Laayoune - Bon allez on rentre !
C'est donc à Laayoune que nous arrivons en soirée, et je reconnais les abords de la ville qui nous avait accueillis cet hiver, quelques kilomètres avant le centre, sur ma gauche maintenant, la route qui mène à la plage et au camping sécurisé. Je le retrouve sans peine, il fait encore jour. L'ambiance est radicalement différente. De nombreux sahraouis ont installé ici leur Khaïma, ou leur guitoune, comme ils disent, ils ont reconstitué un village de tentes traditionnelles sur ce grand terrain plat. Une aire leur est réservée, il y a beaucoup d'animation. Nous retrouvons peu ou prou la même place que la dernière fois, et je me demande ce qui motive cette disposition qui consiste à retrouver des repères pour se sentir bien. Il faut encore une fois organiser un pare-vent et installer notre petit campement, mais Cyril et surtout Philippe se montrent pleins d'initiatives et cela est rondement mené, de telle sorte que je me mets au fourneau et que nous pouvons vite nous régaler d'un plat déjà expérimenté dans le no man's land. La deuxième fois, c'est toujours meilleur, car on sait d'emblée ce qu'il faut faire pour améliorer. Les gars de l'équipe du camping nous rendent visite et nous gratifient d'un petit cadeau fumigène qui aura des effets jusqu'à tard dans la nuit. Nous jouerons beaucoup de bonne musique, aurons de nombreux spectateurs enthousiastes, et serons nous-mêmes très joyeux, nous couchant bien après tout le monde.
Du coup inutile de rêver, nous ne serons pas debout à l'aurore...
Un vrai petit dèj avec pain, beurre, confiture, café au lait, ça n'a l'air de rien, mais c'est vraiment du luxe et nous savourons. Ces instants de paix et de complétude sont rares et bienfaisants.
Nous plions tranquillement et efficacement, et nous mettons en route vers 12h00.
Peu importe l'heure, en réalité, puisque nous pouvons maintenant rouler de nuit, et jusqu'à épuisement, ou tout au moins un peu avant. Ce sera le jour pour laisser Philippe conduire, deux bonnes centaines de kilomètres, puis Cyril un peu, avant que la nuit ne tombe. Il prend le volant à Tan Tan, où nous nous sommes arrêtés pour déguster un bon café crème. Je ne pouvais pas passer ici sans m'arrêter, y étant resté deux jours entiers avec les enfants, alors que s'ouvrait le Mauresm Festival du désert, avec son carnaval et ses courses de chameaux. Je repense à Toufik, qui nous avait alors tenu compagnie, et à Eko, alors au mieux de sa forme, au milieu de son voyage. Nous n'avions pas vu les courses, seulement le Carnaval, il aurait fallu attendre un jour de plus et alors, cela me semblait exagéré!! En revanche, nous avions pu faire le tour du village Touareg, avec ces immenses tentes richement décorées de somptueux tapis, de coussins et de services à thé rutilants.
Cette fois-ci, ce n'est qu'une pause sur notre route, et après avoir cherché, et trouvé un petit « truc », nous reprenons notre chemin le sourire aux lèvres. Nous rallions donc Agadir, que nous contournons par l'est, pour trouver un coin tranquille où passer la nuit. Cyril connait un spot, sur une falaise, avec une vue magnifique. Nous trouvons en effet sans hésiter outre mesure et installons machinalement notre bivouac. Il n'y a pas âme qui vive à l'endroit dit. Peu importe ! Nous sommes trois gaillards, les malfaisants n'ont qu'à nous chercher, ils trouveront à qui parler.
La route nous a correctement fourbus, et nous ne traînons pas avant de dormir. Juste un thé sans menthe, pour passer un peu le temps, histoire de dire. Nous n'avons pas faim ce soir, ni les uns ni les autres. Pas de vent non plus, enfin, le sommeil est instantané et réparateur.
