan s'est un peu désolidarisé du groupe, trop "crève la faim" à son goût, et continue seul son chemin, avec l'idée de rallier Dakar, de passer quelques temps à Gorée, et surtout, de trouver ensuite un bateau pour rallier le Brésil. Nous le prendrons avec nous pour la suite du voyage.
La veille du départ donc, alors que nous souhaitons aller en ville et que j'ai tout replié, je vais pour démarrer et rien ne se passe. Nos batteries ont tout donné, et il ne reste rien pour lancer le moteur. Les surfers qui disposent d'un 4x4 sont partis à la dune blanche pour la journée, alors justement que le vent s'est enfin mis à souffler et que les autres sortent leurs voiles. J'installe les pinces et demande à des sahraouis qui passent, mais ils me promettent qu'au retour... Donc je poireaute, avant de me décider à solliciter l'aide des camping caristes nombreux présents sur le terrain... mais je suis à une vingtaine de mètres du goudron, dans le sable, et il faut absolument un 4x4. En outre, les camping car une fois installés, pour les faire bouger !...
J'attends donc, et voilà le 4x4 pajero des amis de retour... Joie ! Il s'approche, je branche les pinces mais... toujours rien, pas même un frémissement du démarreur. Bon sang mais c'est bien sûr ! Je suis en 24 V et lui en 12. Je laisse les câbles branchés une vingtaine de minutes avec le moteur qui ronronne, mais rien n'y fera.
Mon seul espoir : un gros camion 4x4 impressionnant qui est arrivé le matin même et n'a déployé qu'un modeste auvent. C'est sûr que s'il voulait bien bouger, je serais sorti d'affaire. Il va falloir se montrer convaincant. Je mobilise toutes mes ressources en allemand et répète dans ma tête les quelques phrases qui pourront à la fois lui expliquer mon problème avec mon maigre vocabulaire, et le convaincre que je suis un ami de toujours de son pays. J'ai quelques arguments familiaux, l'une de mes sœurs habitant Göttingen. Et ça marche ! Non pas que mon allemand soit impeccable, mais le gars est sympa et après avoir réfléchi une demi minute, accepte de déplacer son monstre d'engin. Je suis impressionné de la facilité avec laquelle ce mastodonte se meut dans le sable mou. il manœuvre à la perfection et vient se caler le long de mon capot, à moins d'un mètre. C'est que les batteries sont sous son plancher, bien au milieu de la cabine, et que mes câbles ne sont ni très longs, ni élastiques... Il enlève la table, soulève la moquette, actionne quelques taquets, bascule son plancher et dévoile une armada de batteries. Nous connectons le tout, c'est bon, à deux cm près. C'est déjà ça. Contact... Suspense... Vroum ! Instantanément. Grand soulagement. Remerciements chaleureux. Il regagne sa place en première lente, imperturbable, impressionnant !
Je devrai donc me méfier des assauts répétés sur la batterie, de l'usage intensif du spot, du frigo qu'il faut éteindre la nuit, et des recharges des appareils multiples, ordinateurs, téléphones, appareils photos, piles en tout genre, lecteurs mp3 et autres; J'avais bien vérifié la veille, et le voltmètre du tableau de bord indiquait toujours 24 V. Mais dès que cela commence à fléchir, le phénomène va s'accélérant, et ce n'est pas parce-que vous avez toujours de la lumière, que le démarreur aura son compte d'ampères pour lancer ce gros moteur de 4l. Sachant que les véhicules 24 V ne sont pas si courants, j'ai vraiment intérêt à me méfier et à suivre ma charge au plus près si je ne veux pas me retrouver en carafe dans le désert ou dans la brousse, car alors, il me faudrait sortir les batteries, trouver une charrette ou un transport quelconque, me rendre en ville, trouver une station pour charger tout ça, patienter une demi journée, et retourner à mon véhicule laissé seul avec tous les risques que cela suppose dans un pays pauvre. J'aime autant éviter. On ne m'y reprendra plus.