Au matin, en revanche, nous traînons ! Petit dèj à rallonge. C'est vrai que la vue est pas mal. Nous sommes sur une falaise, sur une sorte d'avancée dans les flots, de sorte que nous sommes derrière les vagues, bien en contrehaut, et que nous voyons les séries d'ondes se former par l'arrière, avant qu'elles ne viennent doucement déferler sur la plage, au loin. C'est reposant. Il fait chaud, c'est d'ailleurs la chaleur qui nous sort du sommeil et nous intime l'ordre de sortir avant que nous ne fondions dans un sommeil inutile et ensuqué ! La voiture est bien orientée et la tente fait de l'ombre. Nous sommes bien. Aucune envie de se dépêcher. Bien après le petit dèj, café noir. Puis douche et toilette consciencieuse avec l'eau soufrée du Sahara embarquée dans le réservoir. Cela ne sent plus l'œuf pourri. C'est encore mieux !
C'est seulement vers 16h00 que nous finissons de plier le campement, la faim au ventre, cette fois-ci. Cyril a une connaissance dans le village au pied de la falaise, à deux minutes en voiture. Nous nous y rendons. Son ami est bien par là, mais il fait la sieste. Dommage, j'aurais aimé lui confier la vidange de la voiture. Il est temps, la dernière remonte à Kpalimé. Cela fait maintenant 6000 km ! En attendant, nous nous régalons d'un plat de poissons frits délicieux. 15 dirhams, avec la petite salade bien craquante. C'est copieux et sain, le piment est parfait, tout passe à merveille. L'ami est maintenant réveillé, mais il n'a pas les filtres pour la vidange, filtre à huile et à gasoil. Il faut même que j'aille chercher l'huile dans une station proche. Pas envie ! C'est donc le moment de se dire au-revoir ou adieu avec mes passagers. Nous aurons quasiment passé une semaine ensemble. Le temps de commencer à bien se connaître. Pour autant, pas trop d'émotion dans cet au-revoir. Après tout, notre partage était pure commodité, et cela s'est bien passé. Et puis nous sommes tous trois des blancs, et le cœur est assez profondément enfoui, chez ces gens là.
Me voilà seul à nouveau, mais cela ne me pèse pas. Je me dis que je ferai ma vidange à Essaouira et me fixe cela comme objectif. La route est magnifique, sinueuse, montagneuse, avec la mer en contrebas. Je me régale. Seul un taxi typique, Mercedes bleue, refusera que je le double en faisant des embardées brutales sur la voie de gauche dès que j'amorce ma manœuvre de dépassement. Complètement taré ! Je maugrée un peu mais ne m'appesantis pas. Ensuite je crois comprendre qu'il craignait que je projette des gravillons sur son pare-brise. C'est vrai que ça croustille un peu sous les roues. Il est pardonné, mais en voilà des manières, tout de même !
La route grimpe maintenant résolument dans les hauteurs. C'est le royaume de la noix d'argan, dont on fait une huile souveraine pour la peau notamment, mais aussi délicieuse en usage alimentaire. Elle est saturée de vitamines rares et bienfaisantes. La température ne cesse de grimper, j'ai l'impression d'entrer dans un immense four. Le thermomètre de la voiture dépasse à nouveau les 40°!! 44 maintenant ! Ouch ! Je me sens mal. En même temps, cela donne de la valeur à la noix d'argan et attise ma curiosité. Au bord de la route, des associations en font le commerce. J'hésite à m'arrêter, puis à la seconde occasion, voyant l'indication 100% bio, et le panneau indicateur suffisamment à l'avance pour que je ne rate pas la bifurcation, je freine et vais au fond du chemin, décidé à en savoir un peu plus. C'est hors de prix, même du producteur au consommateur. Que des femmes ici. C'est leur truc, l'huile d'argan. Elles extraient manuellement une sorte d'amande, au coeur du fruit. C'est très fin, proportionnellement au volume de la noix, et il en faut un paquet pour en extraire quelques ml. Je comprends mieux. J'en achète donc en petits conditionnements jolis, pour offrir, et un pot de miel, d'huile, et d'amandes pilées mélangés, dont le goût est tout simplement surnaturel, histoire de se redonner le moral en cas de coup dur. Les femmes entonnent un chant collectif très joli et rythmé par des claquements de mains. Si je m'écoutais, je resterais à les écouter, mais il fait décidément trop chaud, tellement trop chaud. Filons !
Peu après, je prends un stoppeur, il a fini sa semaine, nous sommes samedi soir, il rentre dans sa famille à Essaouira. Encore 50 km. Nous y sommes vers 19h, il m'offre un thé à une terrasse. Du coup, alors que ma route bifurque à droite, je décide de l'accompagner jusqu'à la ville et de visiter un tant soit peu Essaouira. C'est vrai que c'est joli. Une belle grande baie, style la Baule, mais en plus petit quand-même, avec la vieille ville et ses fortifications ocre foncé. Je me gare. Le gars du parking me demande illico 10 dh, c'est 5 fois plus cher que partout ailleurs au Maroc. Je n'ai qu'un billet de 100. Il s'en saisit, me rend 50 alors qu'un type surgit pour me déconcentrer, me proposant du haschich, des filles, des adresses cool. Il parle espagnol et interpelle toutes les nanas qui passent. Imbuvable. En attendant, l'autre a filé en me devant toujours 40 dh. A mon avis c'est une combine entre eux. Je le rattrape et lui réclame ma monnaie, qu'il me restitue sans moufter, mais je sens son dépit. Le truc, c'est que vous êtes content de ne pas perdre le fil, alors vous ne prenez même pas la peine de les pourrir un peu, quand-même, pour la forme quoi !
Je suis garé le long de la plage, à 10 minutes à pied de la vieille ville. Je prends mon ordi sous le bras et me dirige vers les remparts, bien décidé à donner des nouvelles, à consulter mes mails, et à me faire un bon petit diner. Cyber ok, juste à l'entrée. Je prends des clopes et demande un tuyau pour le restau. Le gars me recommande d'aller au Laayoune... Ca me plait, j'en viens ! Et en effet, c'est génial, très beau, confortable, succulent, je recommande le jus d'orange banane amandes. Requinqué, je retrouve ma voiture et me décide à poursuivre jusqu'à ce que la fatigue me commande de m'arrêter. Ce sera après Casablanca. J'aurais d'ici là pris deux gars en stop, vers 23h, l'un est fauconnier, l'autre bon à rien. Ils puent un peu, ne parlent pas français, mais le faucon, avec ses petites oeillières en cuir et son catogan droit sur la tête me botte bien, je l'observe en douce dans le rétro, c'est un remarquable chasseur de perdrix qui fait vivre son homme. Fauconnier est une profession universelle, il y en a partout dans le monde, et ils se connaissent, par le biais d'une association internationale. Bon à rien, c'est universel aussi, il y en a partout dans le monde, ils ne se connaissent pas mais n'en ont rien à faire, et aucune association ne les représente, ça les arrange bien aussi !
Les bus filent vraiment bon train, même la nuit, et ce sont de remarquables poissons pilotes, comme je les appelle. En plus, à l'arrière, ils ont quatre feux rouges, deux en bas et deux tout en haut, ce qui fait qu'ils sont faciles à repérer. J'en suis donc un pendant un long moment, avant que la fatigue ne me recommande un arrêt très prochain. J'ai bien avancé, il est quelque-chose comme 4h du matin. Il faut dormir ! Je m'arrête dans une grande station, sur l'autoroute qui mène à Rabat et Tanger, allonge le siège, sors une bonne couvrante de laine, mes oeillères Royal-Air-Maroc, verrouille consciencieusement les portières et m'endors instantanément du sommeil du juste.
9h lorsque j'ouvre les yeux. Il me reste quelques dirhams, et avant de prendre le petit déj, je me renseigne sur le prix du service, pour la vidange, et s'ils ont les filtres idoines. C'est oui, c'est 30 dh le service, j'ai acheté l'huile cette nuit sur la route. Heureusement, c'est de la Total, comme ici. Il se met au boulot, je file déjeuner. C'est génial le jus d'orange frais à ce prix là. On en boit deux ou trois d'afillée facile. Café, grosse crèpe, confiture. C'est bon, en route ! Aujourd'hui, j'entre en Europe.