Nous pouvons donc aller à Dakhla, mais il est déjà tard. Nous expédions les courses, commandons un tagine pour cinq, que je mets dans ma boîte sous vide, et déambulons un peu dans la ville. Léon me parle d'aller chez le coiffeur depuis un jour ou deux, et nous entrons dans un salon bien tenu. Mais l'exotisme des lieux, le claquement des ciseaux l'inquiètent, et il préfère renoncer. J'insiste malgré tout. Le shampoing s'impose, mais point de siège adapté. Ce sera penché au dessus d'un lavabo. Le coiffeur envoie un enfant acheter une dose de shampoing à la boutique, nous offre le thé. Il n'y a même pas l'eau courante, et le coiffeur verse avec une cruche. Léon n'est pas rassuré et se plie de mauvaise grâce à la manœuvre dégoulinante. Vient ensuite le moment de la coupe, et nous redoutons le résultat, tant les cheveux blonds et fins ne font pas partie du répertoire des toisons locales. C'est plutôt le genre barbu fondamentaliste, poils et cheveux bien noirs, bien épais, bien touffus, et l'option tondeuse en général; Hazielle aussi me fait part de son inquiétude. Nous aurons donc une bien belle nuque dégradée, mais pour le reste, c'est un peu "au bol", bien droit tout autour. Heureusement que ses petites bouclettes permettent d'ébouriffer avantageusement le devant. C'est nickel au final, mais il aura fallu le temps. Je soupçonne le garçon coiffeur d'avoir délibérément pris tout son temps pour profiter de cette rareté blonde et bouclée. Il n'en finit pas de le coiffer, à la fin, et de lisser avec la paume. Regards suppliants de Léon dont la tête dodeline sous la main de l'homme concentré ! Et libération enfin, dans de larges sourires de part et d'autre, mais pas pour les mêmes raisons.
Nous nous mettons ensuite en quête d'une station pour faire le plein de gasoil et d'eau avant d'affronter la grande tirée jusqu'à la Mauritanie. Les stations de la ville sont en rupture de stock. Nous ressortons donc vers le nord, à 20 km/h, c'est interminable. La quatrième station a du gasoil... mais pas d'eau. Il n'y en a pas au campement, et il nous faut retourner en ville, toujours à 20 km/h. Je trouve une autre station, vraiment cachée, demande de l'eau. Le type m'indique les toilettes et semble ne pas voir d'inconvénient à ce que je remplisse mes 80 litres. Je descends mon tuyau de la galerie, raccorde au réservoir, puis au robinet, j'ouvre en grand, m'allume une cigarette pour passer le temps... mais aucun glou glou ne flatte mes oreilles; Je m'approche du réservoir, ouvre le robinet pour vérifier que de l'air s'échappe bien alors que l'eau prend sa place à l'intérieur... Rien ! Je débranche le tuyau du robinet et il se vide d'un ou deux litres d'eau ! Tiens, mais que se passe t'il ?
La pression est tout simplement ridicule, et insuffisante pour que l'eau daigne monter à 1 m 20 au dessus du sol, hauteur à laquelle est disposé mon réservoir. Je débranche de ce côté là et descend l'extrémité jusqu'à ce que l'eau coule : à peine 60 cm, soit 0,6 bars de pression maximum. Le gars me dit qu'il y aura de la pression demain matin... Ben voyons ! Comme je ne me vois ni revenir encore, ni transvaser 8 fois mon jerrycan de 10 litres dans le petit tuyau de remplissage, je décide d'abandonner, et nous repartons juste avec quelques bouteilles d'eau potable, et un jerrycan plein.
Nous arrivons tardivement au campement, je m'installe cette fois-ci à côté du C15 des amis,  redéploie la tente pendant que le tagine réchauffe et couche aussitôt après le diner les enfants pour notre dernière nuit au PK-25.
Demain c'est le grand jour : douanes marocaine et mauritanienne.

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