Le plein est fait, l'huile est neuve, je fonce et suis à Tanger à 15h, je dépose un gars que j'ai pris une heure avant. Il y avait eu aussi deux travailleurs réparateurs de machines de chantier qui m'ont laissé leur carte et invité chez eux lors de mon prochain passage à Casa. Ils ont eu la délicatesse de payer le péage sans que j'aie à leur demander. Le gars d'après non !Du genre fauché, dès qu'il a 3 sous, il achète du kif, et fume. A l'aide d'une longue pipe en deux parties qui se vissent l'une dans l'autre, avec à l'extrémité un tout petit foyer en bronze. A chaque fois qu'il allume son truc, il me le tend. C'est goûteux, c'est le moins qu'on puisse dire ! Arouya ! Comme il dit, avec les yeux qui tournent vers le haut !Arouya, en effet ! En même temps, il me fait entrer dans Tanger, et le temps de ressortir et d'atteindre le port Tanger-Med, tout neuf (il ne fonctionnait pas encore cet hiver, à l'aller) j'arrive à 15h50. Je remplis ma fiche de sortie et poireaute au guichet. Le policier a l'air d'avoir du mal avec un client marocain, style businessman décontract'. Son cas s'arrange après 5 bonnes minutes. Je ne connais pas l'horaire de départ, cela m'est égal pour l'instant. Des gens, marocains, juste après lui dans la file, s'impatientent, changent de guichet, espérant probablement que ça irait plus vite ailleurs, puis reviennent juste quand c'est mon tour. Le papa me passe devant sans même un regard et pose son passeport et deux autres sur le guichet. Cela m'agaçe, je fais une remarque et pose mon passeport sur le sien. Le flic me dit « Si, ils étaient là, ils sont partis, mais ils sont revenus ! » « Et moi je suis resté là, patient ! » Le flic me tend mon passeport et me dit d'attendre mon tour ! Le comble. Typiquement le genre de truc qui me fout en boule. T'imagines la même à la Poste, ou chez Carrefour un samedi. Je change de caisse, mais voyant que c'est encore plus long, je reviens et reprends mon ex-place ! Bref ! C'est enfin à moi. Ça va vite ! Tic tac, tampon ! Ciao. Je ne me presse pas outre mesure, arrive au rond point, fais deux fois le tour, demande au flic de faction, là bas, ok ! J'accélère un peu, on me dit quai N°3, on est pourtant pas lundi 23 !!! (Cf Arthur H) J'y suis. Le bateau aussi, chouette ! Juste quand j'arrive, il est 18h03, le gars tire la grille devant mon capot !Oh ben non alors ! Je n'y crois pas, je suis sur le huc ! Quoi ? Et l'autre empaffé il est monté avec toute la smala, et le gars à problèmes du début, aussi ! Et No il reste à quai ! J'hallucine ! « Tadidadada Tadidada ! Le lundi 2 3, quai N°3 ! Je n'descendrai plus du bateau, et tu ne m'reverras pas d'si tôt ! «
Le gars me dit ! Tranquille m'sieur ! Il n'y a qu'à attendre 5 h ! Quoi ?!! Dans 5 heures ?! Non m'sieur ! A 17h le prochain... Ah ! Dans une heure quoi ! Oui m'sieur ! Bon, ok ! Alors je n'm'énerve pas trop !
Poireau poireau ! Bon, il y a un rade en Algeco ! Un petit coca bien frais ! Je vais avancer le blog. Batterie à plat. Crotte ! Je peux brancher s'il vous plait ? Branchement ? Attendez m'sieur ! ...M'sieur ! Pas di prise ! La fiche, la prise ! Pas di branch'ment ! Bon tant pis !
Je me branche dans la voiture. On crève de chaud ! Sors un tabouret ! Ouvre la porte ! De l'ombre. Ordi sur les genoux. Ca marche ! Réseau sans fil détecté ! Ouahou ! Ca alors ! C'est la fondation Mohammed V pour la solidariti ! Un autre algéco contigü au rade. Les plus jolies marocaines de Tanger sont là dans leur bel uniforme militaire, avec soit un képi, soit un chapeau rond. C'est joli, une marocaine, à 20 ans, avec un bel uniforme et un képi ! En attendant, j'a l' Wi-Fi (prononcer avec l'accent arabe). J'ai moins l'impression de perdre mon temps. Mais si j'avais eu ce bateau, je serais allé engueuler le véto que j'avais payé 56 euros pour faire analyser le taux d'anticorps antirabiques d'Eko, et qui n'a jamais envoyé le prélèvement au Laboratoire de la Sarthe. Bon ! Eko est mort et cela ne m'aurait de toutes façons servi à rien, mais il n'était pas sensé savoir alors, le véto. S'est bien foutu de ma gueule. Je m'étais juré d'aller lui mettre un petit dawa dans son joli cabinet. Il a eu chaud, ça sera fermé quand j'arriverai à Algéciras. Encore un qui a du bol !
Alors je fais mes petits mails. Je consulte le blog, mets à jour. Regarde un peu les nouvelles neuves du monde. Pas jojo ! J'ai vraiment rien raté. Woerth ! Sarkozy ! L'ont toujours pas tiré çui là ! Il y en a pas un seul qui en a dans ce pays ? Va encore nous pomper l'air longtemps, et continuer de vendre la France à ses potes du CRIJF ?
Voilà le bâââteau ! Chic ! Pas si longue l'attente. Je range l'ordi, roule le fil, m'installe au volant. La rampe d'accès est abaissée, les véhicules commencent à sortir. Van de Diou ! C'est qu'il y en a là d'dans ! Ca n'en finit pas. V'là l'chargement ! Non mais regardez-moi ça ! Y s'croivent au Maroc les mecs ! Des Renault Espace avec autant dessus que dedans, une remorque plus grosse que la voiture, l'arrière qui racle ! Et une smala la d'dans ! On sait pourquoi ils ont inventé les sept places ! Le bus Eurolines, avec la remorque qui va bien aussi ! Que des monospaces gavés de gens et de sacs. Ils sont en grève les flics français ou quoi ? Comment ont-ils pu laisser passer tout ça ? 45 minutes pour que tout le monde soit descendu ! Ça temporise ! On pourrait y aller, mais on y va pas ! Je devrais déjà être à Malaga. J'ai la retournite aigüe ! Le syndrome de l'occidental qui résonne avec l'urgence. Foutue maladie ! On est foutus j'vous dis!
Ca y est ! Il tire la grille, me fait signe d'avancer. J'espère que je ne vais pas me retrouver au fond, le dernier à sortir ! Non ! Premier rentré, premier sorti ! Ouf, c'est déjà ça ! Je me gare et monte sur le pont ! Pas de pont à l'air libre ! Zut ! Que des grandes baies vitrées, comme dans une navette spatiale dans les films de science fiction. On se croirait à bord de l'Enterprise, dans 2001 ! A l'aller, c'était 2h35 ! Cette fois-ci, ils annoncent 35 minutes. 5 fois plus vite quoi ! C'est pourtant pas un hydroglisseur ?!! Pas grand monde dans ce sens là ! C'est vite vu l'embarquement ! On y va déjà !
Oulà ! Ca pousse cette affaire ! La comparaison avec un vaisseau spatial se confirme. On accélère carrément ! Le bateau ne tangue pas, ne roule pas, il avance, point barre ! Il remets encore du gaz ! Accrochez-vous ! C'est dingue ! J'aurais jamais imaginé ! Avec toutes ces bagnoles, ces camions à l'intérieur ! C'est que ça envoie du gaz, comme on dit ! Je vois les flots qui défilent de plus en plus vite. C'est assez silencieux, ça ne vibre pas ! Ça alors !
Je commande un café au bar ! Une demoiselle trop maquillée me sert un expresso ! 1Euro 80 ! Les prix aussi accélèrent ! Je n'ai que des dirhams ! Pas de dirhams ! Seulement des euros ! Je n'ai pas d'euros ! Je ne sais plus ce qu'elle me dit, mais je comprends « Tant pis Monsieur ! Ca n'est pas grave ! C'est offert par la maison ! » Alors je touille un peu mon café pour être bien sûr ! Elle ne pouffe pas ! Elle n'appelle pas la police ni le commandant de bord ! Bon ! Je touille une dernière fois en lui faisant un large sourire. Grachias Chignonrita ! Et je m'en vais savourer ma tasse indue dans un coin tranquille! Vient donc naturellement l'envie de la cigarette qui va avec ce si fort café gratis à 1euro80 ! Je m'enquiers d'un espace d'air... Point ! Je descend au premier pont voiture. On y accède par l'avant. Ça souffle, avec le vent et la vitesse, mais on ne voit pas au dessus, vers la proue ! Il y a bien une échelle, je mets un pied dessus, tourne la tête, le poste de pilotage est juste au dessus, je vois le cockpit, comme celui d'une F1. Pas discret ! Je descends au deuxième pont, me dirige vers ma voiture. On ne va tout de même pas m'interdire de fumer dans ma voiture ! C'est alors que j'aperçois, à l'arrière du bateau, ce qui semble être une bien belle gerbe d'écume ! Je m'approche, et alors là... Comme dit Miou Miou dans les Valseuses... Non mais alors là !!! Ah non mais alors là ! De part et d'autre de la rampe d'accès des véhicules, repliée verticalement, je vois des montagnes d'eau de part et d'autre. Ce bateau, un catamaran en réalité, envoie vraiment des watts ! On se croirait aux 24h motonautiques de Rouen. L'eau jaillit à 4 ou 5 m du niveau de la mer dans le vacarme littéralement assourdissant des turbines. Point d'hélice ma bonne dame. Des turbines, et pas du petit calibre. On joue dans la cour des grands. Moi en attendant, je me sens tout petit. J'imagine à peine si je tombe à l'eau à l'arrière du bâââteau... plus de Nono, que de l'eau... Gibraltar que j'aimais !
Sur les côtés, des portes « Siempre cerrada » ouvertes... comme quoi il ne faut jamais se fier aux apparences. Je sors ! Le spectacle est grandiose ! Ben mon cochon ! Ça envoie vraiment sérieusement du gaz, c't'affaire ! Van de diou de van de diou !
Je m'installe là et fume deux ou trois cigarettes, obnubilé par la puissance de l'engin; le volume d'eau éjecté, la hauteur des masses d'eau et d'écume qui s'élèvent, la largeur du sillage, la stabilité de l'ensemble, et la vitesse à laquelle ce truc se déplace sur la mer ! Je dirais 60/70 km/h !!!
En 35 minutes en effet, nous sommes à quai à Algéciras. Je sors illico, le premier.
Tous les postes me font signe de passer. Si j'avais su ! Comme une lettre à la Poste. Me voilà sur l'autovia, direction Malaga. A mon tour d'envoyer. Je roulerai jusqu'à Granada, et même après. Je fais une pause dans une station Repsol toute neuve avec restau très chic. C'est la finale de la coupe du monde. Premier temps additionnel ! L'Espagne marque ! Campeones del Mondo ! Bravo !! Clap clap ! Viva Espana ! Allez hop ! Le plein ! Merci visa ! Pas encore d'euros en poche. Je continue, comme hier, jusqu'à 4h... En fait non ! Je préfère aujourd'hui m'endormir au volant un instant, ce qui me décide à m'arrêter à la première aire venue, juste après ! C'est mon côté « j'aurais tout essayé ! » Ouf ! C'est con ! On se croit toujours plus fort et puis... en fait non ! Ça vous prend d'un coup ! Vous vous dites : « Je dormais là ! » Bah oui ! Ça fait dix minutes que tu le sais, qu'il est temps de t'arrêter, c'est sûr !
Deuxième nuit dans l'habitacle. Il va falloir me démouler à la fin ! Je ne la quitte plus cette bagnole.
Au matin, la chaleur me réveille. 9h... Bien dormi.
Pas d'euros, donc pas de café ! Je suis trop mal organisé ! La flemme de sortir mon gaz et tout et tout ! Tant pis, je verrai plus tard ! Postabank ?!! C'est quoi donc ? Tiens ! Un distributeur ! J'ai trop de bol ! Allez hop ! 200 euros ! Café, jus d'orange, tartine, purée de tomates fraîches, huile d'olive... Gaz !
Allez hop hop hop ! Truc truc ! Madrid ! Mc Do ! Saragoza ! Pause café ! Bon ça démarre plus ? C'est quoi c'taffaire ? Batteries... Tiens un land rover stationné. Le temps que je me demande, voilà le chauffeur, il est descendu de sa chambre pour chercher un truc, attends voir... « Svp por favor ? Mi batteria descargada ! Habe las pinces ! Si si ! Podeis couic couic ? Si ! Gracias ! Espere ! Momento ! Voili ! Voilà ! Hôla ! Buon Dia ! Je sors mes malles pour trouver les pinces... on branche, c'est un peu court...
Ça marche pas ! Ça les vide au lieu de les recharger...
La aiguilla... au lieu de pif pif... pouf ! Si ! Mira !! No possible ! Hola ! Espere ! Si possible mi tracta... tractar ? Tracta ? Si ! Habe il cablo para tractar... la tractation... baïla ! Clic ! Clic ! This way par ici, or this way par là ? Par là ok! Parla !!! La secunda velocidad ?!! Si si ! Prenemo por un cono o que ? Va va !! Go ! Pouët ! Vroum !!! Aaaah !! Pouët pouët ! Ok ! Perfecto ! Gracias muchas ! Euh muchas gracias ! Si ! Del profundo de mi corason ! Si ! Buon ! Solidaridad campeone... a (?) del Munda... Mundo... Si ! Gracias ! Viva Espana ! Bla bla !
Ouf ! J'ai eu chaud ! C'est l'alternateur qui en a pris un coup ou quoi ? La voiture a bien chauffé au dernier col. J'ai vu l'aiguille monter monter ! J'ai fini sur un filet de gaz, en me disant qu'il fallait faire la pause ! Du coup j'ai eu peur d'avoir serré, ou bouffé le joint de culasse ! Là c'est mauvais, pour finir en mocheté, y'a pas mieux ! Ben non ! Ça tourne comme une horloge ! Mais les batteries, avec ce que j'ai roulé, elles devraient être à toc ! Au lieu de ça, rien dans le sac ! J'te jure ! L'alternateur ! J'ai plus qu'à rouler jusqu'à Pau ! Avec un peu de bol (ou de pot), le gars qui m'avait vendu les disques de frein avant au départ aura un alternateur dans le tiroir de son bureau au retour. En attendant, plus de pause, sauf en descente. Pour démarrer seul, il faut que je me gare en descente, au cas où le problème persiste parlez-en à votre médecin ! Une descente une descente ! Que je réfléchisse ! Les Pyrénées, en voilà une belle descente ! Le col du Tourmalet, ça devrait suffire pour démarrer, côté français... C'est décidé, ce soir, je rentre en France et je dors au col !
Tunnel du Somport ! 8Km7, ils sont forts ces blancs ! A même le roc, et quel roc ! A l'entrée, grand soleil couchant, 27° ! A la sortie, crachin-croucha, brouillard, essuie-glace, 15°. Bienvenue au pays No' ! Ca t'a manqué hein ?! Hein ?! Dis-le !
En tout cas, c'est absolument conforme à mes prévisions : A la sortie du tunnel, ça descend !
Urdos ! Hôtel des voyageurs. Tout le monde se dit : C'est pour moi ! Sont forts ces français ! Et ça marche ! Il est 22h. Je m'arrête à l'hôtel des Voyageurs. Plus de plat du jour, mais un bon sandwich mitse ! Ben oui ! Jambon fromage, c'est comme ça qu'on dit ! Mitse ! Avec un ballon eud'côtes ! Café ! Si ! Oh, avec un Calva ! Ben voui ! On s'refuse rien ! On l'a ben mérité !
Je prends même une chambre ! Il y a une baignoire ! Je vais donc prendre un bain !!! Quel bain ! C'est du propre ! V'là l'boulot ! Troisième jour sans une vraie douche ! Ça va que j'étais seul en voiture, ou avec des fauconniers, parce-que excusez du peu ! Y'a d'quoi faire !
Me v'la ben nourri, ben prop'... ben français !
Et comme à chaque jour suffit sa peine...
Au pieu !!!